Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 juin 2008 4 05 /06 /juin /2008 06:32
Je continue ma retrospective Spielberg. Retour en 2005 quand il s'attaquait à son 2e remake.

Le pitch : une invasion extraterrestre vue à travers les yeux d'un américain moyen et de sa famille.


Spielberg nous surprendra toujours. Après deux films portés sur la comédie et sur les personnages, il revient à la SF en adaptant ce classique , déjà porté à l'écran par Georges Pal dans les années 50. Surprise d'autant plus grande que le film a été écrit, filmé, monté et distribué en moins d'un an et qu'il ne figurait pas dans les projets immédiats du cinéaste. A l'arrivée, le résultat va au delà des espoirs suscités car on n'a pas là juste une adaptation mais une réflexion brutale sur le terrorisme moderne qui ne vire jamais à la démonstration pyrotechnique.

Spielberg depuis 1998 ne tourne plus qu'avec des stars. L'homme qui, autrefois, choisissait ses acteurs parmi les seconds couteaux , a décidé de mettre son talent au service de gens déjà confirmés. Il retrouve donc son partenaire de Minority Report mais en casse l'image. Ici, Tom Cruise, parfait, ne commet aucun acte héroïque, se conduit comme une personne normale, enclin à un certain égoïsme (la scène de la voiture), ne comprend pas ce qui se passe et subit les évènements. Un traitement gonflé de la part de l'acteur qui cannibalise généralement ses films. Ici, il est certes de toutes les scènes (ou presque) , est le moteur du film (sa fuite constitue le principal argument du scénario) mais à aucun moment il n'influe sur l'histoire. Tout juste se contente il d'indiquer aux soldats, vers la fin du film, que le bouclier de protection a disparu. Jamais il ne prend l'initiative, ne monte dans un avion ou dans un char pour abattre les martiens. Sa seule action "héroïque" consiste à lancer deux grenades dans le corps d'un tripode et , même à ce moment, il est aidé par le reste des captifs. Le regard halluciné et terrorisé, Cruise rumine ses échecs tout au long du film (la scène où il pleure après la perte de la voiture est symbolique de ce manque de confiance) et laisse à son fils le soin de jouer les héros. Et que dire de Dakota Fanning, absolument parfaite et d'un réalisme absolue : jamais ce petit bout d'actrice ne surjoue et ses réactions sont d'un naturel incroyable. Elle a peur et ne comprend pas non plus ce qui lui arrive. Et jusqu'au bout, c'est une protection qu'elle va chercher : chez son frère, chez sa mère pour accepter, au final, celle de son père.

Réalisme : cela peut sembler étonnant pour un film qui parle d'invasion extra-terrestre mais c'est pourtant le cas. Ici, Spielberg écarte tous les clichés du genre, magnifié par ID4. Pas de plan du bureau ovale, pas de président s'adressant à la nation, pas d'images télé en boucle, pas de militaires bombant le torse. Il reprend en cela la thématique de Signes où une famille désunie assistait elle aussi à la fin du monde. Mais là où Shyamalan basait tout son film sur le minimalisme, Spielberg mixe le spectaculaire avec l'intime. Ainsi, les scènes de destruction massive ne sont jamais gratuites mais sont surtout là pour inscrire les personnages dans la panique. Et le cinéaste en profite pour multiplier les symboles : ces hommes et femmes réduits en cendre renvoient à la pluie de cendre de La liste de Schindler mais aussi aux images du 11 septembre . Rappelez vous ces New Yorkais fuyant l'effondrement des deux tours et recouverts de poussières. Autres images chocs : ces vêtements pleuvant du ciel , prouvant que l'enlèvement des hommes par les tripodes n'a qu'une issue fatale. Là aussi, il faut remonter à Schindler. Quand les tripodes rasent les villes, les images évoquent à la fois le Blitz que subit Londres de 40 à 44 (et par un sinistre ricochet, les attentats de ces deux dernières semaines) mais aussi les attaques du 11 septembre. Le cinéaste ne cherche jamais à se justifier ni justifier les motivations de ses agresseurs. Comme le dit Tim Robbins " Ils ne sont pas venus faire la guerre mais nous exterminer". Tout comme les nazis qui ne faisaient pas la guerre aux Juifs, à l'armée rouge qui ne faisait pas la guerre aux paysans aisés  , que les Chinois ne font pas la guerre aux tibétains ou que les islamistes ne nous font la guerre. Ici, la logique est simple : nous ne sommes que des insectes et les martiens appliquent la loi du plus fort.

On peut critiquer ces images d'autoroutes s'écroulant, ces villes réduites en cendre, ces êtres humains vaporisés par le rayon ardent (qui rappelle Hiroshima) et le trouver "voyeuses". Mais, en sacrifiant au spectacle, Spielberg ne flatte pas nos instincts. Déjà les scènes sont courtes, intenses, filmés comme des actualités . Réalisme toujours. De plus, elles ne sont là que pour montrer la détermination des agresseurs. Enfin, elles apparaissent pour insuffler la peur et le sentiment d'inéductabilité dans l'esprit du spectateur. Et le miracle final , tout droit tiré du livre de Wells, n'en apparaît que plus grand. C'est d'ailleurs la fin qui peut constituer une déception. Non pas à cause de son côté non spectaculaire (après tout, on n'est pas là pour cela) mais parce que la production avait laissé entendre une fin inédite. Or, ceux qui ont lu le livre découvre un dénouement en tout point semblable à celui imaginé par Wells , et repris par Georges Pal. C'est la nature qui sauve l'homme. J'avoue que j'espérais autre chose mais là aussi Spielberg reste fidèle à son idée : comment imaginer que Tom Cruise, après avoir subi tout le film, puisse trouver une solution ? Réalisme toujours !!

Si le cinéaste choisit cette approche c'est sans nul doute pour nous interroger sur notre monde. Le cinéaste , désormais, veut filmer le plus possible mais entend inscrire ses films dans un monde réel. Après nous avoir parler du sacrifice, de l'amour maternel, de la justice toute puissante, de l'usurpation et l'Amérique dans ses derniers films, il se penche donc sur la peur et sur l'agression. Ici, Cruise a peur : peur de s'engager puis peur devant l'inconnu. Si son fils choisit la voie de la résistance, sans doute inutile mais qui lui permet de sauver sa dignité, le père ne cherche pas à surmonter sa peur, au contraire, il va l'utiliser pour se justifier. Et son seul acte réfléchi se fait derrière une porte quand il tue (?) Tim Robbins. Si on peut croire quelques instant à son héroïsme, on découvre vite un personnage qui justifie ses actes les plus vils (le vol de la voiture et son refus d'aider les autres) par une trouille réelle. Car , en montrant une personne moyenne, fuyant les armés d'extermination (une image qui rappelle l'exode des civils lors de l'attaque de la France en 1940), Spielberg ne fait que nous tendre un miroir. Nous aimons nous convaincre que nous, nous réagirions de manière héroïque devant une telle menace mais est-ce vrai ? En l'absence de réelle épreuve, il est facile de s'imaginer aux héros. Mais dans les faits , que se passerait-il ? Serions nous enclin à nous servir de nos familles pour ne rien faire (ils ont besoin de moi, je ne peux pas aller me faire tuer) ? Nous remettrions nous à des autorités en espérant qu'elles trouvent une solution ? Tous nos actes de résistance consistent le plus souvent à signer une pétition mais serions nous prêt à prendre une arme pour aller nous battre sur un théâtre lointain, sans garantie de survie ?

Toutes ces questions, Spielberg nous les posent et nous laissent avec nos réponses. En utilisant un Deux Ex Machina , ils évitent aux personnages l'extermination mais aussi les confortent dans l'idée qu'une puissance nous protège et que, au final, il suffit de survivre. Singulier pied de nez de la part d'un cinéaste qui s'était toujours attachés à dépeindre des personnages qui agissent.

La guerre des mondes est bel et bien le digne héritier du Soldat Ryan mais il pose les questions inverses en nous plaçant devant notre capacité à céder à la lâcheté. En revenant au de guerre, Spielberg signe là une de ses oeuvres les plus fortes mais, et c'est souvent ainsi, celle qui, pour le moment, l'une des plus sous-estimée en matière de contenu social. Une fois le choc digéré, il sera temps de chercher à comprendre l'oeuvre , de chercher ses réponses, même si ceux ci risquent d'être dérangeantes.
Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Salla Obscursium Invocat
  • : BO US, BO France, BO Mondial, chroniques ciné, Chroniques DVD..... Toujours sans concessions et politiquement incorrect !!
  • Contact

  • Dave
  • Enseignant, fan de cinéma et de métal, chanteur dans différents groupe de métal, collectionneur de tout ce qui touche à Star Wars... what else ?
  • Enseignant, fan de cinéma et de métal, chanteur dans différents groupe de métal, collectionneur de tout ce qui touche à Star Wars... what else ?

La côte

***** Chef d'oeuvre !!

**** Très bon, allez y vite !!

*** 1/2 * Entre le bon et très bon, quoi...

*** Un bon film

** Moyen, attendez la vidéo

* Comment ai-je pu aller voir ça ??

L'affiche du moment