Le pitch : Un homme dont le mariage bat de l'aile est soupçonné de meurtre après la disparition de sa femme.
Après avoir brillamment mis en image le premier volume de Millénium (le meilleur des 3 bouquins soit dit en passant , les 2 autres étant dispensables à mon avis), David Fincher revient à un registre en apparence moins provocant mais en fait bien plus glacial.
En effet, derrière l'histoire de cette "disparition" se cache un torpillage en règle du mariage, de ses non-dits, de ses secrets, des ses carcans. Il est clair que pour le scénariste Gyllian Flynn (qui est également auteur du livre dont est tiré le film), le mariage n'est qu'une prison où l'on cherche à dominer l'autre et où l'un des protagonistes du couple doit abandonner tout son libre arbitre.
En apparence plus sage, la mise en scène de Fincher de cette dérive est d'une précision parfaite ! La présence de plusieurs sociétés d'effets visuels au générique ne trompe cependant pas : Gone Girl n'est pas un téléfilm filmé facilement en quelques jours. Et si une scène se détache du lot par sa sauvagerie (moins choquante que le viol de Millénium), c'est surtout une violence psychologique qui prévaut, sublimé par la musique glaciale de Trent Reznor et Atticus Ross. La mise en scène prend tout son sens : chaque mouvement de caméra prend son sens dans le lent chemin vers la vérité et chaque note électronique anticipe l'action.
Gone Girl est un film peu évident à chroniquer sans emettre le moindre spoiler. Concentrons nous donc sur l'interprétation.
Il fallait un acteur solide pour jouer le rôle de Nick, un mari qui voit sa vie s'écrouler. Ben Affleck, revenu de cette période "Sex Symbol" qui lui a longtemps collé à la peau (un début de double menton et d'embompoint désacralise sérieusement un "jeune premier") est donc parfait dans ce rôle où dépassé par les évènements, il devra toujours tenter de reprendre la main. Et à chaque fois qu'il pense l'avoir, il est à nouveau dépassé. Errant comme un zombie dans les 3/4 du métrage, manipulé, se confiant à la seule personne qui compte vraiment pour lui, sa soeur jumelle, Nick ne peut que constater les dégâts et tenter de les limiter. La vérité, il finira par la savoir, mais ne pourra pas l'exploiter à son profit, tout comme les autres personnages. La fin est d'ailleurs terrifiante : ceux qui s'attendent à du grand guignol seront déçus, mais sa noirceur va bien plus loin que la fameuse scène qui a valu au film un avertissement. Pris dans une toile tissée par un être implacable de logique, Nick sait qu'il a perdu. Mais finalement voulait-il vraiment une autre issue ?
Fincher a été traité de mysogine. En fait, Gone Girl parle surtout d'un homme qui laisse sa vie partir en miette et d'une femme calculatrice (Rosamund Pike absolument prodigieuse), qui n'est pas sans rappeler la Sharon Stone de Basic Instinct sur certains aspects. Sa mise en scène du mariage qui cache tant de zones d'ombres peut irriter. Mais c'est surtout sur les médias qu'il tire à boulet rouge ! Notre société étant désormais rythmée par l'image que l'on peut renvoyer, Nick n'a même pas le cran d'envoyer vraiment balader la journaliste qui l'a traîné dans la boue. Il la critique certe, mais va tout de même se prêter au jeu car il est faible. Il est faible devant son épouse, faible devant sa soeur, lâche envers sa maîtresse...
Gone Girl n'est pas qu'un thriller. C'est une étude effrayante de notre temps et du vernis que la société met sur nos vie. C'est surtout l'histoire d'un homme ordinaire dont la lâcheté chronique empêche que l'on ait vraiment de la sympathie pour lui. C'est peut être en cela que Gone Girl est un choc, un tout que l'on se prend en pleine figure.
Il faut voir le film pour comprendre totalement cette chronique. Mais le fait qu'il soit en train de devenir le plus gros succès US de Fincher en dit long sur sa portée : il est clair qu'une partie du public s'y retrouve. Mais quelle partie ? le public féminin ou le public masculin ?