Le pitch : Valerian et Laureline, deux agents spatio-temporels récupèrent, lors d'une mission de "routine" une mystérieuse petite sphère qui va les entraîner sur la station Alpha, gigantesque melting pot galactique où cohabitent des milliers d'espèces.
Vendu comme le plus gros budget de toute l'histoire du cinéma français (180 millions d'euros auxquels il faut ajouter 60 millions de frais de promotion aux USA !!), Valerian n'est hélas pas la réussite que l'on pouvait espérer. Mais il n'est pas non plus la catastrophe décrite.
Plombée par une dernière partie trop naïve et mal écrite, ainsi qu'une certaine trahison des personnages (les deux héros sont bien jeunes si on les compare à leurs homologues dessinés), le film de Luc Besson est cependant un enchantement visuel et sa première heure est absolument incroyable avec un va et vient à travers deux dimensions, ce qui occasionnent de superbes scènes d'action, très bien montées et filmées ! La première mission des deux héros, qui va déclencher le reste de l'histoire, tient la dragée haute à la production US et il est dommage qu'après un aussi bon départ, l'intensité baisse quelque peu et que des Deus ex in machina arrivent de manière aussi abruptes.
On sait que Besson rêvait depuis des années de ce film. Avant Léon, il avait écrit les prémices du 5e élément en s'inspirant de la BD culte de Mézières. Il aura donc attendu presque 30 ans pour mettre son rêve à l'écran. Et il n'aura pas choisi la facilité en adaptant (en partie) l'album L'ambassadeur des ombres. Dans cet album, sans doute l'un des meilleurs, apparait donc Alpha, la station spatiale géante et quasiment toutes les scènes qui s'y passent, même si la conclusion est quelque peu différente. De même la station n'est pas originaire de la Terre (c'est même le contraire) et le "méchant" incarné par Clive Owen y connait un destin bien différent. Enfin, la planète sans nom est utilisée de manière différente. Mais en gros, la trame du scénario s'inspire énormément de cet album (que je vous recommande, une nouvelle édition venant d'ailleurs de sortir en lien avec le film).
Au niveau visuel, le cinéaste a mis le paquet. Et si on pouvait craindre une overdose d'images de synthèse, comme c'était le cas dans la bande annonce, elles se fondent en fait très bien dans le film, d'autant plus que l'animatronique et les maquillages spéciaux sont aussi beaucoup utilisés. Résultat : le foisonnement de la faune extraterrestre et les moindres recoins de la station sont superbes et participent à la réussite du film.
Réussite aussi la première partie du film quand Valerian et Laureline récupèrent le transmuteur dans la dimension black market ! Ce qui est amusant, c'est que certains personnages donnent l'impression de "piller" le 5e élément alors qu'au contraire, c'est bien la faune de Valerian qui a inspiré le film de 1997. En tout cas, ce premier acte est incroyablement bien rythmée et, ce qui peut étonner les novices, ne présentent pas les personnages. Besson a pris le risque de ne pas faire de un film "origine", ce qui est quasiment inédit. Or, et cela explique peut être l'échec US, Valerian a beau être une oeuvre culte, elle n'est pas si connue du grand public. Même en France, la nouvelle génération connaît elle la BD ?
La partie sur la grande station cosmopolite vaut aussi le détour pour des scènes franchement réussies, que cela soit le numéro musical de Rihana (que j'ai trouvée très convaincant et bien rythmé) ou la quête de Laureline pour retrouver Valerian. Il est cependant à noter que dans L'ambassadeur des ombres, l'héroïne a une part bien plus importante que Valerian qui disparait pendant une bonne vingtaine de pages tandis que Laureline fait avancer l'intrigue. Pour le film, Besson n'a pas osé aller dans cette direction, ce qui est quelque peu dommage.
Si un film repose en grande partie sur ses acteurs, le duo Dane Dehan et Cara Delevingne s'en sort plutôt bien, même si, répétons le, ils sont plus jeunes que les personnages dessinés. Ce faisant, l'idée de les faire "flirter" n'apporte pas grand chose (dans les BDs, ils sont clairement en couple) même si on peut, à la rigueur, dire que cela apporte un peu de fraicheur. Mais cela rend Valerian quasiment immature, un trait de caractère qu'il n'a pas dans la bande dessinée. Quand à Laureline, si son côté "agressif" peut agacer, elle est aussi souvent comme cela dans la BD. Bref, si on peut dire que le duo est bien choisi et que leur jeu est plutôt bon, on peut quand même s'étonner que Besson se soit à ce point écarté du médium d'origine.
Au passage, le doublage de Laureline est raté. On a l'impression d'avoir un décalage permanent. Le film est assurément à (re)voir en VO.
Reste le gros point noir à savoir un dernier acte trop mièvre et dont la tension est totalement absente. Pourtant, le mystère autour de la planète sans nom est bien amené, mais pourquoi le bras droit de Clive Owen (le méchant général dont la vilénie n'est amené, hélas, par aucun suspens) découvre les magouilles de son supérieur ? Pourquoi le final plutôt ésotérique de l'album est évacué au profit d'un discours cul cul la praline ? Enfin, alors que l'action était bien dosée depuis le début du film, bien filmée, bien montée, elle part alors dans tous les sens sans vraiment de logique. On critique souvent Besson pour ses fins (Léon, Le 5e élément, Le grand bleu même). Ici, cela se vérifie à nouveau : le cinéaste est doué pour mettre en place ses histoires, moins pour les finir.
Mais au final, on peut noter qu'il s'est donné les moyens de ses ambitions et, après tout, ce n'est pas si banal. En France, les gros budgets vont surtout aux adaptations de notre littérature (Germinal, en 1993, fut le film "le plus cher jamais tourné en France"), mais rarement à de la SF. Avec Valerian, Besson a réalisé un rêve d'enfant. Dommage que le public ne l'ait pas suivi complètement, cela va sans doute nos priver d'un 2e épisode. La Chine (où il a fait un excellent démarrage) permettra peut être de donner cette seconde chance.