Le pitch : un homme se prétendant cascadeur attire des jeunes filles pour les tuer dans des accidents spectaculaires. Mais il va tomber sur plus retors que lui.
Dit comme cela, le 6e film de Quentin Tarantino a l'air d'une bêtise sans nom. Pourtant, sous ses atours de film potache et bardé de clichés, Boulevard de la mort (Death Proof en VO) permet aux admirateurs du cinéaste de se régaler de tous les aspects de sa mise en scène : dialogues aux petits oignons, scènes totalement WTF, plans gores souvent gratuits et un amour authentique pour les séries B de tous poils !!
A l'inverse, les détracteurs de Tarantino (et ils sont aussi nombreux) ne pourront que critiquer des tunnels de dialogue parfois trop longs, des scènes parfois sorties de nulle part, une certaine propension à glorifier la médiocrité (les personnages sont loin d'avoir des attitudes de prix Nobel) et des cassures de rythme parfois surprenante.
Par contre, ils ne pourront rien dire sur les faux raccords, accidents de pellicules, bande-son défaillante ou saute d'images !! Initié dans le projet Grindhouse avec Robert Rodriguez, qui réalisait dans le même temps Planète de la terreur, les deux films (qui ont quand même coûté 67 millions de dollars), Death Proof était une tentative de faire revivre ces fameux double-programmes bis qui fleurissaient dans les drive in américains.
Et comme ces films étaient tout, sauf des chef d'oeuvres ni des métrages techniquement parfaits, les deux cinéastes se sont fait plaisir en accentuant tous les défauts des double-programmes. On n'aime ou on n'aime pas ! Certaines critiques ont même estimé que les deux lascars profitaient de ce gimmick pour cacher leur propre médiocrité, ce qui est quelque peu ridicule car la parodie (on peut voir les deux films ainsi) n'est pas si simple à faire.
Death Proof ne se distingue donc pas par son script (qui tient sur 3 lignes) et qui se contente de meubler une histoire simplette par des scènes de bars où l'on picole et raconte des blagues idiotes. Le film est de plus clairement divisé en deux partie, la première où Kurt Russel (excellent) attire ses proies dans son piège, sans que l'on ne parvienne à savoir où est le loup et qui se conclut par un accident très spectaculaire, délicieusement gore (pour ne rien louper, l'action nous est montré sous plusieurs angles afin que chaque personne tuée bénéficie de "sa" scène) et qui montre qu'à ce moment, Tarantino met de côté l'aspect amateur pour privilégier le choc ! C'est gratuit, très frime, mais ça récompense de l'attente.
Puis dans une deuxième partie, c'est Russel lui même qui va être pris à son propre piège, poursuivie par trois jeunes femmes encore plus dingues que lui ! Le film se termine par une mémorable raclée de la part des membres du sexe faible enfer le macho de service !! Russel achève Death Proof dans une posture que peu d'acteurs accepteraient : humilié, battu, grimaçant. Sa mort dans Les 8 salopards était hautement plus classe, ce qui vous donne tout de suite une idée de cette scène finale.
Comme souvent , Tarantino truffe son film de références à des films quelque peu oubliés. Ici, les 3 filles veulent faire un tour dans une voiture similaire à celle du héros de Point Limite Zéro, excellent métrage où un conducteur doit faire un trajet jusqu'à Los Angeles en un temps record. Durant son voyage (trip ?), il sera aidé par un DJ noir et aveugle, rencontrera une fille qui fait de la moto complètement nue, se frottera à toutes les polices des états qu'il traverse avant de finir dans la tôle broyée. Dit, comme cela, cela a l'air encore plus stupide que Death Proof, mais croyez-moi, Point Limite Zéro est vachement bien, un parfait exemple de la contre-culture hollywoodienne des 70's !
On sent qu'il s'est fait plaisir, le bougre. Il filme ses actrices dans des tenues très courtes, aligne des dialogues bien corsés, d'autant plus fun quand ils sont déclamés par des cruches en mini-jupe, se donne un rôle de barman sympa et n'hésite pas à faire de ploucs des personnages de haute volée ! En fait, tout ce que les films américaines comptent comme clichés, Tarantino en use et en abuse !
Bien entendu, tout n'est pas parfait et on sent que ce qui aurait pu faire un excellent sketch d'un film à plusieurs mains tire sur la corde. Les scènes de bar permettent d'aller faire chauffer son thé ou de passer quelques niveaux à Candy Crush. Mais l'accident et la poursuite finale rattrapent à elles seules un film conçu pour le plaisir des fans.
Sorte de récréation entre les 2 Kill Bill et Unglorious Basterds, Death Proof remplit tout à fait son rôle : faire passer un moment quelque peu honteux à son spectateur tout en le laissant écouter des dialogues toujours aussi bien écrit. Le plus drôle, à mon sens, est que le film fut sélectionné à Cannes en 2007, comme s'il était du calibre de Pulp Fiction ou Jackie Brown !!
Evidemment, Boulevard de la mort est à voir en VO !