Le pitch : élevée par sa mère et sa tante sur une île préservée du monde extérieur grâce à une barrière magique érigée par Zeus, l'amazone Diana va se trouver brutalement retrouver confronté à la réalité de la première guerre mondiale...
Il n'est pas peu dire que l'annonce de la présence de Wonder Woman dans BVS en a intrigué plus d'un. Le souvenir de la série télévisée très kitsch des années 70-80, le manque de visibilité de l'amazone dans les comics publiées en France et, avouons le, le ratage retentissant de films consacrés à des super héroïnes (Catwoman, Elektra, Tank Girl...) n'incitaient pas à l'optimisme. Et puis, miracle, l'apparition du personnage aux côtés de Batman et de Superman montrait un personnage charismatique, moderne, jolie sans tomber dans la caricature et , finalement, on a commencé à se dire qu'un film centré sur ses origines serait une bonne idée.
C'est effectivement une bonne idée car au final, Wonder Woman se hisse sans aucun doute à la hauteur du Superman de Richard Donner, aux Batman de Nolan ou à Spiderman 2 de Sam Raimi. Le film tient la dragée haute à une grosse partie du MCU et s'impose comme un sommet du monde DC transposé au cinéma ! Ce qui n'est pas un mince exploit quand on sait que les trois premiers films (Man of Steel, BVS, Suicide Squad) sont quand même de sacrés bons métrages.
En fait la réussite de Wonder Woman tient en deux mots : liberté créative. Que le réalisateur soit une réalisatrice a permis évidemment de mieux comprendre la psychologie du personnage, mais le fait qu'elle ait pu le faire qu'elle avait en tête a grandement facilité cette réussite. Et il est intéressant de voir, sur le making of, que la forte proportion féminine dans l'équipe a permis d'amener une vision différente et d'éviter de tomber dans les clichés des films dédiés aux super héroïnes. Et si WW doit forcément s'intégrer dans un univers plus vaste qui a été défini par Zack Snyder (mais aussi son épouse), Patty Jenkins a clairement créé son film comme un métrage quasi-indépendant, dont le seul lien est la photo qui avait permis à Bruce Wayne de comprendre que la voleuse qui avait piraté les données de Lex Luthor était bien plus qu'une jolie femme, et a également disposé de toute la liberté qu'un tel sujet pouvait offrir. Si on y ajoute un budget pas aussi démesuré que les autres films de super héros, et surtout une excellente histoire retraçant les origines de Diana telles que vues dans le comics classique, Wonder Woman pouvait-il rater sa cible ?
La première partie va donc se consacrer à Themyscas, la légendaire cité amazone où, petite fille, Diana assiste à l'entraînement des autres femmes de son peuple. Bulle intemporelle et idyllique, sublimée par les décors extraordinaires de la côte italienne (même si bien aidés par des renforts numériques), Themyscas est le cadre idéale pour qu'une enfant puisse grandir et s'aguerrir, même si cela déplait quelque peu à sa mère. Diana affirme tôt un caractère quelque peu rebelle et même la tragédie qu'ont subi les dieux de l'Olympe ne parvient pas à la détourner de son idée fixe : devenir une guerrière au service de la paix. Le casting entièrement féminin fait preuve d'une très grande solidité et les figurantes, toutes choisies pour leurs qualités athlétiques, se sont investies à fond dans leur préparation, même si, au final, leur temps de présence à l'image est somme toute réduit.
Puis l'arrivée de Steve Trevor (excellent Chris Pine) va brutalement confronter Diana à la réalité : la guerre existe et , pour elle, elle ne peut être que l'oeuvre d'Arès. Et même si elle a commencé à découvrir l'étendue de ses pouvoirs, elle est loin de se douter de la puissance qui émane d'elle et ce sera le choc éprouvé lors de son entrée dans le monde des hommes qui va, petit à petit, lui donner conscience qu'elle est plus qu'une simple amazone. La bataille sur la plage, superbement chorégraphie prouve que la violence n'est pas que le fait des hommes et que, poussées au pied du mur, elles sont de redoutables adversaires. Diana décide donc d'aller vers le monde extérieur afin de le purger de sa violence.
Le film s'oriente alors vers une véritable et excellente comédie de moeurs. Habituée à un monde matriarcale, coloré et égalitaire, Diana va découvrir un monde où la femme est un citoyen de deuxième ordre, un objet joli mais dénué de pouvoirs. La scène où elle doit choisir des habits et celle où elle est chassée du conseil de guerre montrent bien ces deux facettes : en 1918, c'est "sois belle et tais-toi". Et même si Steve se montre protecteur, ne faisant qu'obéir aux préceptes de son temps, il va vite se rendre compte que Diana est bien plus qu'une jolie jeune femme. Une scène coupée (visible sur le Blu-ray) les montrait d'ailleurs sur le bateau qui les emmène dans le monde réel discuter de choses bien coquines, à la grande surprise de Steve qui prend conscience qu'il a affaire à quelqu'un bien plus secrète qu'elle n'en a l'air.
La force de Wonder Woman est de présenter ses pouvoirs comme quelque chose de naturel. Elle parle toutes les langues, possède une force surhumaine, peut dévier les balles et son agilité n'a rien à envier à celle de Superman. Le spectateur sait qu'elle est une guerrière née puisqu'il l'a vue terrasser Doomsday dans BVS. Mais la façon naturelle dont Gal Gadot s'est emparée du rôle force le respect. C'est elle qui fait croire au spectateur qu'elle possède tous ses dons. De ce fait, le film n'a pas besoin d'explications superflues. Et si cette partie est pauvre en action, elle va poser tous les enjeux de l'histoire.
Enfin, le dernier et long acte voit l'héroïne en action. D'abord sur les champs de bataille, puis contre les armes secrètes allemandes et enfin contre Arès. Quand on sait que l'histoire originale vient de Zack Snyder, on comprend mieux que ce troisième acte soit si riche en action, même s'il ne tombe pas dans la surenchère gratuite. Car ce qu'accomplit Diana est dicté par son coeur, pas par sa colère ou par un sentiment d'injustice. Personnage au coeur aussi pur que celui de Superman, Diana veut réellement mettre fin à la guerre et offrir aux hommes la paix qu'elle connaissait sur son île. On comprend que la brutalité des scènes auxquelles elle va assister va ébranler sa foi et la conduire vers le personnage quelque peu cynique et désabusé de BVS.
L'une des bonnes trouvailles du film est d'avoir mis Diana à la tête d'une petite escouade de soldats tous très différents les uns des autres (d'où la fameuse photo). Cette idée permet d'alléger le ton de la dernière partie et de démultiplier les points de vue lors des scènes finales, même si le combat entre Wonder Woman et Arès va focaliser l'action du spectateur. Un duel très spectaculaire et qui, après avoir offert deux actes finalement très terre à terre, remet le film dans sa dimension mythologique.
Wonder Woman est donc une réussite quasi-totale (tout juste peut-on noter une baisse de rythme au deuxième tiers du film et quelques dialogues un peu mièvres), portée par une réalisatrice et une actrice totalement habitées par leur sujet. Le succès mondial du film, le fait qu'il sera le film de super-héros le plus vu aux USA cette année est amplement mérité. Et dans le contexte nauséabond de l'affaire Weinstein et autres pervers hollywoodien, il arrive pile au bon moment pour balancer un sacré pavé dans la mare : oui une femme peut tenir à bout de bras un blockbusters, en faire une réussite visuelle et obtenir un triomphe mondial. Puisse l'industrie du cinéma en tenir compte !
Quelques mots sur le Blu-Ray. L'image et le son sont superbes, avec de très bonnes pistes arrières lors des scènes de combat. Franchement , Warner ne se moque pas de nous. Quand au long making of, divisé en une dizaine de modules, il est à l'image du film : brillant, bien écrit, très didactique et surtout il rend bien hommage à toutes les femmes qui ont travaillé sur le projet, avec une mention spéciale quand une classe de jeunes filles désirant travailler dans le cinéma viennent visiter le projet ! Les vrais Wonder Women, ce sont elles finalement : des femmes et des filles qui désirent prendre d'assaut un monde patriarcal, non pas pour le singer, mais pour l'améliorer.