Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 juillet 2007 6 28 /07 /juillet /2007 12:22
Le scandale de l'année !! Comment ce brillant film de SF, racé et intelligent, filmé à la perfection par un Michael Bay au sommet de son art a-t-il pu rater sa cible ? Pourquoi un tel spectacle où abondent expérimentations visuelles, images chocs et inédites , télescopage de deux réalités n'a pas pu trouver son public ? Parce que Bay remet en cause le culte du corps et de la santé ? Parce que Mc Gregor (parfait dans le rôle) n'a pas convaincu de son attrait physique pour le rôle ? Parce que le script titille trop souvent la réflexion du spectateur ? ou bien parce que on a refusé à Michael Bay le droit de ré-orienter sa carrière ? Sans doute tout cela à la fois.

Bay est désormais , avec ce 6eme film, l'égal d'un Cameron : un titan du cinéma capable de transcender un script linéaire mais redoutable en en renforçant l'impact par des scènes et des images d'une puissance redoutable. Bay se définit comme un jeune réalisateur et il est clair qu'avec The Island , il met en application toutes les techniques qu'il a développé depuis Bad Boys : travelling circulaire, contre plongée et ralentis, usage intensif des filtres, montage et découpage de folie mais aussi captation des acteurs par le biais d'une caméra  à la fois voyeuse et pudique. Les scènes d'actions du film dont une poursuite d'anthologie qui commence à pied, pour se terminer en moto volante , écrasent de leur domination les récentes tentatives du genre. Bay reprend ses délires de Bad Boys 2 en lançant des essieux de wagons sur les routes, continue son expérimentation dans la destruction à grande échelle. Tout ce qu'il a appris depuis 1995 est concentré dans ce film. A l'arrivée un spectacle redoutable doublé d'une réflexion implacable sur le clonage.

Le film est totalement coupé en deux , et c'est sans doute ce qui dérangé. A une première partie évoquant clairement le THX 1138 de Lucas (même décor blanc, même culture du bonheur à tout prix, même refus du contact physique) succède du Bay pur et dur, celui que le fan absolu attend en frétillant sur son fauteuil . Mais en mélangeant les deux concepts dans une 3eme partie apocalyptique, The Island annonce clairement la couleur : nous avons bel et bien affaire à un blockbusters cérébral et non à un véhicule pour star comme le fut I, Robot.

Revenons sur cette première partie : on y voit la description d'une société factice pour le spectateur mais bien réel pour Ewan Mc Gregor. La caméra de Bay se fait lente, s'attarde sur l'immaculée organisation d'une société fascisante où les responsables sont clairement détachés des opprimés, tout en leur faisant croire le contraire. Par petites touches, le film dévoile les rouages de cette micro-société mais n'en explique rien. Le spectateur peut alors se croire dans un thriller futuriste même s'il sait que quelque chose ne tourne pas rond. La lobotomie des habitants de cette "ville" apparaît alors comme décalée voire ridicule et on se met à penser du côté des dirigeants, à considérer les habitants comme des gens que l'on doit aider contre leur bien, s'il le faut.

Les admirateurs de Bay pur et durs ont sans doute fait la fine bouche face à cette première partie : pas de cadavres farcis de drogue, pas d'explosions, pas de poursuites automobiles, pas même de fuck à tous les coins de dialogues. Bay s'assagit pour coller au propos de sa société : aseptisée, non violente, dépourvue de vrai contact humain mais totalement hypocrite. Régulièrement, des mouvements de caméra, des allusions salaces (légères) et des passages clipesques (surtout dans la description de la société) nous rappellent que nous sommes dans un film de Bay et non dans le dernier Desplechin !!

Le culte de la beauté , du corps sain est alors montré dans toute sa splendeur, avec une vigueur qui rappelle les expérimentations de Leni Riefenstahl. Les habitants "blancs" (par leurs habits, s'entend) passent leur temps à entretenir leurs corps, à faire du sport, à bronzer, à manger sainement, à nager. Bref, ils s'entretiennent dans le but d'être les plus parfaits possible quand ils iront sur l'île. Dans cette société fasciste, inspirée de THX mais aussi d'Orwell, les habitants ressentent consciemment l'idée de manipulation mais ne pensent pas à s'en détacher car leur conditionnement leur interdit. Décors aseptisés et omniprésente d'écrans de télévisions où tout est propre et riche finissent de fournir le cadre d'un monde utopiste mais stratifié, pâle reflet d'une société américaine qui n'existe pas. Peut être tient on ici l'une des raisons du rejet du film car Bay, bien plus finement qu'un Moore, expose ses doutes sur la société américaine et s'interroge sur les dérives futures éventuelles.

Une fois cette longue exposition passée, le spectateur via Echo 6 va découvrir la vérité. Le monde idéal n'est qu'une usine, ses habitants ne sont que des produits de consommation et l'île n'est en fait que la porte vers la mort. Le parallèle avec l'idéologie nazie est alors clair . Le travail c'est la vie proclamait des panneaux à l'entrée des camps. On ne disait pas aux juifs qu'ils allaient être gazés mais qu'ils allaient prendre une douche. Monstrueux cynisme qui juste au bout fait croire à la victime l'imminence de sa sauvegarde. Ici, les habitants sont désignés comme des produits et ne servent que de boîte à fusibles, sont les réceptacles vivants d'organes sains. Tels des poulets de batteries engraissés pour produire le plus vite possible de la viande , les habitants sont massacrés sans pitié car au regard des dirigeants de la société , ils ne sont pas humains. Dans une série de dialogue avec "ceux qui savent", Echo se voit comparer à une boîte de vitesse , Steve Buscemi lui explique que personne ne veut voir la vache derrière le hamburger.
Poussant encore plus loin le cynisme , Sean Bean , le directeur de cet implacable institut cache la vérité à ses clients, de riches américains qui achètent ainsi un visa pour une vie "éternelle" . Le film sous-entend que toutes ces activités sont illégales mais comme le dit Buscemi , qui s'en soucie ?

 La découverte de la vérité via deux exemples édifiants va donc lui faire prendre la fuite , avec une femme pour qui il éprouve des sentiments (Scarlett Johanson , totalement bay-atifiée). On bascule donc dans une deuxième partie où Bay retrouve ses vieux démons et son cinéma de frappadingue . Totalement maîtrisées, les scènes d'actions se succèdent à un rythme d'enfer comme si le cinéaste voulait rattraper le temps de la longue exposition. Intervient alors Djimon Hounsou, implacable dans son rôle de mercenaire déshumanisé, charriant dans son sillage une collection de gueules (la plupart faisant partie de l'équipe de Rollins dans Bad Boys 2). A celà s'ajoute une nouvelle description d'un futur ultra crédible, visuellement parfait (comme d'habitude, la maîtrise des effets visuels de Bay est proprement hallucinante). Plus de pertes de temps, de descriptions lancinantes mais une fuite éperdue vers le noeud du récit. Echo 6 veut retrouver son "géniteur" et rien ne se mettra en travers de sa route. Les destructions à grandes échelles, les courses poursuites automobiles sont le passage obligé de toute production de ce genre mais le cinéaste les traite comme des scènes normales. N'ayant plus rien à prouver dans ce domaine, il se contente d'écraser la concurrence et , tel un Attila du 7eme art rend bien difficile le travail de ceux qui entendraient le surpasser.

La brutalité moindre de ses séquences tranchent un peu avec les précédents films du maître mais lui permettent d'adoucir son propos. Cette concession mineure ne remet aucunement en cause l'objectif du premier film : traiter par la SF un sujet de société brûlant et jeter un doute sur le culte américain de la beauté, remise en cause déjà lancinante dans Bad Boys 2 où une bimbo n'était que le réceptacle d'une cargaison de drogue.

Les méthodes fascistes de l'institut éclatent alors hors des murs de la société : rien ne doit se mettre en travers des mercenaires. Police, civils , passants sont impitoyablement réduits à de la chair à canons. Les mercenaires se griment en policiers, en Swat, en Lapd... montrant ainsi leur capacité d'infiltration et leurs méthodes peu orthodoxe. Mais , étourdi par un métrage en accéléré, le spectateur ne peut que passer d'une scène à l'autre sans reprendre son souffle. La structure de Pearl Harbor reprend le dessus avec une orgie de destruction coincée entre deux moments de contemplation.

Passé ce moment de folie, Bay repart à l'assaut de la forteresse du clonage , et va redistribuer les cartes : les masques tombent totalement, Hounsou se redécouvrent une conscience, l'euthanasie entre dans une "solution finale" (les Échos sont destinés à être gazés !!) et Bay conclut son récit de manière un peu abrupte, sans doute le seul défaut d'un film dense et généreux.

Film maudit en 2005 par le public US, massacré par la critique, The Island est une date dans l'histoire de la Science Fiction. Film fondateur du nouveau cinéma de Bay (on espère qu'il ne tirera pas de conclusions erronées suite à l'échec public US) , The Island aurait du être l'un des sommets de 2005 , et non un blockbusters de plus tel que la presse, bien aveugle devant ce chef d'oeuvre, l'a décrit.
Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Salla Obscursium Invocat
  • : BO US, BO France, BO Mondial, chroniques ciné, Chroniques DVD..... Toujours sans concessions et politiquement incorrect !!
  • Contact

  • Dave
  • Enseignant, fan de cinéma et de métal, chanteur dans différents groupe de métal, collectionneur de tout ce qui touche à Star Wars... what else ?
  • Enseignant, fan de cinéma et de métal, chanteur dans différents groupe de métal, collectionneur de tout ce qui touche à Star Wars... what else ?

La côte

***** Chef d'oeuvre !!

**** Très bon, allez y vite !!

*** 1/2 * Entre le bon et très bon, quoi...

*** Un bon film

** Moyen, attendez la vidéo

* Comment ai-je pu aller voir ça ??

L'affiche du moment