Le pitch : Super espion , Harry Tasker fait croire à sa femme qu'il est juste un vendeur informatique. Mais quand cette dernière se met à chercher un frisson d'aventure, il doit tout faire pour la récupérer tout en empêchant un groupe terroriste islamiste de jeter le feu nucléaire sur l'Amérique.
Le très ambitieux Terminator 2 s'étant terminé par un succès commercial sans précédent, le cinéaste décida de prendre un peu de repos. Pas une année sabbatique mais un temps qu'il consacra à la mise en place de sa société d'effets visuels : Digital Domain. Cameron s'était déclaré frustré suite à son travail avec ILM. Par deux fois, il les avait poussé dans leurs derniers retranchements, et par deux fois, il n'avait pas eu l'impression de récolter le fruit de ses efforts, d'un point de vue médiatique. A la différence de Spielberg qui , avec Jurassic Park , avait imposé le numérique à la face du monde. Cameron avait permis Jurassic Park mais on lui avait refusé la paternité. Qu'à cela ne tienne , il entend désormais faire partie de la révolution, voire la créer plutôt qu'être un simple spectateur. Pour fonder Digital Domain , il s'associera avec son vieux compère, Stan Wiston . L'argent et le matériel informatique seront fournis par IBM. Car Cameron croit en l'avenir du numérique et pas seulement pour créer des androïdes liquides ou des T-Rex. Il estime que le numérique doit permettre de reproduire la réalité au moindre coût, faire pousser un champ de blé là où le cameraman n'a filmé qu'une vague étendue d'herbe. Bref, Cameron, bien avant Lucas , rêve d'un studio virtuel.
Digital Domain étant lancé (ses premiers contrats seront Entretien avec un Vampire et Appolo 13... on a connu des débuts moins glorieux) , Cameron se tourne vers son nouveau film. C'est Arnold qui lui apportera l'idée. Le colosse autrichien avait remarqué une comédie française de Claude Zidi, avec Thierry Lhermite, Miou-Miou et Eddy Mitchel, La Totale. Le film lui semble réussi et il se voit bien dans le rôle de Lhermite , une fois le script passé à la moulinette d'Hollywood , bien sûr. Il en parle donc à Cameron qui voit là l'occasion de changer d'univers, de fuir un peu la SF et surtout de faire un film moins onéreux que T2. Il va donc ré-écrire le scénario , gardant toutes les idées directrices de Zidi mais changeant radicalement toute la partie action. On ne s'appelle pas Cameron pour rien.
La Fox accepte le traitement et budgète le film à 40 millions de dollars. Avec une condition de date : le 4 juillet 1994. Cameron promet sur les deux points de donner satisfaction.
80 millions de rallonge plus tard , le film sort avec deux semaines de retard sur la date du 4 juillet. Explications d'un nouveau gouffre financier.
Cameron a tout d'abord écrit un scénario totalement délirant, accumulant les scènes d'actions les plus insensées : course poursuite entre un cavalier et une moto dans les coulisses d'un hôtel de luxe, destruction d'une base terroriste à la mitrailleuse, grenade, bazooka, lance-flammes..... , poursuite à Miami entre un avion à réaction Harrier et un hélicoptère, poursuite à ski dont le but inavoué est de surclasser celles des James Bond.... Sans compter de nombreux combats mano à mano, à l'arme blanche, à l'arme à feu... Et tout ceci ne concerne que la partie action. Il est clair que les pauvres 40 millions de dollars ne pouvaient concerner que les premières prises de vue. Cameron pousse même le vice à refaire un des cascades de T2 en plus complexe. Dans T2 , le T-1000 faisait un saut en moto sur un hélicoptère. Dans True Lies, Aziz fait un saut en moto similaire mais sur le toit d'un immeuble opposé à celui de l'hôtel. Un plan impossible à faire 3 ans avant. Chez le cinéaste tout est question de temps et de moyen quand il s'agit de réaliser une idée.
A cela va s'ajouter les scènes de comédie classiques où Cameron rend hommage aux comédies de couple des années 60, souligne l'importance de la double vie dans un couple apparemment trop parfait, s'intéresse aux relations entre un père et sa fille (une grande partie des scènes sera cependant coupée , au grand désespoir d'Arnold), bref film de vraies tranches de vie. Comme à son habitude, le métal broyé et le déploiement technologique ne visent qu'à servir des scènes quasi intimistes notamment ce sommet où Helen, sans le savoir car séparée par une glace sans tain, avoue son amour à Harry.
Tout ceci coûte très cher d'autant plus que le tournage va s'éterniser sur 7 longs mois (contre trois de prévus au départ) . Perfectionniste et ne s'améliorant visiblement pas avec l'âge, Cameron renoue avec le dictateur de T2. En pire, semble-t-il. Même Arnold en fait les frais. L'acteur ayant loupé le début d'une journée de tournage (à cause d'une virée en voiture) recevra l'engueulade de sa vie.
Et puis il y a les effets visuels. Cameron les veut parfaits. Or la perfection coûte très cher. Et la perfection technique de True Lies va achever de couler la partie budget du film. 120 millions de dollars seront donc nécessaires pour ce qui devait être une entreprise sympathique, un remake sans histoire. Une fois de plus, le cinéaste va être la cible de toutes les commères d'Hollywood. Sa réputation de panier percé va grandissant et True Lies ne va rien arranger. Dans les bureaux de la Fox , on s'arrache les cheveux. Car , l'année d'avant (1993) la comédie d'action d'Arnold, Last Action Hero n'a même pas atteint les 50 millions de dollars. True Lies s'annonce comme un gouffre sans nom et le studio n'a pas vraiment envie de s'offrir un nouveau Last action Hero ou un 2eme Hudson Hawke. A cela s'ajoutent des accusations de racisme, Cameron montrant des terroristes arabes. Il justifiera son propos en disant que sur 200 groupes terroristes, 195 viennent du Moyen Orient. Le 11 septembre 2001, l'Amérique découvrira que le cinéma pouvait être prophétique.
Mais la confiance du cinéaste balaie tout. Et de toute façon, il semble que plus personne n'ose lui dire quelque chose. Une des pontes du studio dira de Cameron "il est devenu fou, il dépense plus d'argent que n'importe qui dans l'histoire de l'humanité".
True Lies sortira donc avec deux semaines de retard et fera un excellent premier Week End à 25 millions de dollars. Le film en rapportera 147 et 380 sur le reste du monde. Bonne affaire finalement . Et succès critique également , la presse comprenant enfin que, correctement mené, il est possible de dépasser un sujet, de réussir un remake. James Cameron vient tout simplement de réussir le meilleur James Bond (sans James Bond) et a explosé les limites du cinéma. Durant ses années 90, seul Die Hard III surclassera quelque peu ce chef d'oeuvre absolu du film d'action.
Et qu'en est-il de True Lies 2 ? Les rumeurs vont bon train. D'après certains le tournage serait imminent et le scénario de Cameron se déroulerait dans l'Eurostar. Pour d'autres, il aurait totalement abandonné le projet. Ce qui est vrai c'est que dès 1994 , il déclarait à Marc Toullec dans Impact 53 qu'il faudrait envisager une séquelle qui embarquerait les deux espions (Harry et Helen) dans des histoires incroyables. Wait and see.
Wait and see même si les suites d'Avatar vont l'occuper jusqu'à la fin de la décennie. Wait and see également pour une véritable édition vidéo, avec version longue et vraie making of. Cameron nous la promettait pour 2002, puis 2006. On attend encore que le meilleur film d'Arnold soit enfin disponible dans une édition ultime. Mon Laserdisc ne sera pas éternel !