Le pitch : alors que les hommes ont répandu le mal sur la Terre, le Créateur décide d'en finir avec eux. Seuls les animaux seront sauvés du déluge qui va s'abattre. Un homme, Noé, est chargé de la tâche.
Rattrapage pour ce "péplum" biblique qui met à l'écran l'une des histoires les plus connues du Livre, mais aussi l'une des plus mystérieuses. Car Noé occupe juste quelques versets de la Genèse, n'a aucun dialogue et on sait très peu de chose de lui.
Le premier challenge était donc de construire un scénario digne de ce nom autour d'éléments aussi ténus. En rajoutant quelques personnages, en faisant de Noé un homme intègre mais d'une incroyable dureté et en prenant certains passages de la Bible au pied de la lettre (les géants de pierre), le script permet de tenir les 2H15 du film.
Et le moins que l'on puisse dire est que ces rajouts sont loin de délayer l'histoire, mais au contraire l'enrichisse.
Visuellement, le film est magnifique. Tourné dans les décors époustouflants de l'Islande (une destination "à la mode" depuis Oblivion et Prometheus), dans un arborteum de New York avec une arche quasi grande nature et en studio, Noé en met plein la vue tout en ne tombant pas dans l'esbrouffe. Associés à de splendides effets numériques, les plans sont au service de l'histoire et tentent de respecter au plus près les écrits de la Génèse.
Par exemple, l'arche n'a rien à voir avec l'imagerie classique. Ce n'est pas un bateau, mais une sorte de radeau de fortune , de forme rectangulaire et dont les dimensions, la forme sont décrites de manière très précises dans la Bible. Cela a étonné plus d'un spectateur, mais cela montre comment les clichés sont durs à abattre.
Mais quid de l'histoire ? Comme je l'ai dit , Noé n'a droit qu'à quelques versets et son histoire est peu développée. En ajoutant le personnage du roi des hommes, TubalCain, Darren Aronofsky ne fait pas que donner un adversaire à Noé , mais il lui donne un reflet noir dans le miroir. Pour lui, l'homme doit régner sur la Création et il est prêt à tout pour éviter que son "peuple" ne soit détruit. Ses motivations, au delà de leur égoïsme, ne sont pas si éloignées de nos visions de la vie. Si Dieu envoie le déluge, c'est parce que les hommes ont abimé sa création. Pour TubalCain, la création est au service des hommes, un outil dont il peut disposer à sa guise.
L'autre ajout du film est le conflit entre Noé et ses fils. Pour Noé, l'humanité doit mourir avec le déluge et sa famille ne doit pas échapper à ce destin. Mais pour ses fils, au contraire, cette castastrophe doit servir de nouveau départ et ils ne comprennent pas l'obstination de leur père à refuser de sauver une partie des hommes. Noé est prêt à mettre à mort les futures enfants de sa belle-fille (jouée par Emma Watson dans un rôle très complexe et dont elle se tire à merveille) pour respecter ce qu'il pense être la volonté de Dieu.
De ce fait, Darren Aronosky pose des questions extrêmement intéressantes. Le responsable d'une création a-t-il vraiment le droit de mort sur elle ? Et pourquoi le Dieu de l'Ancien Testament est-il aussi cruel ? Les dernières images montrent justement ce revirement, perceptible aussi dans la Bible après le déluge.
Le film n'élude en rien cette cruauté : les hommes ont détruit la planète, la transformant en désert, ils se livrent à la guerre, à la luxure et ne respecte pas la création. Mais le plan absolument terrifiant où des rescapés tentent d'échapper à la montée des hauts ne laisse pas place au doute : dans la noirceur, hommes et Dieu se valent.
Le discours de Aronosky devient franchement éblouissant quand il mixe les images scientifiques de la création de l'univers avec le discours de la Genèse (le premier jour, il créa la lumière...) ! Certains intégristes pourront s'étouffer devant un tel passage, mais la puissance de cette séquence justifie à elle seule la vision du film.
Pour une telle histoire, il fallait un acteur d'exception ! Russel Crowe tient le film sur ses épaules. Passant du sauveur et de l'élu à celui du boureau, l'acteur néo-zélandais livre sans aucun doute une de ses compositions les plus abouties ! Il fallait oser ne pas tomber dans un côté héroïque et faire ressortir toute l'ambiguité d'un homme allant jusqu'au fanatisme , refusant de discuter les ordres de Dieu, même quand il les trouve atroce.
Si l'on ajoute un Anthony Hopkins étonnant en Mathusalem et, je le répète, un environnement visuel incroyable (l'entrée dans l'arche !!!) , on est face à une réussite incontestable dont les quelques longueurs, notamment une fin un peu trop convenue (et s'écartant quelque peu du texte originel) s'effacent devant l'impression générale.
Le Blu-Ray offre une image exceptionnelle, notamment dans les séances de déluge et les arrêts sur image permettent d'admirer le travail sur les animaux antédiuviens. Le son n'est pas en reste, et au coeur de la tempête, on ressent la puissance "divine" dans ses enceintes.
Côté bonus, si le bon making of d'une heure, articulé en 3 parties, couvre toute la production, dévoilant le tournage en Irlande, la construction de l'arche ou la conception des scènes de bataille, il est dommage que la post-production soit totalement absente. On aurait en savoir plus sur la création des animaux (une galerie de photos ou de dessins serait la bienvenue), sur l'environnement 3D du film et surtout l'origine du film.
Car pour faire un film sur Noé, il faut avoir soit des convictions très solides (religieuses ou athées) mais surtout une bonne dose d'inconscience ! Après tout, le concept est loin d'être vendeur.
Peut être pour une futur édition collector ?