Le pitch : un tribun romain est mandaté par Ponce Pilate pour enquêter sur le vol du corps d'un juif crucifié 3 jours auparavant.
Aux USA, il existe une catégorie de films bien particulière : les films chrétiens. La plupart du temps, ils traitent de la foi (War Room par exemple) ou sur la façon dont la religion est présente en Amérique. De temps en temps, un péplum biblique s'insère dans cette filmographie qui traverse rarement l'Atlantique. Ainsi, en 2004, Mel Gibson explosa tous les compteurs du BO avec La passion du Christ, film ultra réaliste sur les dernières heures de Jésus. Avec plus de 360 millions de dollars en fin de course (et 300 autres dans le reste du monde), La passion du Christ prouva qu'il existait un public avide de films religieux.
Si le film de Gibson eut un retentissement énorme et visible, celui qui s'intéresse aux BO sait qu'il n'est pas un cas isolé et que, sans atteindre de tels sommets, régulièrement un film "chrétien" (c'est le nom que leur donnent les analystes du BO outre Atlantique) grimpe à l'assaut du box office. Au passage, savez-vous que la trilogie Aslan est considéré comme faisant partie de la catégorie ? Il est vrai que la résurrection du lion dans le premier roman avait été conçu par CS Lewis, auteur qui ne cachait pas sa foi, comme une approche du mystère de la passion pour ses jeunes lecteurs.
God's not dead, Heaven is for real, Son of god, Miracles from heaven, autant de petit budget qui attire un public souvent nombreux (91,4 millions de dollars de recette pour Heaven is for real par exemple).
Passée cette longue introduction, parlons de Risen qui s'inscrit logiquement dans cette catégorie, mais propose une approche totalement différente, s'inspirant à la fois de la crudité de Gibson (la crucifixion, la bataille d'ouverture, le charnier où l'on balance les corps des condamnés) et de l'enquête policière. Franchement, il fallait oser et si dans sa deuxième partie, le film bascule dans un contexte bien plus doux, le côté atypique de Risen étonne.
Derrière la caméra et co-auteur du script, le spectateur aura la surprise de découvrir Kevin Reynolds ! Oui, l'auteur de Waterworld, Robin des bois, Rapa Nui ou La bête de guerre qui dirige un film qui annonce explicitement la résurrection du Chris (son titre français, d'ailleurs) !! Pourtant à y bien regarder, Reynolds s'est déjà approché de ce iusème avec Tristan et Yseult (l'amour courtois, donc encadré par l'église au Moyen Age). En fouillant un peu, son Rapa Nui s'intéresse également à la religion, celle de l'île de Pâques. Et sait-on que le premier script de Waterworld, écrit par David Twohy contenait bien plus d'éléments "bibliques" comme par exemple le fait que le personnage de Kevin Costner était décrit comme une sorte de Noé moderne ?
Mais ici, Reynolds n'avance pas masqué. Doté d'un budget de 20 millions de dollars (une misère pour un péplum, mais une manne bien plus importante qu'un film comme War Room), Risen joue déjà sur le réalisme : le tribun Clavius cherche à comprendre pourquoi on a volé le corps de cet homme crucifié, dont il a assisté aux derniers instants . La réponse est essentielle car d'étranges rumeurs font état que cet homme serait revenu d'entre les morts et que si cela était vrai, cela pourrait inciter la province de Judée-Samarie à la révolte, ses habitants ne supportant pas vraiment la domination romaine.
Dans un premier temps, Clavius enquête, interroge les témoins, les amis de ce Jésus, cherche à comprendre pourquoi le tombeau est vide. Rationnel, il s'accroche à l'idée que l'on est venu chercher le corps (qu'il a lui même scellé avec une pierre). Mais petit à petit, son rationalisme s'étiole, des faits ne collent pas avec la logique, les romains chargés de la garde sont terrifiés par ce qu'ils ont vu. Et surtout, le corps est introuvable.
Dans des décors minimalistes, mais très réalistes, Reynolds fait donc avancer son intrigue, s'inspirant bien évidemment des Evangiles (l'intervention de Joseph d'Arimathie, la conversation avec Marie Madeleine ou Barthélémy). Il instille le doute dans l'esprit de son héros, mais également de son aide de camp.
Puis au détour d'une scène sublime ou Clavius reconnait dans l'assemblée des apôtres, dont il vient de débusquer la cachette, le visage de l'homme qu'il a vu mourir sur la croix, Risen devient un tout autre film : si le côté "chasse à l'homme" reste présent, on est désormais dans une histoire se calquant sur les écrits des apôtres quand ils vécurent encore 40 jours avec le Christ. Clavius est en fait le "candide", le non initié qui va faire découvrir aux spectateurs les racines du christianisme. Ses actions changent du tout au tout et il refuse alors de donner la mort (la scène où il conjure son aide de camp de ne pas le dénoncer et le laisse partir en vie). Il va alors être un témoin privilégié de l'action christique et pouvoir écouter directement la parole de ce dernier.
Risen est un film "pédagogique". Il est évident que Kevin Reynolds a voulu transmettre le mystère de la résurrection au public. A cet égard, il ne diffère pas tellement des évangélistes qui, partis de Judée, se répandirent dans le monde, au péril de leur vie, pour témoigner de ce qu'ils ont vu. Evidemment, Reynolds ne risque pas la mort, mais cet engagement profond est un sacré pari professionnel, surtout dans un monde hollywoodien qui n'est pas si tendre avec ceux qui affirment leur foi. Car si la religion est souvent présente dans les films, elle est plutôt un élément des personnages, comme par exemple, la foi des héroïnes de La couleur des sentiments.
Mais ce film pédagogique est-il un bon film de cinéma ?
La réponse est oui. Reynolds n'a rien perdu de son cinéma, fait de superbes mouvements de caméra et d'un montage très étudié. Sans de gros moyens, il parvient à faire croire à cette Judée Samarie des origines, utilisant la moindre parcelle de ses décors (le film est tourné en Espagne notamment) . D'un point de vue de la dramaturgie, l'histoire est suffisamment prenante pour que, même en connaissant forcément la fin, on se passionne pour cette quête. Et la façon dont le script passe du thriller policier à l'aspect biblique est sacrément bien amenée, car, en voyant le film une deuxième fois, on voit bien que Reynolds a parsemé d'indices la quête de Clavius.
Bien évidemment, le film ne convaincra sans doute que les croyants. Les autres pourront y voir un excellent thriller pour peu qu'ils adhèrent à l'idée qu'un film n'ait pas forcément fait pour avoir un climax ultra spectaculaire. Mais que l'on soit croyant ou pas, Risen est une belle expérience qui a le mérite de poser une question essentielle : et si tout était vrai ? C'est ce que se dit l'aide de camp du tribun, quand il se rend compte que Clavius s'engage sur une voie inédite.
Si Risen n'a pas remporté le succès de War Room ou Heaven is for real (36 millions aux USA, 11 de plus dans le reste du monde, où sa sortie fut assez confidentielle), il n'en reste pas moins un film passionnant, profond, engagé et dont la figure du Christ plane tout au long du métrage.
A voir donc pour vous faire une opinion, mais si je lui mets 4 étoiles, c'est bien parce que, d'un point de vue cinématographique, pour moi, ce film est une réussite.