Le pitch : Dans un futur où la Terre, dévastée, vit sous la coupe de Zalemn une cité flottant dans le ciel, Ido, un médecin spécialiste en prothèse découvre le corps d'une jeune cyborg dans une décharge où se déversent les ordures de Zalem
Un manga est un médium extrêmement complexe à transférer au cinéma. Si les films "live" pullulent au Japon, souvent avec des résultats moyens, Hollywood s'en est rarement emparée (Speed Racer, Ghost in the Shell) car le grand écart entre les deux cultures est immense. Seuls les Wachowski ont réussi à en intégrer des pans entiers dans leur trilogie Matrix, mais sur la base d'une histoire inédite et qui mixait également d'autres éléments.
James Cameron a découvert Gunnm dans les années 90. Le potentiel de ce manga lui a immédiatement sauté aux yeux, d'autant plus qu'il traitait d'un de ses thèmes favoris : une femme forte dans un monde masculin. Il en a acheté les droits, a commencé à développé un scénario, mais accaparé par ses projets, a toujours remis le film à plus tard. Dans les années 2010, alors qu'on se disait "cette fois, c'est la bonne", le réalisateur a décidé de se consacrer aux suites d'Avatar. Alita allait donc rejoindre la liste des projets abandonnés par Cameron (Spiderman, True Lies 2...).
Mais surprise, il a alors confié son projet à Robert Rodriguez. Les deux hommes se connaissent depuis des années et ont énormément de choses en commun, notamment le fait de vouloir maîtriser un film de A à Z et les envies d'expérimentations. Et si Rodriguez ne boxe pas dans la même catégorie que Cameron, c'est surtout parce qu'il préfère se contenter de petits budgets où il pourra être tranquille, faire jouer ses amis, s'occuper du montage, des effets visuels (il possède son propre studio, ses fonds verts...), de la musique, le tout dans une ambiance familiale et décontractée.
Bien entendu, cette annonce a soulevé une levée de boucliers des puristes et de ceux qui jugent un film sur la foi d'une image ou d'une bande annonce, voire du nom du réalisateur. Le fait que le créateur du manga, Yukito Kishiro, ait adoubé le scénario du duo (Rodriguez l'a remanié pour le rendre plus court) ne changeait rien à l'affaire.
A SOI, on préfère juger les films sur vision. Et passée cette longue introduction, je peux dire en âme et conscience qu'Alita est une réussite totale !! Le manga prend vie à l'écran, servi par des comédiens totalement investis dans leurs rôles (Christopher Waltz en tête) et surtout un visuel dantesque ! C'est simple, vous avez là un animé en live , doublé d'une 3D exceptionnelle, du niveau d'Avatar, avec une profondeur de champs inouïe et une véritable utilisation du médium pour transporter le spectateur dans le film. Si vous voyez Alita en 2D, vous enlevez 70% de son potentiel.
Le début du scénario suit , grosso-modo, la trame du manga et narre donc la lente renaissance à la vie de la Cyborg. Elle va petit à petit découvrir l'étendue de ses pouvoirs, sa puissance et quelques brides de souvenirs , notamment son assaut contre la cité de Zalem, voir que son "père" a d'autres activités que réparer ses compatriotes blessés... En fait, Cameron et Rodriguez ont pioché dans les passages les plus iconiques du manga, notamment la bataille dans le bar. Mais, le fond qu'ils ont créé va plus loin que l'original, donnant plus encore de chair à Alita, lui adjoignant une véritable famille .
Réalisé en capture motion, la cyborg respecte donc totalement son alter égo de papier, allant jusqu'à reproduire les fameux "gros" yeux des manges, un pari risqué, mais, à mon avis, totalement réussi !! Que les "ignares" qui ont tiqué en voyant le visage d'Alita aillent au diable, on est ici dans un animé live, pas un drame shakespearien.
Doté d'un budget énorme de 170 millions de dollars, Alita ne se donne aucune limite et offre à l'écran une vraie représentation de l'animé ! Iron City fourmille de détails et la 3D, je le répète, permet d'en voir les moindres couches ! On se rend d'ailleurs compte combien Neill Blomkamp s'est "inspiré" de Gunnm en créant Elyseum, même si, sur le fond, l'histoire est bien différente. Là, Rodriguez, comme il le dit dans les interviews, a réalisé un film de Cameron à la place de Cameron. Toute la dimension titanesque du plus grand réalisateur de l'histoire est là ! Alita c'est un spectacle bigger than life, un univers fantasmé par des millions de fans et qui prend vie sous nos yeux !!
Mais au delà du visuel époustouflant, de la perfection des effets spéciaux (voir Alita en gros plan s'apparente à un prodige !!), c'est bel et bien l'histoire de la jeune cyborg qui est au coeur du film. Loin de céder à la mode de l'action à 100%, le duo prend son temps pour la raconter cette histoire, prend le temps pour que chaque protagoniste ait son moment, que l'on comprenne ses motivations et, comme toujours chez Cameron, que l'on voit leur évolution, leur traitrise, leur fidélité, leur amour. Rien n'est monolithique, personne n'est réduit à un cliché
Alita est un personnage féminin très fort, mais elle n'est pas la seule. L'ex femme d'Ido est un autre bel exemple de que le cinéma de Cameron peut offrir. D'abord froide et cruelle, elle va finalement comprendre ce que représente Alita pour son ancien compagnon.
Bien entendu, Cameron ne serait pas Cameron sans ses triples climax. Ici, le scénario enchaîne donc 3 énormes scènes d'action, commençant dans l'arène de motorball, pour continuer avec un combat dantesque dans les rues en ruines puis sur l'un des filins qui alimentent Zalem !! Les trois derniers quart d'heure ne sont qu'un enchaînement hallucinant où le manga prend encore plus de vie. Car une fois, tous les postulats posés, scénariste, producteur et réalisateur s'en donne à coeur joie et offre au spectateur ce qu'il est venu chercher : la manifestation sur grand écran d'un univers qu'il a d'abord connu sur papier de mauvaise qualité !
Avec Alita, l'année 2019 connait donc un 2e chef d'oeuvre après Glass, dans un registre totalement différent. Sa fin ouverte laisse espérer évidemment une suite, que l'énorme démarrage en Asie, devrait autoriser. Mais même ainsi, Alita a tout pour devenir un film culte , une oeuvre hors du commun, un métrage que l'on a hâte de revoir à peine sorti de la salle !