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8 décembre 2014 1 08 /12 /décembre /2014 06:37

Le pitch : Une double plongée dans la pègre de Hong Kong à travers le destin contrarié de deux frères, l’un policier, l’autre gangster.

 

Revoir ces deux films 20 ans après leur première exposition au grand public en France permet de se rendre compte de deux choses : même si John Woo a fait d’énormes progrès depuis ce doublé de « jeunesse », l’essence de son cinéma est bel et bien présent et que son travail a été pillé sans vergogne par des cinéastes aussi ambitieux que les personnages les moins recommandables du Syndicat du crime.

 

Produit par un Tsui Hark au sommet de sa gloire, Le syndicat du crime se veut une plongée âpre et violente dans les bas-fonds de Hong Kong, à une époque (les années 80) où la ville était toujours sous protectorat anglais, et non rattachée à la Chine. Fortement inspiré des polars américains, mais aussi de l’oeuvre de Jean Pierre Melville (même si cette influence sera bien plus forte dans The Killer), John Woo n’a pas laissé échappé sa chance de tourner le dos aux comédies balourdes dont il était , un peu malgré lui, l’un des fournisseurs locaux. Cependant, dans ces deux films d’apprentissage, il est clair que de mauvais réflexes perdurent encore , avec quelques scènes plus ou moins burlesques , un cabotinage parfois effrayant de Chow Yun Fat et des cadrages ne mettant pas vraiment en valeur les personnages.

 

Si l’on ajoute une musique absolument épouvantable et sirupeuse, lors des scènes plus intimes (le premier film s’attarde sur la romance entre Kit, le policier, et sa jeune épouse, tandis que dans le deuxième, cet aspect sera traité de manière plus discrète) et une certaine propension à lancer les violons dans des scènes lacrymales, on peut, sans se faire accuser de crime de lèse-majesté que Le syndicat du crime n’a pas trop bien vieilli. 

 

Le jeu parfois outré des acteurs peut d’ailleurs rebuter celui qui n’est pas habitué au cinéma de Hong Kong. Préférez d’ailleurs la version originale sous titrée, la VF étant épouvantable, si vous ne voulez pas que cette expérience cinématographique se transforme en cauchemar.

 

Mais au delà des nombreux défauts du film, accentués par une photographie assez quelconque et une lumière d’une banalité à faire peur (il est clair que l’industrie du cinéma locale tournait  à la va vite et ne préoccupait de qualité visuelle), c’est bien le style Woo que l’on voit naître. Encore quelque peu brouillon dans le premier , il devient nettement plus efficace dans le deuxième. On sait qu’il faudra encore 3 films pour que John Woo atteigne la perfection. Ce sera avec A toute épreuve, incroyable feu d’artifice doublé du baroud d’honneur d’un cinéaste qui s’apprêtait à partir en « exil » aux USA.

 

Ce qui a fait la notoriété de Woo, ce sont ces scènes d’action et ses gunfights. Ici, en s’appuyant sur un scénario somme toute classique (le truand qui échoue dans rédemption ), l’accent est mis sur des combats chorégraphiés comme des scènes de ballet. L’autre influence de Woo était Jacques Demy, l’auteur des Parapluies de Cherbourg et créateur des plus grandes comédies musicales française, à une époque où ces mots avaient un sens. Les corps volent dans des gerbes de sang et la violence graphique, extrêmement audacieuse dans le cadre d’un polar, devient prétexte à des affrontements homériques. Criblés de balles, les protagonistes mettent des heures à mourir et tant qu’ils peuvent tirer, ils tirent. Chow Yun Fat en est le parfait exemple : massacré à la fin du premier film, son frère jumeau ira jusqu’à reprendre son pardessus troués par les multiples impact dans le deuxième. Ce trait scénaristique que l’on ne peut que qualifier d’éculé passe d’ailleurs comme une lettre à la poste.

 

L’une des scènes les plus célèbres du Syndicat du crime 1 est celle où Chow Yun Fat prépare son gunfight en cachant des armes dans les pots de fleur. Filmé dans une alternance de ralenti et de plans très rapides, le massacre qui s’ensuit deviendra rapidement la marque de fabrique du cinéaste. Elle sera tellement copiée qu’elle ne lui appartiendra même plus. Et puisque le scénario n’épargne rien à ses personnages (trahison, blessures physiques, humiliations psychologiques), le chemin de croix entamé par chacun ne peut que se terminer dans un bain de sang. Woo est chrétien et ne s’en est jamais caché. Il croit à la rédemption, mais celle ci doit forcément passer par un sacrifice. 

 

Le premier film ayant rapporté beaucoup d’argent, Tsui Hark refusa de tuer la poule aux oeufs d’or et lança rapidement une séquelle. Il fit revivre le personnage de Chow Yun Fat lui donnant un frère jumeau. L’action ne se limitait pas à l’Asie (certaines scènes du premier film sont sensées se dérouler en Corée) et se déplaçait à New York, un New York de carte postale d’ailleurs (quelques plans du pont de Brooklyn, des grattes-ciels) montrant que l’utilisation du cliché n’est pas qu’occidentale.

 

Mais ce qui différentie le Syndicat du Crime 2 est une meilleure maîtrise de l’histoire, plus complexe et une surenchère à tous les niveaux : plus de personnages, plus de gunfight, plus de trahison. De ce fait, les relations entre les personnages , notamment entre Kit et sa femme ou son frère, pâtissent un peu de cette volonté d’en faire toujours plus. C’est un petit reproche que l’on excusera tant les scènes d’action surclassent celle du premier volet.

 

Et à ce titre, l’affrontement final entre les 3 des 4 personnages principaux et le caïd qui les a trahit est absolument incroyable. Cependant, un sentiment étrange de déjà vu nous éprend : ces murs blancs maculés de sang, ces fusillades dans le cadre d’une maison très chic, ces corps volant sous l’impact d’un fusil à pompes… Au bout de quelques instants, on reconnaît l’une des scènes phares de Django Unchained. Si Tarantino n’a jamais caché son attirance pour le cinéma de Hong Kong (Reservoir Dogs est sa version très personnelle de City on Fire) et qu’il n’a jamais nié qu’il le pillait, il est clair qu’il a autant revu la version italienne de Django que Le syndicat du crime 2. Et sur le coup, il s’est fait plus discret.

 

Presque 30 ans après leur sortie, les Syndicats du Crime sont à redécouvrir. Et même si les DVD sont quasiment nus, ils permettent d’assister à la naissance d’un cinéaste qui fut un acteur majeur du médium durant près de 15 ans avant de se perdre dans des méandres hollwyoodiennes , n’y réussissant véritablement que 2 films (Volte face et Windtalkers) et de revenir en Chine pour y tourner un film bien plus ambitieux, les 3 royaumes, saga sur la naissance de son pays, que d'aucun ont qualifié de "très nationaliste". 

 

Mais pour les amateurs de cinéma asiatique, ce sont bien ces deux Syndicats qui lui auront permis de mettre le pied dans le panthéon du 7e art !

 
Le syndicat du crime 1&2 (*** et ****)
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La côte

***** Chef d'oeuvre !!

**** Très bon, allez y vite !!

*** 1/2 * Entre le bon et très bon, quoi...

*** Un bon film

** Moyen, attendez la vidéo

* Comment ai-je pu aller voir ça ??

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