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18 juillet 2008 5 18 /07 /juillet /2008 09:37
Réédition de ma chronique d'Alexandre, parue en 2005. J'ai récemment revu le film sur deux soirs. Mon avis n'a pas changé : Alexandre reste un grand film sans atteindre le chef d'oeuvre qu'il aurait pu être.

Le pitch : vie et mort d'Alexandre, le plus grand conquérant du monde antique , qui étendit son empire de la Macédoine jusqu'à la rive de l'Indus.

C'est avec une certaine impatience que je suis allé voir Alexandre car, intrigué par son échec US mais fasciné par les images de tournage et sa bande-annonce, j'espérais que ce bide n'avait été dicté que par un manque d'intérêt du public Américain pour cette période (ce qui est à relativiser car Troie avait pourtant bien marché) et non pas par la nullité d'un film. Les critiques de la presse française n'étaient pas là pour me rassurer. Mais 2h30 plus tard, force est de reconnaître qu'Oliver Stone a réussi son pari et qu'Alexandre, sans être le chef d'oeuvre espéré (on est loin de l'émotion de Gladiator ou même de la maîtrise technique de Troie) est un excellent film et une superbe introduction à ce personnage mythique.

Oliver Stone n'est pas le réalisateur le plus "techniquement" doué au monde. Il est clair que, pour un tel sujet, il aurait fallu un Cameron ou un McTierman pour le mener à bien. Mais Stone est un réalisateur avec une vision. Et c'est cette vision qui fait d'Alexandre  une oeuvre passionnante et viscérale, habitée par un désir hallucinant mais hélas parfois plombée par des considérations politiques hors de propos.

La presse s'est déchaînée contre le film, estimant le casting raté et l'action trop pauvre. C'est faux. Angelina Jolie, Val Kilmer, Jared Leto et Colin Farrel sont absolument fabuleux, totalement possédés par des personnages hors du commun. Car on parle ici tout simplement des gens qui ont enfanté notre civilisation occidentale. C'est dans sa tentative d'unir l'Europe à l'Asie qu'Alexandre a jeté les bases de l'Empire de Rome. Et c'est de Rome que nous venons tous. Et avec un tel casting (les acteurs, je le répète, jouent à la perfection avec une mention pour Jolie, sublime dans son rôle de mère vénéneuse et manipulatrice) ,  nul doute dontAlexandre , au moins sur ce point, ne pouvait décevoir.

Les moyens sont là : décors colossaux (la reconstitution de Babylone, rêve de tout archéologue, malgré son exagération destinée à frapper le spectateur), figurants par centaines, costumes somptueux, batailles sanglantes... Doté de 150 millions de dollars, Stone n'hésite pas à assommer l'audience et fait revivre la Macédoine et la Perse de l'âge classique. Mais malgré cette débauche de moyen, Alexandre reste un film intimiste : trois grosses séquences se détachent d'un récit plus porté sur les personnages et leurs démons. Il est clair que ce refus de la surenchère est l'explication de l'échec du film. Le climax est la bataille contre Darius et elle intervient à la moitié du métrage. Les deux autres séquences (l'arrivée dans Babylone et la dernière bataille en Inde) ne peuvent pas supporter la comparaison et le film était donc condamné à rester sur une pente descendante. La dictature du toujours plus qui veut que plus un film avance, plus il doit être spectaculaire a eu raison du film. Stone aurait conclu son film avec la défaite de Darius , et il est clair que le succès aurait été au rendez-vous.
De plus, la structure en flash-back plombe également le récit. En faisant raconter son épopée par Ptolémée (fondateur de la dernière dynastie de Pharaon) ,  Stone veut se faire pédagogue, mais rapidement cela tourne à vide. Car les flash-backs interviennent un peu n'importe comment (la mort de Philippe est d'ailleurs évoquée puis montrer lorsqu'Alexandre tue Crateiros) et cassent le récit. De plus, Anthony Hopkins en Ptolémée n'est guère crédible et son personnage est mal introduit. Là ou Gladiator plongeait le spectateur au coeur de l'Empire Romain avec un petit carton d'introduction (et une mise en scène sublime de Scott), Alexandre ne parvient à entrer dans son sujet qu'avec le départ de Macédoine. Dommage .

Autre regret : Stone entend développer toute la vie d'Alexandre et s'attarde sur l'enfance (l'éducation d'Aristote, la rencontre avec Bucéphale, l'amour naissant pour Hephaistion, l'opposition avec Philippe, le triangle père-mère-fils) mais zappe toute une partie de sa vie, évoquée par quelques lignes du monologue de Ptolémée : ainsi on ne voit pas Alexandre se rendre au temple d'Amon où il se fera reconnaître comme Pharaon et comme Dieu sur terre et surtout cette séquence qui aurait plus être fabuleuse où le jeune conquérant coupe le noeud gordien, qui lui ouvre la porte de l'Asie. On sait qu'Alexandre brûla ses bateaux afin de pas être tenté de revenir en arrière. De ce fait, la formidable ambition du conquérant, persuadé d'être le fils de Zeus et de Râ, n'apparaît plus qu'en filigrane. La bataille de Gaugamèle en donne quelques idées, de même que ses discours sur les rives de l'Indus quand ses soldats menacent de rentrer. En refusant de montrer ouvertement cet aspect du personnage et en insistant trop sur sa bisexualité (trop lourd de symbolique, cet aspect plombe le récit, malgré un Jared Leto formidable d'ambiguïté), Stone se coupe à nouveau de ce qui fait le succès d'un film.

Cela dit, ce refus du spectaculaire hisse Alexandre à un autre niveau : celui d'un thriller politique contemporain. Car en montrant un homme ambitieux, désireux de modeler le monde à son image, ne reculant devant aucun obstacle et refusant d'admettre ses erreurs de peur de paraître faible ou indécis, Oliver Stone réactualise un propos vieux de 2300 ans. Alexandre fut obsédé non pas tant par la conquête mais par l'union de la pensée grecque et de la vitalité asiatique. En épousant Roxane , princesse de second rang, Alexandre n'obéit qu'à sa logique : montrer à l'empire conquis qu'il n'est pas là pour le détruire mais pour l'emmener dans une nouvelle ère. Alexandre n'accapare pas, n'impose pas, mais entend mêler sa pensée avec celle des Perses. Stone montre que ses généraux ne le comprennent pas, que pour eux, les Perses ne sont que des barbares. Et la phrase, presque finale, de Ptolémée (au diable les rêveurs et leurs chimères) prouve finalement l'embarras de Stone.

Alors oui, Alexandre est un film formidable, une réflexion fabuleuse sur notre monde et sur notre propension à nous contenter de peu. Et même si la vie de cet homme aurait nécessité un film deux fois plus long, on est très loin de l'échec. Échec public, peut être. Échec cinématographique, absolument pas !! Film somme d'une vie, porté par des acteurs magnifiques, Alexandre aurait mérité d'être vu par beaucoup beaucoup plus, histoire de voir que l'ambition et la vision messianique d'un monde meilleur ne date pas d'aujourd'hui.

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commentaires

D
Au contraire, j'attends avec impatience le film sur Bush car Stone a dit qu'il ne ferait pas un film à charge mais qu'il y donnerait son point de vue.<br /> <br /> Cela peut être vraiment interessant.
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S
J'aimerais bien que la director's cut sort un jour en France. Oliver Stone est un cinéaste auquel j'entretiens un rapport amour/Haine. Son dernier grand film reste "JFK", perso. "U-Turn", "Tueurs-Nés", "World Trade Center" sont nuls, "Alexandre" reste inégal, mais intéressant et surtout somptueux visuellement.<br /> <br /> J'attends cependant le pire pour sa bio sur George Bush "W", vu le désastre de "World Trade Center".
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  • Enseignant, fan de cinéma et de métal, chanteur dans différents groupe de métal, collectionneur de tout ce qui touche à Star Wars... what else ?
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La côte

***** Chef d'oeuvre !!

**** Très bon, allez y vite !!

*** 1/2 * Entre le bon et très bon, quoi...

*** Un bon film

** Moyen, attendez la vidéo

* Comment ai-je pu aller voir ça ??

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