L'une des critiques les plus constantes sur Avatar revient sur son scénario "simpliste". Allons plus loin que cette analyse navrante
et basse de plafond.
Le pitch tout d'abord : Jake Sully, un Marine, totalement convaincu de sa mission, malgré la perte de ses jambes, accepte de se rendre
sur la planète Pandora afin de remplacer son frère jumeau qui devait participer au programme "Avatar" . Ce programme consiste à infiltrer la population extraterrestre, considérée comme dangereuse
par les humains. Si contrôler un avatar permet à Jake de remarcher à nouveau (une idée inspirée par une petite scène de Strange Days, écrit par Cameron en 1995) , il va dans un premier temps
accomplir sa mission et même aller au delà en donnant les renseignements que désire Quarritch, un militaire persuadé que l'homme doit s'emparer de Pandora, quitte à détruire les Na'vis afin de
sauver une Terre à l'agonie. Mais petit à petit, Sully prend conscience de la complexité de la société na'vi et va donc se retourner contre les hommes, entraînant avec lui un petit groupe de
scientifiques et de militaires. La confrontation finale n'en sera que plus explosive.
Bon, très simpliste cette histoire, donc !! On voit donc que les critiques, qui se pâment devant un Antichrist ou un Ruban blanc (qui
eux aussi racontent des histoires ultra linéaires) , ne savent pas interpréter un pitch carré et surtout ne comprennent pas la substance d'un récit de SF. Ici, l'histoire est effectivement
débarrassée de toute substance superflue (tout comme celles d'Abyss ou des Terminator de Cameron) mais c'est justement ce qui fait sa force : les enjeux sont posés rapidement et le spectateur
peut s'immerger dans Pandora.
Il paraît bien plus intéressant de regarder les thèmes cameroniens présents dans Avatar. J'ai déjà cité le paraplégique de Strange
Days, on peut également voir un écho à Aliens à travers la Compagnie, entité obscure qui exploite le minerai sans oublier bien sûr ces exo-squelettes mécaniques, qui sont les lointains cousins de
ceux que manipulaient Ripley. Quand à Michelle Rodriguez, elle est un écho de Vasquez dans Aliens avec qui elle partage presque le même visage.
La rencontre avec une autre civilisation est à la base d'Abyss, à la différence que sur Pandora, les Na-vis ne rechignent pas à la
guerre et ne se limitent pas à une démonstration de force. Quand à Terminator , il trouve bien sûr son écho avec la lutte entre les hommes et les machines de jugement dernier, mais là aussi,
Cameron inverse la donne, l'humain étant l'agresseur. Le thème de David contre Goliath reste cependant au centre. On notera, avec amusement, que l'affrontement final renvoie directement à celui
du Retour du Jedi (et par ricochet La menace fantôme), avec deux sociétés que la technologie sépare qui vont s'entretuer.
L'histoire d'amour renvoie directement à celle de Titanic. On notera que , comme dans sur le bateau maudit, c'est à partir du moment
où le couple fait l'amour que la société s'écroule. Un navire dans Titanic, l'arbre monde dans Avatar.
Cameron puise donc dans sa filmographie mais aussi dans tout l'imaginaire de la SF : les montagnes volantes, les arbres géants, la
jungle de Pandora et son bestiaire (que l'on croit sorti d'un Flash Gordon), le transfert de l'âme dans un autre corps, les Marines de l'espace (Allusion directe à Aliens mais aussi à
Robert Heinlein et ses Starship Troopers), la colonisation brutale d'autres planètes. A cela s'ajoute la légende de Pocahontas et Danse avec les loups.
Alors, oui, Avatar n'est pas un script révolutionnaire, mais il ne laisse pas de questions en suspens (à la différence d'un Matrix),
il renvoie à l'imaginaire des fans de SF, ravis de constater que leurs fantasmes peuvent prendre corps à l'écran. Mieux encore, Avatar laisse la porte ouverte à d'autres films : une préquelle
(comment l'homme a pris pied sur Pandora) ou une séquelle (il serait passionnant de voir comment Jake va évoluer dans son nouveau corps).
Cameron a donc pris ses thèmes de prédilection pour les inclure dans une histoire bien charpentée et extrêmement bien écrite, ne
laissant pas de place au Deus Ex Machina. Les personnages évoluent de manière logique et même le manichéisme de Quarritche est tout à fait logique : c'est un militaire qui ne fait qu'obéir aux
ordres, un type comme on en rencontre des tas dans toutes les armées du monde. Le propos de Cameron est alors terrifiant : même dans 150 ans, ce type d'homme existera toujours. D'ailleurs, est-il
un méchant ? En fait, il n'est qu'un produit de son temps et il croit agir pour ceux qui est juste. Si les humains ne s'emparent du minerai, ils risquent de disparaître. Pour lui, c'est la loi du
plus fort qui prévaut. Et le plus fort est celui qui a la technologie à son avis.
Autre personnage secondaire intéresssant, celui de Michelle Rodriguez : elle est en fait les yeux du spectateurs. Emérveillée par
Pandora mais refusant dans un premier temps de s'y intégrer. C'est lors de la destruction de l'arbre monde qu'elle va prendre conscience de son importance. Et ira alors sacrifier sa vie et sa
réputation pour se racheter. Les quelques scènes où elle apparaît sont superbes, d'autant qu'elle est la seule à ne pas voir Pandora via des yeux d'Avatar. Son volte/face n'en est que plus
courageux !! Ne s'appelle pas alors "rénégat".
Avatar raconte évidement une autre histoire de rédemption à travers les yeux de Sully. Il rachète les erreurs de son ancien corps (la
perte de ses jambes) puis trahit sa race et son corps d'armée, s'attirant ainsi la haine de Quarritche !! Car c'est la déception qui guide le colonel à vouloir abattre celui qu'il considéra comme
un élément de premier choix.
Mais avant de sauver son "peuple", Jake devra faire l'expérience du rejet, de la haine, de la déception. En jouant sur les deux
tableaux, il risque de tout perdre, y compris son humanité. C'est sans doute pour cela qu'il choisit de devenir un vrai Na'vi à la fin du film.
Avatar est donc la somme, tout comme Titanic, des idées, des fantasmes, des peurs, de la vision de la société de Cameron. Rien que
pour cela, on ne peut pas le taxer de simplisme !!