Le pitch : Dans un petit cirque nait un éléphant avec d’immenses oreilles. Rapidement, le personnel va se rendre compte que ce n’est pas son unique particularité.
Depuis que Disney a entrepris de « remaker » ses dessins animés en live, Dumbo était logiquement son projet le plus casse-gueule et , hélas, le box office lui a en partie donné raison, avec juste 352 millions de dollars de recettes mondiales dont 114 aux USA. Pourtant, c’est sans aucun doute le remake le plus réussi de cette vague.
Pourquoi Casse-gueule ? parce que Dumbo est certes un classique, mais son aura n’a pas traversé le temps comme a pu le faire Peter Pan, Pinocchio ou Bambi. Sorti dans les années 40, il fut loin d’être un échec mais pas un triomphe non plus. Et quand Disney le ré-édita dans les années 90 en Laserdisc, il fit partie d’une série où Robin des bois était nettement plus mis en avant. Enfin, sa durée de 60 minutes et quelques n’en faisait pas un candidat idéal pour une re-création live.
Malgré ces obstacles, Disney a tout de même misé 150 millions de dollars pour remettre au goût du jour . Elle a surtout confié le projet à Tim Burton, artiste total qui a enterré la hache de guerre depuis longtemps avec la firme de Burbanks (rappelons qu’il avait travaillé comme animateur sur Rox et Roucky avant de quitter Disney pour voler de ses propres ailes) et qui trouve ici un terreau fertile pour son immense talent. En mettant en scène un cirque digne de Freaks, Burton transcende l’histoire de Dumbo et en fait une version douce-amère où la différence est toujours aussi mal vue, même si c’est cette différence qui permettra de sauver l’éléphanteau. Le réalisateur retrouve d’ailleurs Danny de Vito qu’il avait magistralement dirigé dans Batman le défi en leader de cette étrange famille de cirque et qui saura la mettre à l’abri de la rapacité des gros bonnets de cet art, même si on le verra tenté par des rêves de richesses et de grandeur. Michael Keaton est d’ailleurs également convoqué dans un rôle aussi ambiguë que celui qu’il tenait dans Homecoming. Eva Green et Colin Farrell complètent ce duo qui a tant fait rêver en 1992. Inutile de dire qu’ils sont à la hauteur du film.
Comme souvent , chez Burton, ce sont les déclassés, les rêveurs, les enfants et les laissés pour compte qui l’intéresse. Dumbo réunit tout ceci et va bien plus loin qu’un simple remake pour enfant. Au contraire, la tonalité très adulte de l’histoire et des personnages ( Colin Farrell incarne tout de même un veuf qui a perdu son bras lors à la guerre et qui n’est aucune accueilli comme un héros à son retour) en fait l’antithèse d’un Feel good movie classique. Et ce n’est pas le prolongement de l’histoire par rapport au dessin animé - qui s’arrêtait quand Dumbo volait sous le chapiteau, ce qui lui permettait de retrouver sa mère - qui va démentir cette affirmation. Bien entendu, le happy end est de rigueur, mais on est loin d’un triomphe pour le petit éléphant et ses compagnons, juste un retour à la normal et la conviction que Burton aime ces « mal-aimés » et que quand il se donne à fond sur un film, il en sort toujours un chef d’oeuvre. De toutes façons, quoiqu’on en dise, il y a si peu de ratage dans sa carrière (même sa Planète des singes présente des passages vraiment intéressants) que cela ne devrait étonner personne, à part peut être les cyniques qui estiment qu’il a trahi sa cause et s’est perdu en cherchant le succès.
D’un point de vue visuel, bien aidé par des SFX absolument superbes et d’une poésie rare (le premier envol de Dumbo est magique), Burton n’oublie pas qu’il livre un film de cinéma et non un téléfilm. Son sens de l’image est toujours présent et il n’hésite en aucun cas à ne pas faire Bigger than life ! Toutes les séances dans le parc qui accueille Dumbo sont grandioses et il se permet même de faire une critique subtile du merchandising (les peluches Dumbo vendues avant le numéro). Il le fait cependant sans cynisme, rappelons sur le fond (mais pas la forme) le plan iconique de Jurassic Park sur les produits dérivés qu’engendra le film de Spielberg en 93.
La force d’un film de Tim Burton est de faire oublier justement la technique au profit de son histoire. Comme pour un Cameron, un McTierman ou un Spielberg, les SFX ne sont qu’un aspect du film qui permettent de faire avancer l’histoire et gageons que Burton n’aurait eu aucun scrupule à faire vivre Dumbo en stop motion si l’animation 3D n’avait pas existé. Elle atteint ici une perfection ahurissante qui rend crédible le slogan « Vous croirez qu’un éléphant peut voler ». Mais cette perfection n’ait rien sans l’émotion qui se dégage de Dumbo, de son regard, de son lien avec les autres personnages, que cela soit Eva Green et les enfants (là aussi, superbement dirigés). On le dit à chaque film à effet visuel, mais la technique sans âme n’ait rien et de toutes façons, cela fait longtemps qu’on ne vend plus de tickets avec un slogan sur les SFX uniquement ! Le « jamais vu », on le voit 20 fois par an désormais et c’est à nouveau l’histoire qui prime, n’en déplaise à certains.
Dumbo n’aura donc pas été le raz de marée espéré par Disney (qui s’est de toutes façons rattrapé avec les triomphes de Captain Marvel, Endgame, Aladdin et Le roi Lion, sans compter sa participation à Far from Home) , mais il est évident qu’il gagnera ses galons sur la longue durée ! Ca tombe bien, la vidéo arrive en août (elle était déjà disponible au Japon, mais cette stupide restriction de zone m’a empêché de me l’acheter !) et la séance de rattrapage sera donc indispensable pour tous ceux qui sont passés à côté de ce chef d’oeuvre ! Un de plus à mettre à l’actif de Tim Burton !