Le pitch : après une mission qui le laisse quasiment pour mort en Ukraine, un agent secret découvre que des objets venus du futur menacent la paix du monde.
Avant propos : cette chronique est prête depuis un bail, mais j'espérais revoir le film avant de la poster. Vu que c'est impossible et que la 2e vision se fera en vidéo, je la poste donc tel quel.
Après avoir révolutionné le film de super héros, le film de guerre et la SF, Christopher Nolan s'attaque au film d'espionnage. Et comme à l'accoutumée, le résultat est à la fois époustouflant, complexe, mystérieux et doté d'une écriture rare. C'est simple : il n'existe pas de métrage comparable à Tenet !!
Nolan a parfaitement compris que pour attirer du monde en salle, il faut leur offrir du jamais vu et que pour le faire revenir, il faut lui offrir une histoire à la hauteur, quitte à perdre du monde en route. Car oui, Tenet est un film exigeant qui n'autorise pas le spectateur à se laisser aller, bien au contraire. Dès le départ (une prise d'otage dans une salle d'opéra), l'histoire est complexe et à aucun moment, le script ne nous prend par la main pour nous dire de quoi il retourne. C'est à la fois impressionnant et agaçant. Impressionnant car on n'a jamais l'impression de naviguer en terrain connu, agaçant parce que, à certains moments, on serait presque prêt à décrocher. Mais à chaque baisse d'attention, le film se relance et oblige donc à nouveau à la vigilance.
La force de Christopher Nolan est d'ancrer le fantastique dans le quotidien. Dans le sous-estimé Le prestige, le cinéaste racontait la rivalité de deux magiciens (et offrait à David Bowie son plus rôle avec Furyo) de manière presque terre à terre, tout le "fantastique" reposant sur l'illusion et ce jusque dans la pirouette scénaristique finale. Dans Dunkerque, film ultra-réaliste s'il en est, le jeu avec le temps qui passait différemment selon l'histoire donnait également un côté surréaliste au métrage.
Pour Tenet, Nolan aurait très bien pu se passer de l'aspect fantastique. Il en aurait résulté un très bon thriller d'espionnage, aux scènes d'action fracassantes, comme le crash du Boeing sur un hangar (réalisé en dur !!) ou les différentes fusillades. Bref, on aurait pu avoir un Bond sans James Bond.
Mais en y ajoutant le retournement du temps, les objets venus du futur, il complique son histoire, la tord, obligeant le spectateur à ne pas rester passif devant le spectacle. Il est évident que tout le monde n'aimera pas Tenet. Certains vont estimer que son réalisateur s'est offert un caprice couteux et mégalomane. Il y a du vrai dans cette affirmation. Mais comme Cameron ou Bay, Nolan veut faire du cinéma pour le cinéma. Même s'il dit que cela ne dérange pas si quelqu'un regarde Tenet sur son téléphone, il est évident que c'est juste une phrase diplomatique et que son film a été conçu pour l'écran le plus possible.
Que cela soit le travail sur l'image, la composition des cadres, le son (comme souvent chez lui, une partie de l'histoire est racontée par la musique, les bruitages et les sons hors champs), Tenet a été conçu pour être vu au cinéma. C'est sans doute ce qui explique que, malgré la pandémie et la fermeture des cinémas, il a réalisé un tel score. Les gens voulaient du grand spectacle.
Alors oui, parfois on se perd, on se demande où l'on va, mais, patiemment, on arrive à voir un métrage retomber sur ses pattes et on espère qu'il aura une suite car il y a encore tant de zones d'ombres dans Tenet.
Pour réussir un film, il faut une bonne histoire, un héros et un bon méchant. Tenet a évidemment les trois. John David Washington a hérité de tous les talents de son père et tient le film sur ses épaules. Epaulé par un Robert Pattison qui retrouve aussi un rôle à la hauteur de son talent (Vous ne me croyez pas ? oubliez Twilight et revoyez De l'eau pour les éléphants ou The lost city of Z). Le duo est parfait, ambigu (Pattison est-il vraiment du "bon" côté ?) et n'hésite jamais à payer de sa personne.
Quand au vilain , qui de mieux que Kenneth Branagh pour l'incarner. D'autant plus que, là aussi, le rôle est bien plus complexe qu'à l'accoutumée et bien malin qui devinera les réelles intentions de cet homme de pouvoir.
Si l'on peut regretter une chose, c'est que le casting féminin soit quelque peu en retrait, même si Elizabeth Debicki est également parfaite. J'attendais un rôle plus important pour notre compatriote Clementine Poesy qui, hasard des tournages, retrouve donc Pattison à l'affiche 15 ans après La coupe de feu.
Vous l'aurez compris, Tenet m'a totalement conquis et il me tarde de le revoir en salle pour bien comprendre les tenants et aboutissants, pour voir si les théories que je me suis échafaudé sont les bonnes. A l'instar d'Interstellar ou Inception, autres sommets de la filmographie de Nolan, Tenet est un film qu'il faut voir plusieurs fois. Pas parce que la première fois, on ne le comprend pas, mais pour comprendre comment le cinéaste dissémine ses indices.
Car, et on ne le dira jamais assez, Nolan aime autant le spectateur que le cinéma. Sauf qu'il ne le prend pas par la main. Il lui donne les clés et à lui de trouver les bonnes combinaisons. C'est peut être cela, le cinéma total !