Le pitch : Abandonné par erreur sur Mars par ses co-équipiers, un botaniste va tout mettre en oeuvre pour survivre à cette terrible épreuve.
Le magazine Mad Movies, qui n'écrit pas que des bêtises, a mis dans sa chronique que Seul sur Mars était le Top Gun de Ridley Scott. Comprendre que si son frère avait fait un énorme clip de recrutement pour l'Air Force en 1985 , Ridley lui vient de faire un clip pour incinter le gouvernement US a avoir - enfin - une vraie politique pour la Nasa, chose que l'administration Obama a délaissée depuis 2008 et la mise au placard de tous les projets de Georges.W.Bush (retour sur la Lune, vols vers Mars) au motif que cela coûte trop cher. Ce faisant, Barrack Obama a fait la même erreur que Bill Clinton qui avait également mis la Nasa à la diète et avait annulé plusieurs projets prometteurs.
La remarque de Mad Movies n'est donc pas fausse et, à l'instar de Gravity ou Interstellar, Seul sur Mars entend faire revivre le vieux rêve spatial lancé par JFK (un vrai visionnaire) , même si celle ci venait en contrepartie de l'avancée russe en la maitère.
Par contre, où Mad Movies se trompe, c'est quand l'article dit que Seul sur Mars est une demie-réussite ou un film mineur de Ridley Scott. Sans atteindre la profondeur mystique d'Exodus ou les folies métaphysiques de Prometheus, Seul sur Mars est non seulement un superbe spectacle de SF (comparez le à Mission to Mars de Brian de Palma ou à Ghosts of Mars de John Carpenter : la différence saute aux yeux tant Scott filme comme s'il avait de réels paysages martiens devant sa caméra) doublé d'un suspens qui va crescendo, alors que l'on se doute de la fin, c'est aussi un hommage au génie humain.
Pour porter un tel film, il fallait un acteur exceptionnel ! Matt Damon , coïncidence (ou pas ?) reprend donc son rôle de Interstellar, mais dans une version bien moins cynique (et plus courageuse). Son aventure est sans doute le fantasme de tous les petits garçons (ou même les grands), mais jamais il ne gavaulde son rôle. On sait que c'est un grand acteur , que cela soit sous les caméras de Spielberg, Soderberhg ou Paul Greengrass. Mais là, il parvient à transmettre une humanité rare, acceptant d'afficher sa déchéance physique (les quelques derniers plans dans sa station avant qu'il ne rallie la fusée de secours le montre quasi décharné, bien loin de l'athlète bien portant du début). Et même si le scénario ne va pas aussi loin dans sa tête que celui de Seul au monde (le film ultime sur la solitude) , à aucun moment Ridley Scott ne va chercher l'artifice facile ou le gadget scénaristique. Les quelques Deus Ex Machina s'intègrent à la logique des missions martiennes telles que les prévoit sans doute la Nasa. Et si on peut voir l'intervention de la Chine dans le scénario comme une façon de pénétrer ce marché cinématographique énorme, là aussi, il est clair que la collaboration entre états est l'avenir de l'exploration spatiale.
L'idée génial du film (et du roman) est d'alterner les scènes sur Mars, celles sur Terre et celles sur le vaisseau Arès. On évite donc la monotonie que pourrait engendrer les (mes)aventures du naufragé et on peut assister, quasiment en direct, à la préparation d'une mission spatiale telle que la Nasa l'envisagerait. Avec une belle galerie de seconds rôles , notamment Jeff Daniels épatant en directeur un peu trop prudent ou Jessica Chastain (elle aussi présente dans Interstellar et qui prolonge donc son rôle de scientifique en allant directement dans l'espace), Scott tisse donc sur une trame humaine exceptionnelle. Car aucun personnage n'est fait d'une pièce. Ceux que l'on pourrait prendre pour des êtres veules ont leurs raisons de l'être. Et même si on n'est pas obligé d'être d'accord avec eux, le côté réaliste de l'histoire leur donne, hélas, parfois raison.
Car qu'on ne s'y trompe pas. Si la conquête spatiale piétine depuis des dizaines d'années, se contenant de petit pas ou de missions "économiques", ce n'est pas uniquement une question d'argent, mais une volonté politique. Ou plutôt une absence de volonté. N'avait-on pas un ancien ministre, Claude Allègre, pour estimer qu'une mission robotisée était supérieure à une mission habitée. Certes, elle coûte moins cher, mais où est le frisson de l'aventure, de l'exploration. Pourquoi les gens se sont passionnés par la course à la Lune et sont moins attirés vers les images, pourtant fabuleuses, de Pluton et Charon ? Parce que l'humain en est absent.
Ici, Scott ramène toujours son film à l'humain. Les effets visuels ? Ils sont évidemment impressionnants avec des décors à tomber ou des visions de Mars telles qu'on les rêve tous. Mais ils passent au second plan. Scott filme l'odyssée d'un homme et l'emploi d'images de synthèses et d'effets spéciaux ne sont nécessaires que pour raconter l'histoire, pas pour l'épate. Mais cette leçon, Scott nous la sert depuis Alien ! Dans Blade Runner ou Prometheus, on ne vit pas pour l'effet visuel, mais pour l'histoire. Les effets servent le script, pas le contraire. Cela n'empêche évidemment pas le professionalisme ahurissant du réalisateur (77 ans quand même !) d'offrir au spectateur le plus blasé d des décors à tomber ou des visions de Mars telles qu'on les rêve tous, sans oublier les nombreux engins (à noter la participation en guest de Pathfinder, le petit robot qui a tant fait rêver à la fin des années 90).
Scott ramène son film à l'humain et c'est par ses capacité humaines , sa réflexion humaine que le naufragé s'en sort. Un robot aurait-il eu l'idée de cultiver des pommes de terre dans les excréments de ses collègues ? (bon, un peu stupide vu qu'un robot ne mange pas). C'est le gros reproche que l'on peut faire aux missions robotisées. Quand la machine est seule à devoir prendre le relais, elle ne peut pas vraiment improviser. Là , Scott met l'accent sur la volonté surhumaine de son héros, son envie de vivre, son absence de doute même ! Et sur Terre, dès que le contrôle spatiale se rend compte qu'il est vivant, à aucun moment la question ne se posera de l'abandonner. Seul sur Mars est véritablement un film optimiste, rafraichissant, qui offre les plus beaux visages de l'humanité.
Histoire passionnante, casting au diapason, effets visuels et images superbes , que manque-t-il selon moi à Seul sur Mars pour atteindre les 5 étoiles ? Peut-être un soupçon dramatique (on aurait aimé un affrontement un peu plus dur entre l'équipage et la Terre), une plus grande ouverture sur le monde qui retient son souffle (Ron Howard l'avait parfaitement réussi avec Apollo 13, mais le film était tiré d'un fait réel) et un démarrage moins rapide. J'aurai aimé que le film s'intéresse un peu plus à la mission Arès lors de l'ouverture de l'histoire. Mais cela aurait ralenti le rythme à un moment très important. Une future version longue nous en offrira peut-être plus.
En attendant, le triomphe mondial du film, qui suit ceux de Gravity et Interstellar, montre, une fois de plus, que le public est avide d'épopée spatiale. Puisse Seul sur Mars être effectivement le Top gun qui manque à la Nasa pour redevenir le fer de lance de la plus grande aventure humaine de tous les temps.