Le pitch : suite à une invasion de créatures (extra-terrestres ?) sensibles aux moindre bruits, l'humanité vit dans la terreur et le silence totale. Une famille, qui a perdu l'un de ses enfants victime des créatures, tente de survivre...
Il est donc possible de faire des films traitant de la fin du monde sans avoir recours à de grosses scènes de destruction ! Il est donc possible de faire un film en se passant d'un des éléments les plus essentiels du cinéma, à savoir le son.
De manière ironique, le film est nommé pour l'Oscar du meilleur son. Cela dit, un film sur le silence n'est pas un film sans son et le travail remarquable sur ce médium le prouve !
En réalisant Sans un bruit (A quiet place en VO, titre plus ironique et à double sens), John Krasinsky , que l'on avait vu en mercenaire dans l'excellent 13 hours de Michael Bay, s'inspire évidemment de Signs (une invasion que l'on sait mondiale, une famille brisée et repliée sur elle même dans un coin reculé des USA) mais il s'affranchit de son modèle et propose une vision apocalyptique d'un monde où le son conduit fatalement à la mort.
Servi par d'excellents effets numériques - là où Shyamalan suggérait énormément, Krasinsky n'hésite pas à mettre ses créatures dans la lumière dans la dernière partie de son film - Sans un bruit est un quasi sans faute, doté d'un scénario diabolique et magistralement interprété, Emily Blunt (Mme Krasinsky à la ville) en tête. En étudiant le microcosme familial, en prenant son temps de nous dépeindre leur quotidien, les astuces déployées pour survivre dans ce monde cauchemardesque , Krasinsky met en place tous les enjeux d'une deuxième partie plus rythmée où la notion de sacrifice sera au centre.
Certaines critiques ont pu s'étonne que l'épouse du héros puisse être enceinte dans un tel monde, estimant que faire naitre un enfant était de la folie pure. Or la première scène et la première apparition furtive des créatures donnent en fait l'explication : elle est en deuil et ce nouvel enfant va lui permettre de "remplacer" ce qu'elle a perdu.
La culpabilité est d'ailleurs présente dans toute la première partie du film. Chaque membre de la famille se reproche le drame survenu même si la responsabilité de chacun est diluée, la plus grande part en revenant hélas à la victime. Mais cette tragédie ronge l'équilibre familiale, notamment chez l'aînée, persuadée que ses parents la déteste.
Cette étude d'une famille serait tout à fait ordinaire sans le concept de la SF. Chaque famille ayant connu une épreuve a du mal à s'en relever. Chacun s'interroge sur ce qu'il aurait du faire pour éviter un drame. Et chacun se sent coupable. En ajoutant une invasion , Krasinsky dope son propos et l'élève au delà de la simple étude de moeurs. Et sa mise en scène est diablement efficace, chaque détail entraînant une cascade de problèmes : un simple clou dépassant d'une marche enclenchera la phase finale du film.
En refusant de tirer à la ligne (Sans un bruit dure 1h30, générique compris), Krasinsky offre un film efficace et direct, un vrai coup de poing dans le visage du spectateur , un spectacle où on ne sait jamais qui va s'en tirer! Son coût de production de 17 millions de dollars n'handicape jamais l'histoire et l'on peut se dire qu'une fois de plus Michael Bay, qui a produit et fait confiance à son acteur, a parfaitement joué son rôle : il a trouvé les fonds puis l'a laissé travailler tranquille. L'utilisation du cinémascope est également magistral, preuve que le film a été pensé pour le cinéma.
Le résultat, s'il n'est pas parfait (la fin est quelque peu abrupte et quelques incohérences grèvent la dernière partie), est conforme à la superbe bande annonce : oui, on va trembler pour cette famille. Oui, on sursaute et on se prend à espérer une issue heureuse, même si l'on se doute qu'elle ne sera pas forcément au rendez vous, du moins pour tous les protagonistes.
Le succès mondial (340 millions de dollars) est amplement mérité ! On nous annonce une séquelle, ce qui ne serait pas illogique vue la toute dernière scène et les questions laissées en suspens. Mais dans ce cas, il faudra un sacré travail sur le scénario pour égaler ce premier essai dramatique de John Krasinsky dont les deux premiers films (Brief interviews with hideous men, The Hollars) tiraient vers la comédie.
Réussite visuelle et scénaristique, vrai film de genre parfaitement maîtrisé, Sans un bruit aurait dû être nominé autrement que dans une catégorie technique. Mais comme il ne mentionne aucune minorité...