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20 juin 2008 5 20 /06 /juin /2008 07:15
Le pitch : en 2054 , le crime n'existe plus à Washington. Une unité spéciale, la pre-crime , voit les crimes avant qu'ils ne se commettent et arrêtent les futurs assassins avant qu'ils ne commettent l'irréparable. La raison de ce miracle : 3 mutants, les pré-cogs, qui voient le futur. Utilisés comme de véritables objets et traités comme des animaux savants, les pré-cogs ne se trompent jamais. C'est du moins ce que croit John Anderton, patron de cette precrime, jusqu'au jour où les precogs révèlent que le prochain assassin , c'est lui !

Tiré d'une nouvelle éponyme du génial Philip Kindred Dick (auteur entre autres de Ubik, Le maître du haut château ou Les androides rêvent-ils de moutons électriques ?) , Minority Report est tout simplement une claque monumentale et la confirmation que les grands génies de la SF et du fantastique ont décidément fait de 2002 l'année de leur triomphale retour.

En 1992 , tout le monde enterrait Spielberg. Always avait été un échec et Hook n'était pas à la hauteur de son propos. Dépassé par Cameron dans la course à la technologie, ringardisé par Tim Burton quand il s'agissait de créer de nouveaux univers, la presse et une partie des spectateurs ne donnaient pas cher de l'avenir du golden boy. Les années 75-85 étaient loin. Et puis 93, premier coup de poing : Jurassic Park et sa révolution dans le monde des effets visuels. Carton mondial . Et surtout retour d'une mise en scène alerte et efficace. Quelques mois après Spielberg offrait au monde La liste de Schindler et devenait, enfin, aux yeux de l'établissement , un cinéaste majeur. Bien sur, les cyniques crachaient toujours sur lui mais qu'importe, de ces années de doute (en gros de 87 à 92) où seul Indiana Jones et la dernière croisade lui avait permis de retrouver le public (mais pas la presse) , Spielberg avait gardé une rage intérieure et inconsciente , celle d'abolir toutes les frontières du 7eme art. En 97, Le monde perdu fut son dernier film pensé pour le public, selon ses propres aveux. Reste que cette séquelle est largement supérieure à l'original, plus sombre, plus mouvementée. Puis vinrent Amistad et surtout Il faut sauver le soldat Ryan. Cette fois ci , plus de doute, Spielberg fait ce qu'il veut. Sa fresque sublime ne fait pas que contenir les images les plus efficaces sur la 2eme guerre mondiale, elle marque surtout sa volonté de s'affranchir des désirs du public. AI qui suivra 3 ans plus tard confirme cette tendance. En filmant ce conte inspiré par Kubrik, il ne fait pas que nous offrir le plus beau film de SF depuis Abyss . Il nous ouvre tout simplement son âme. Les cyniques se défouleront d'ailleurs sur ces films, certaines personnes osant même parler de gâtisme.

Pourquoi ce récapitulatif ? Parce qu'il faut comprendre que désormais Spielberg tourne pour lui les histoires qu'il voudrait voir. Il n'a plus rien à prouver. Sa richesse le met à l'abri pour plusieurs générations. Sa filmographie enterre celles de n'importe qui. Ses productions cartonnent et son studio Dreamworks offre régulièrement des films hors normes. Or, on sait que quelqun qui décide de s'affranchir des désirs du public mais surtout des studios est un homme dangereux, prêt à concrétiser tous ces fantasmes. Spielberg ne fait jamais de projections test . Son sens du montage l'empêche de sombrer dans les délires actuels. Mais surtout, son don - car s'en est un, à l'instar du don de Michael Ange pour la peinture - lui permet de transcender son sujet.

Le pitch de Minority Report , un efficace faiseur l'aurait transformé en un actionner burné. Un tâcheron en aurait fait un buddy movies stupide avec un pre-cogs rigolo . Spielberg lui traite la SF comme un film contemporain. On peut même dire qu'il s'agit de son premier film contemporain depuis ...Sugarland Express en 1974. La SF n'est ici qu'un accessoire au service de l'histoire. Les effets visuels sont grandioses mais jamais on ne se dit "woah" ! Les décors en imposent mais la caméra les effleure. La technologie de 2054 est traitée comme celle de 2002. Filme-t-on une cafetière de manière insistante dans un polar actuel ? Reste donc deux points d'accroche : l'histoire et les acteurs !!

Les acteurs, Tom Cruise en tête, font le film. Cruise, on le sait depuis Né un 4 juillet si on est honnête, est un grand. Qu'importe son physique de playboy ou son image idéale qu'il entretient avec un soin maniaque. Des films comme Rain Man, Entretien avec un Vampire, MI et MI:2 , Magnolia ou Eyes Wide Shut sont là pour le prouver. Ici, il habite son personnage, retrouvant d'une part les délices de l'action man des MI mais aussi la part d'ombre de Lestat. Dans Minority Report, Anderton est , sous les apparences, un homme brisé. Il a perdu son fils, sa femme l'a quitté, sa vie en dehors du travail est un champ de ruines, il se drogue (un thème cher à K Dick). Si on excepte la drogue, nul doute que la vie de Cruise est à l'image de Anderton : réussite professionnelle exceptionnelle mais vie privée tournant au désastre (son divorce humiliant d'avec Nicole Kidman, son ulcère, son rejet par l'établissement..). Cruise est donc en tout point exceptionnel. Et les seconds rôles ne le sont pas moins. Comme à l'habitude chez Spielberg , ce sont de solides acteurs qui tiennent le film , qui font avancer l'histoire. Pas de cabotinage, pas de clin d'oeil...

Et puis il y a l'histoire : vertigineuse, démente, délirante et pourtant d'une limpidité à toute épreuve. Ce qui disent ne pas avoir compris devraient se poser des questions. Tout le film tend vers la scène du meurtre qu'est censé commettre Anderton. Tout se définit par rapport à elle. Et pour se faire, Spielberg ose adopter une attitude anti-blockbusters. Après une scène d'ouverture à fond les manettes , le rythme va ralentir , excepté pour la tentative d'arrestation de Anderton (en gros, la course poursuite la plus fantastique de ces dernières années). Plus Anderton s'enfonce et va vers son destin, plus il se pose de questions et plus le film est lent. Formidable construction donc qui permet au spectateur de s'en poser des questions . Et sacrément inconfortables : doit on sacrifier notre vie privée sur l'autel de la sécurité ? est-il légitime d'utiliser des êtres humains comme des machines ? Faut-il enfermer des hommes qui n'ont encore rien fait ? Notre destin est-il tout tracé ? En multipliant les scènes d'anthologie et en privant son héros de la vue, Spielberg ne fait qu'accentuer le doute. En changeant ses yeux et en acceptant d'en perdre l'usage durant plusieurs heures, Anderton ne fait en fait que les ouvrir sur une autre réalité. De plus, le fait de se sentir coupable met à mal toutes ses idées arrêtées , voire son entêtement à défendre le système coûte que coûte. Car Anderton au début du film est un croyant, voire un fanatique. Mis dans la peau de l'accusé, il perd ses repères puis ses croyances , enfin il sera l'artisan de la perte du système qu'il a tant aimé. Tombant de Charybe en Scylla , le héros devient , par nécessaire , plus ouvert , plus tolérant. Il se fera même l'artisan de la liberté des précogs alors qu'il les considérait comme des objets au début du film. Implacablement , l'histoire avance.

Et ce jusqu'à la scène finale où un seul coup de feu sera nécessaire pour régler l'histoire . Pas d'explosion, pas de destructions massives, juste un effet !! Notons que certains detracteurs du film reprochent cette fin anti spectaculaire alors qu'ils sont les premiers à se plaindre de la pyrotechnie envahissante des blockbusters. Plus intéressant, certains spectateurs estiment même que la dernière partie du film est un rêve. Si certains éléments pourraient l'accréditer, notamment les paroles du geôlier, je pense personnellement que la fin se passe dans la réalité, restant en cela fidèle à la nouvelle. Mais chacun peut se faire sa propre opinion et sa propre fin.

Fidèle à son équipe, Spielberg a de nouveau fait appel à ses collaborateurs : Williams à la musique, Khan au montage au montage, Janusz Kaminski à la lumière (le chef op le suit depuis La liste de Schindler) et ILM pour une partie des majestueux effets visuels. De par cette cohérence , le film reste donc dans l'esprit des précédents du cinéaste mais le sujet entraîne également le film sur d'autres rives : les images sont sales, le cadre est parfois chaotique, certaines scènes sont crues... Il est clair qu'un nouveau Spielberg est en train de naître.

J'aimerais également revenir sur la scène du centre commercial. Anderton et Agatha sont traqués. Agatha se sert alors de ses dons pour aider le policier. Cette scène, magistralement mise en image, montre d'une part que la pré-cogs ne voit pas que les meurtres futurs mais tout le futur et que son don pourrait être employé de manière beaucoup plus humaine. Et surtout, Agatha , comme Anderton , ouvre les yeux sur le monde réel. C'est également Agatha qui offre à Anderton la possibilité de changer son propre futur donc de mettre en échec Precrime.

Minority Report est donc une oeuvre phare, un chef d'oeuvre de plus pour tonton Steven. Et même s'il ne fait pas autant d'entrées que Jurassic Park , les spectateurs présents auront eu l'impression de frôler la lumière à maintes reprises.
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commentaires

D
Bien sûr que d'un point de vue Scientologue, Cruise craint à mort !!<br /> <br /> Mais ici, comme je l'ai déjà dit, je juge les acteurs sur ce qu'ils font : la comédie.<br /> <br /> Fernand Raynaud était parait-il un con. C'était aussi un comique génial. <br /> <br /> Cruise torpille sa carrière avec sa "religion" (en fait, un fatras de conneries pseudo new age écrit un gars qui aurait mieux fait de s'en tenir à la SF), c'est son problème.<br /> <br /> Mais dire que je suis complaisant, non. Seulement, je ne tiens pas à faire de SOI une vitrine de lynchage pour acteur.<br /> <br /> Speed Racer . Sais pas si j'aurais le temps d'y aller. Par contre, et je trouve cela vraiment fou, on m'a proposé hier en Divx le dernier Indy !!<br /> <br /> Voir Indiana Jones 4 sur l'écran d'un PC, c'est du n'importe quoi.
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S
Je ne nie pas que c'est un grand acteur, mais c'est un type qui a pêté les plombs avec sa scientologie de m*****. Y'a qu'à voir comment il traîte sa femme.<br /> <br /> Autrement, vu "Speed Racer", grosse déception. Je sais pas si ça te plaira David, enfin peut être.
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C
Cruise s'est quand même fait virer de la Paramount avec qui il avait un contrat après officiellement l'échec de MI III, officieusement à cause de ses délires scientologues.<br /> <br /> Et comment expliquer qu'à part pour un second rôle dans Magnolia, il n'ait jamais eu d'Oscar ?
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Y
L'avis concernant Tom Cruise me paraît plutôt complaisant.<br /> Adepte de la scientologie, il est au contraire plutôt bien vue, en ce moment, me semble-t-il... En tous cas, le dire rejeté par l'establishment ne me paraît pas tout à fait juste.<br /> <br /> Merci pour le lien vers mon site, j'ai fait de même avec le tien.
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La côte

***** Chef d'oeuvre !!

**** Très bon, allez y vite !!

*** 1/2 * Entre le bon et très bon, quoi...

*** Un bon film

** Moyen, attendez la vidéo

* Comment ai-je pu aller voir ça ??

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