9 septembre 2007
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Beaux échecs est une nouvelle chronique qui a pour but de mettre en lumière des films qui n'ont pas
obtenu le succès mérité, malgré leur qualité.
Even Horizon est sorti au cinéma en 1998 (1997 aux USA). Réalisé par Paul WS Anderson, son but était de mettre en scène un film d'horreur gothique réellement flippant, quasiment sans humour et brutal. Doté d'un budget de 70 millions de dollars, d'acteurs solides (Lawrence Fishburne, Sam Neil...) et d'un script qui pouvait rappeler La maison du diable, Event Horizon (rebaptisé en France Le vaisseau de l'au-delà !!) réussit au delà des espérances ce pari.
Pourtant, à l'arrivée l'échec sera brutal puisque les recettes US ne seront que des 26 millions de dollars. Quand au reste du monde, la sortie fut le plus souvent en catimini et j'eu la chance de le voir dans une salle totalement vide. J'étais le seul spectateur !! Il est clair que le public n'était pas prêt pour ce tourbillon métaphysique et surtout pour cette absence totale de second degré.
Rendons donc hommage à ce superbe film dont je possède le Laserdisc (d'une image cristalline !!) édité par Pionneer France en 1999.
Event Horizon commence par un petit rappel des faits. En 2040, le vaisseau Event Horizon disparaît au large de Neptune, sans laisser de trace. Puis la date 2047 - aujourd'hui envahit l'écran.
S'ensuit un long travelling sur Neptune, l'apparition du vaisseau, semblable à une croix suspendue dans l'espace. La caméra entre dans ses coursives. Des objets flottent en apesanteur. On arrive dans le poste de commandement plongé dans la pénombre, un homme les bras en croix , à l'envers , se profile devant un hublot qui rappelle furieusement le vitrail d'une cathédrale. Lui aussi flotte. Il est mort et son agonie a dû être terrible. La caméra fonce sur lui . Flash !! Une pupille apparaît, celle de Sam Neil, arraché par la sonnerie de son réveil à un horrible cauchemar. Le ton est donné : Event Horizon ne sera pas un film d'horreur rigolard à la Scream mais bel et bien un authentique cauchemar sans concession.
Rapidement, on apprend que Sam Neil est le concepteur de ce vaisseau, qu'il l'a construit pour aller au delà de la vitesse lumière et qu'il va participer à une mission de recherche pour le ramener sur Terre. En effet, l'Event Horizon a refait surface. L'équipe de sauvetage du vaisseau Lewis&Clark, menée par un Lawrence Fishburne impérial, n'a pas l'air d'être très enthousiaste à l'idée de s'aventurer aussi loin de la Terre, d'autant que l'on vient de lui sucrer une permission bien méritée. De plus, les hommes et les femmes ne se sentent pas à l'aise avec le créateur du vaisseau, ils sentent qu'il leur cache des choses. La suite du métrage leur montrera combien ils avaient raison.
Si la toute première partie du métrage peut évoquer Alien (l'équipage hétéroclite, le vaisseau qui est tout sauf glamour, l'arrivée sur l'Event Horizon) , la rapide découverte du sort de l'équipage de l'Event Horizon fait basculer le métrage dans l'horreur gothique et graphique. Après un visionnage du journal de bord, l'équipe du Lewis&Clark s'aperçoit avec horreur que les hommes disparus 7 ans plus tôt se sont massacrés entre eux. Les images insoutenables (mais très fugitives, quasiment subliminales) prouvent que leur sort a été atroce. La vision la plus épouvantable est celle du capitaine du vaisseau qui s'arrache les yeux.
Le film bascule alors dans un sanglant cache cache entre l'équipage du Lewis&Clarke et la chose qui hante le vaisseau, cette chose que l'on ne verra jamais, l'âme de l'Event Horizon acquise quand il a tenté de passer le vitesse lumière. L'âme qui va tuer un par un l'équipe de Fishburne, les attirant dans des pièges sophistiqués, manipulant leurs peurs, leurs angoisses et aidé par un Sam Neil totalement sous l'emprise de son vaisseau.
La brutalité des séquences montrent que Anderson ne s'est pas donné de limite : décompression quasi explosive, chute et empalement, cascade de sang dans les coursives (une scène en hommage à Shining), oenucléation, éventration... Ainsi que des séances de torture dignes de l'inquisition révélées lors d'images flash ultra rapide. Et une absence d'humour totale, si ce n'est dans la présence d'un personnage plutôt sympa, le mécano noir prompt à la blague facile. Et encore, son temps "humoristique" doit représenter 3 minutes de métrage.
Event Horizon joue à fond le thème religieux. Le vaisseau ressemble à une cathédrale, avec sa nef et son tranceps, son intérieur fait penser à une crypte gothique. Sa forme évoque celle d'une croix. Le long couloir qui relie les deux modules ressemble à s'y méprendre aux contreforts de Notre Dame. Bref, l'Event Horizon est devenu une église dédiée à l'Enfer. D'ailleurs le message , le dernier délivré par le capitaine du vaisseau est le suivant "Sauvez vous de cet enfer", le tout dit, évidemment en latin, la langue de l'église. "Liberate tute me ex inferno" !! Anderson invoque carrément Dante et sa Divine comédie.
Mais le film va plus loin. L'un des personnages s'affiche comme profondément croyant. Il est terrorisé par le vaisseau. Il sera l'un des premiers à mourir. Il est également le premier à rejeter Sam Neil, à estimer qu'il a bafoué les lois de la physique. Mais dans son esprit , lois de la physique ne signifie-t-il pas lois divines ?
Hanté par le suicide de sa femme, Sam Neil sombre sous l'emprise de l'âme de son vaisseau. Mais les autres protagonistes ont tous quelque chose à se reprocher. Fishburne ne se pardonne pas d'avoir laissé un incendie tuer l'un de ses hommes. La médecin de bord se sent coupable de laisser son fils sur Terre... Le vaisseau exploite leurs remords, leurs peurs et au final les tue, comme pour les punir de leurs échecs.
Magnifié par des effets visuels splendides, constamment baigné dans une lumière bleutée , le vaisseau flotte au dessus d'une planète envahie par des orages permanents. La bande son regorge de bruits de tonnerre comme dans les vieux métrages de la Hammer. Les décors, superbes et inquiétant, participent aussi à la réussite du film. Anderson a totalement assimilé les leçons de Scott et Cameron en matière de visions spatiales. S'éloignant radicalement de l'humanisme technologique de Star Trek mais aussi de la vision utopique de Star Wars, il ne fait que transposer dans l'espace un thème né avec la littérature fantastique : celui de la persitance du mal à travers un objet.
La fin ouverte , que l'on peut interpréter relie également Event Horizon à toute la filmographie d'épouvante des années 70 et du début des 80's quand on n'osait laisser le spectateur dans le flou. Et quand la musique du générique de fin retentit (Funky Shit, de la techno bien barrée), on reste sous le choc du métrage , conscient d'avoir assisté à un film hors du commun. Conscient aussi que ce spectacle ne pourra pas convenir à un grand public.
Echec mondial pour un film radical mais dont l'inventivité, le jusqu'au boutisme et la volonté de faire peur en font une réussite totale, de loin le meilleur film du réalisateur d'Aliens VS Predator.