Pourquoi opposer les films entre eux ?
Le dernier numéro de SFX contient un excellent article (pléonasme) sur les effets visuels de Premier Contact, le film SF de Denis Villeneuve. L'auteur y décrit la façon dont été imaginés puis intégrés les vaisseaux spatiaux aliens du film, avec une approche totalement inédite par rapport à ce que l'on a déjà vu.
Mais une fois de plus, l'auteur de l'article ne peut pas s'empêcher la phrase de trop, celle qui consiste à opposer encore et toujours le cinéma pour les ploucs et le cinéma pour les gens biens, les orfèvres, ceux qui sont capables de voir au delà de ce que les studios daignent offrir à la populace !
Cette phrase, là voici en substance : Premier contact ringardise d'un coup Roland Emmerich et Michael Bay.
Que les journalistes et apprentis-critiques comprennent ceci : on peut apprécier à la fois la grosse artillerie hollywoodienne et les approches différentes d'un cinéma plus "indépendant" (même si Premier Contact ne l'est pas, puisque produit par la Paramount pour 47 millions de dollars).
On peut se rendre dans une salle avec l'envie de s'en prendre plein la vue en regardant un pop corn movie tout comme on peut se rendre dans une salle avec l'envie de réfléchir pleinement à ce que l'on voit à l'image.
Cette critique est d'autant plus ridicule que , dans le cas spécifique d'Emmerich, quand il a réalisé Anonymous, un projet qu'il portait depuis des années, tous ceux qui lui reprochent son côté puéril, m'as-tu-vu, grotesque et j'en passe ont détourné les yeux, feignant de ne pas voir sa splendide reconstitution de l'époque victorienne, son script plongeant au coeur de l'histoire, sa volonté de s'emparer d'un des plus grands mystères de la littérature.
Quand un cinéaste hollywoodien s'écarte des canons habituels, les critiques s'en tapent. D'Emmerich, ils n'ont retenu que le discours du président Whitmore dans ID4. De Bay, alors que ces films regorgent de morceaux de bravoure, qu'il est capable d'une autodérision folle (No Pain non Gain), les critiques ne voient que les orgies de destruction.
En opposant Premier Contact au reste de la production SF, l'auteur de l'article oublie qu'un Christopher Nolan avait déjà réussi à allier très grand spectacle et réflexion, qu'un Kubrick a su sublimer son matériel de départ, que Spielberg avait depuis longtemps proposé une alternative à l'invasion brutale et qu'on peut apprécier tout à la fois 2001, Interstellar, Rencontres du 3e type et ID4 ! Qu'aucune action des robots de Bay n'a oté de ma mémoire le premier Alien.
Bref, opposer les cinémas n'a de sens que si on en méprise une partie.