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14 décembre 2007 5 14 /12 /décembre /2007 06:32
americangangster-smalltheatrical.jpgLe pitch : l’ascension et la chute d’un parrain de la drogue originaire de Harlem qui parviendra à organiser seul un trafic d’héroïne en jouant sur les ressorts « capitalistes » de l’Amérique…

Ridley Scott est un dieu !! Alors que Blade Runner est enfin disponible dans une édition digne de ce nom (chronique à venir mais soyez patients, j’ai 5 disques à m’enfiler !!) , il surprend le monde entier en signant une saga digne du Parrain de Coppola. Oui, j’ose la comparaison. American Gangster est un film épique, qui nous plonge totalement dans son époque, qui ne connaît aucun temps mort, qui ne perd jamais le spectateur malgré l’abondance de personnages et leur relatif anonymat. Seuls Denzel Washington et Russel Crowe sont vraiment connus, pour les autres acteurs, soit on se dit « Je l’ai déjà vu quelque part » , soit on se dit « Mais qui c’est celui-là ? » . Un Josh Brolin ou un Cuba Gooding Jr deviennent même ici des silhouettes de luxe.

Durant ces 2h30, le script ambitieux nous fait passer de l’ascension du caïd, passant des rizières asiatiques à Harlem, et le combat du policier incorruptible, à la fois contre la drogue et la corruption. Comme dans tout film maffieux, on assiste donc aux classiques : la mise en place des filières, la famille qui s’impose comme organisation, l’argent facilement gagné et qui va finalement tourner la tête (c’est un manteau qui provoquera la chute de Lucas), les méthodes expéditives… Scott et ses scénaristes en ne laissent rien au hasard et se retrouvent en terrain connu.

Mais si le côté saga est l’un des atouts du film, sa grande force est de se focaliser sur deux personnages. D’un côté, l’univers paillette, artificiel et dangereux du parrain noir, de l’autre l’univers triste d’un flic incorruptible. Avec une vie en lambeaux, un divorce qui traîne, un coéquipier qui se fourrent dans les pires ennuis , le mépris de ces collègues moins regardants sur l’origine de certains « cadeaux » et un quasi dénuement matériel qui contraste violemment avec celui de Denzel, Roberts, le personnage de Russel Crowe n’a que son intégrité comme bouclier. C’est ce qui le sauver. Il la porte comme un étendard et seule son incroyable ténacité à faire tomber celui qui est derrière la blue magic va finalement le porter.

Le contraste est saisissant : d’un côté un homme seul, amer, mis au ban de son propre travail, de l’autre un homme comblé, entouré, aimé, riche. Et quand le trafiquant va s’apercevoir qu’il ne peut acheter le flic, le respect viendra enfin. L'histoire entremêle ses deux destins, pas si différents après tout.
18750855.jpg
L’autre grande réussite du film est la peinture du milieu noir de Harlem. Scott filme comme à son habitude (comme un dieu) en ne portant pas de jugement sur ses personnages. Mais surtout, il refuse le misérabilisme et le politiquement correct. Ici, les noirs se comportent comme des blancs, de manière violente, parfois sans scrupules. Derrière cette image, Scott nous dit simplement « qu’importe la couleur de peau, les hommes sont tous atteints par les mêmes travers’ . Pas de misérabilisme donc mais le démontage systématique d’une entreprise capitaliste (Frank Lucas vend moins cher un produit de meilleure qualité que ses concurrents. Il estime donc normal de gagner plus. Il utilise les cercueils de ses compatriotes morts au Vietnam...) avec ses codes (Blue magic est une marque !!) , ses réseaux, ses franchises, ses tricheurs… Là aussi, un travail remarquable de précision, qui fait que l’on ne se perd jamais dans les méandres d’un script ambitieux.

Violent, American Gangster l’est assurément. Mais pas cette violence gratuite dont on nous rebat les oreilles mais une violence justifiée par les actes des protagonistes. Quand Lucas fracasse la tête d’un de ses acolytes avec un piano, en abîmant au passage son tapis, il a ses raisons. Et Scott ne fait pas dans le complaisant. Pas de meurtres au ralenti, pas de glorification de la violence. À l’image de la drogue, la violence des dealers est sale, parfois inutile, jamais reluisante.

Scott affirme d’emblée sa sympathie pour les deux protagonistes. Ils sont les deux faces d’une même pièce. Les deux veulent faire leur travail du mieux possible. Chacun est persuadé d’agir pour le mieux de sa communauté (Harlem ou la Police) : Lucas imite son ancien chef en distribuant des dindes aux nécessiteux de son camp (mais ne va pas jusqu’à partager leur vie) et Roberts veut épurer la police de ses scories. Lucas élimine la « mauvaise came », Roberts élimine les ripoux. Et quand les deux adversaires trouvent un terrain d’entente, le résultat est brutal pour l’establishment.

La reconstitution des années 70 est remarquable. Scott se plonge avec délectation dans ses années où il était un jeune homme brillant de la pub. Costumes, coiffures, décors… Tout nous rappelle ces chères 70’s , quand la raison de l’Amérique a vacillé, avec le Vietnam, le Watergate, la drogue. La réussite d’un film historique se mesure à son degré d’immersion. Et les 70’s , c’est déjà de l’histoire. Scott a réussi ces plus grands films en changeant d’époque : Blade Runner, Les duellistes, 1492, Gladiator, Kingdom of Heaven… Ici, il applique les mêmes règles : réalisme absolu et respect intégral de l’époque visitée. Harlem sera donc le Harlem fantasmé et les rizières asiatiques nous ramènent 35 ans en arrière.

Quant aux images, elles sont à tomber par terre. Malgré la crasse, malgré la déchéance morale où tombe cette Amérique gangrenée par la drogue, la corruption, la violence, Scott n’oublie pas qu’il est un cinéaste , un faiseur de tableau , un metteur en scène : il sublime son casting et , à la manière d’un peintre, fait succéder différents tableaux où rien n’est laissé au hasard.

On le savait depuis 2000, mais le grand Ridley , celui des années 77-85 est de retour. Scott, meilleur cinéaste du monde ? A l’heure où l’on fera le bilan et qu’on le comparera à d’autres, la réponse sera peut-être positive.
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commentaires

D
J'ai vu l'affiche. Elle est SUPERBE !! <br /> <br /> Tu peux aller voir les films le samedi. Pour ma part, je suis content quand j'arrive à y aller une fois par moi. Avec les horaires de l'UGC c'est de pire en pire.<br /> <br /> J'ai revu Un jour sur Terre avec ma classe aujourd'hui. C'est toujours aussi beau (à part un peu de pipeau sur les ours) . Je ferais la chronique dans la semaine.
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F
Je n'ai pas le temps de lire ta critique, mais le film a été une grosse claque au cinéma pour moi, une magistrale leçon de ciné du Sieur Scott. Pour répondre à Claude, pas revu "Black Rain" depuis un moment, mais il m'avait laissé un très bon souvenir, même si il a sans doute un peu vieilli aujourd'hui.<br /> <br /> Sinon, très occupé en ce moment, je peut aller au ciné que le Samedi, et comme il sort une floppée de films intéressant, j'en loupe plein. Faudrait que les distributeurs pensent à ceux qui peuvent aller au ciné que le Samedi. Ben oui, quoi (lol).<br /> <br /> Autrement, les nouvelles affiches de "The Dark Knight" sur mon blog http://sallesobscures.blogs.allocine.fr/ La ba officielle devrait arriver la semaine prochaine.
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C
Avez vous vu Black Rain ? Un Scott un peu oublié mais déjà visionnaire dans les années 80.
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  • Enseignant, fan de cinéma et de métal, chanteur dans différents groupe de métal, collectionneur de tout ce qui touche à Star Wars... what else ?
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La côte

***** Chef d'oeuvre !!

**** Très bon, allez y vite !!

*** 1/2 * Entre le bon et très bon, quoi...

*** Un bon film

** Moyen, attendez la vidéo

* Comment ai-je pu aller voir ça ??

L'affiche du moment