Le pitch : alors que la flotte américaine a été décimée à Pearl Harbor, un analyste américain tente d'alerter la hiérarchie militaire de l'imminence d'une attaque à Midway.
Les lecteurs de ce blog le savent : j'ai un faible pour Roland Emmerich et ce depuis un jour d'été 1992 où j'ai pu voir Universal Soldiers, un film dont je n'attendais pas grand chose (Van Damme, Lundgren, un inconnu allemand derrière la caméra) mais qui m'avait ébloui par sa réalisation, son rythme et son visuel. S'ensuivit Stargate, sublime SF à l'ancienne, ID4 , LA claque de 1996 , Godzilla, The Patriot et j'en passe.
La filmographie de Emmerich, je l'ai donc vu à chaque fois au cinéma sauf Stonewall (un drame historique sur la naissance du mouvement LGBT aux USA) et ...Midway !!
Car si en 2011, j'avais réussi à dégoter une salle qui projetait Anonymous (sans aucun doute son plus beau film, même si Midway s'en approche), impossible l'an dernier de trouver du temps pour aller voir le dernier opus d'Emmerich, du fait de son échec au box office français. Dans ma région, il est resté deux petites semaines à l'affiche.
Rattrapage donc avec le Blu-ray qui vient de sortir et que j'ai choppé dans une superbe édition métal, avec un disque supplémentaire de la Fnac contenant une interview inédite du réalisateur.
Midway renoue donc avec la face historique de Emmerich, qui avait déjà mêlé histoire et grand spectacle dans The Patriot (La révolution américaine), 10000 (la préhistoire et la naissance de l'agriculture, avec cependant un côté plutôt fantaisiste), Anonymous (Shakespeare a-t-il écrit ses pièces ?) et donc Midway, un projet qu'il portait depuis la fin des années 2000. En effet, le 21 septembre 2009, Roland Emmerich avait annoncé, alors qu'il présentait 2012, que la bataille du Pacifique était un de ses projets à venir.
Il aura donc fallu 10 ans pour que le film se fasse. Les raisons ? Sony avait refusé le film (n'oublions pas que Midway fut une défaite japonaise) ce qui amena Emmerich a chercher d'autres partenaires. Pearl Harbor de Michael Bay (qui fut loin d'être un échec commercial comme je l'ai lu à droite et à gauche, avec 450 millions de recettes mondiales pour un budget de 140) avait également raconté une partie de l'histoire de la guerre du Pacifique. Enfin, les films historiques sont toujours un énorme pari. Même Spielberg ne parvient toujours à faire d'un triomphe de toutes ses incursions : Cheval de guerre en est un bel exemple.
Mais au final, Emmerich est parvenu à réunir un budget de 100 millions de dollars et, sa science des effets visuels aidant (le making of montre bien comment il réussit à passer d'un plateau, certes énorme, à un porte avion naviguant sur le Pacifique) , restitue donc l'ampleur de la bataille.
Blindé par un script en béton, basé sur les protagonistes réels et les péripéties vécues, Midway est un mélange rare de réalisme et de spectaculaire. Démarrant quelques années avant Pearl Harbor, quand l'agent de renseignements Layton (impeccable Patrick Wilson) commence à se doute que le Japon ne joue pas franc jeu, le film passe rapidement sur l'attaque surprise de décembre 41 puis le raid de Doolittle (vu dans le métrage de Michael Bay) avant de s'attaquer à son sujet proprement dit. Mais cette longue introduction permet de poser tous les protagonistes, d'expliquer clairement l'enjeu de la bataille - si les Japonais avaient réussi à anéantir totalement la flotte américaine, le Pacifique leur aurait appartenu et la côte Ouest devenait vulnérable - et de permettre au spectateur de suivre une chronologie quelque peu complexe pour celui qui ne connaît pas cette phase de la guerre.
En confiant les rôles à de solides acteurs , Woody Harrelson en Nimitz, Dennis Quaid en Haisley (les deux acteurs avaient d'ailleurs déjà travailler avec le réalisateur) ou Aaron Eckart en Doolittle, Emmerich ancre son projet dans du concret. Et le reste du casting est à l'avenant ! Luke Evan et Ed Skrein interprètent les deux faces de l'aviation : le posé et la tête brûlée. Mais chacun, à sa façon, participera à la victoire.
Soucieux de réalisme, Emmerich ne s'embarrasse pas de romance. Malgré toutes les qualités du film de Michael Bay (que j'avais revu en revenant de Los Angeles il y a un an, ayant séjourné dans le motel où furent tournées quelques scènes) , le film était quelque peu parasité par la romance du trio vedette. Là, l'histoire ne s'intéresse qu'à la bataille, ce qui n'empêche pas des scènes intimistes, très réussies d'ailleurs. Il ne double pas non plus les dialogues en japonais , sauf quand ils parlent avec des Américains. Et on sait que c'est toujours très risqué aux USA, le public ayant du mal avec les sous-titres.
En fait, Midway est un film très didactique , pédagogique même. Le scénariste Wes Tooke, dont une partie de la famille était dans la Navy, a fait un travail énorme pour rendre accessible à tous le compte à rebours, les étapes de la bataille, et ce des deux côtés, et Roland Emmerich magnifie ce script par une mise en scène fluide et très lisible. Mais il n'en oublie pas qu'un film de guerre peut être spectaculaire et son professionnalisme sans faille, sa connaissance des effets visuels et son sens de l'image font le reste.
Midway est un film à très grand spectacle, avec une reconstitution maniaque des attaques japonaises ou américaines. Mais là aussi, Emmerich ne fait pas dans l'esbroufe , il se base sur des images d'archives et reste fidèle au leitmotiv de départ : ne pas amplifier, ne pas magnifier, respecter la réalité.
Au final, Midway est un superbe film, magistralement interprété , réalisé par professionnalisme sans faille. Rien ne distraira le spectateur de l'histoire et son échec commercial (124 millions de recettes mondiales seulement) ne peut s'expliquer que par une chose : le public ne s'est pas intéressé à cette histoire. Et c'est bien dommage.
Profitez donc de la sortie vidéo pour vivre cette bataille et vous comprendrez comment, en quelques minutes, l'Amérique a réussi à inverser le cours de la guerre.
Chapeau et merci , Monsieur Emmerich !