Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 août 2008 4 21 /08 /août /2008 09:43
La récente sortie de Phénomènes (que je n'ai, hélas, pas eu le temps de voir au cinéma) me permet de remettre en ligne les autres chroniques de M.Night Shyamalan. On commence par Le Village, injustement dénigré à sa sortie.

Le pitch : Au XIXeme siècle , en Pennsylvannie, une communauté villageoise vit sous la terreur de mystérieuses créatures qui hantent les bois avoisinants. Alors qu'il est interdit aux gens du village de pénétrer dans les bois, un jeune  homme va braver le tabou ..

Depuis 1999 et le succès surprise de 6eme sens, M.Night Shyamalan nous a habitué à des films d'une intensité rare ,totalement maîtrisés et surtout dotés de scénarii diaboliques, visant avant tout à surprendre le spectateur , trop habitué à des formules convenues et à des déroulements linéaires prévisibles. Le village n'échappe pas à cette règle mais ce n'est pas son retournement final qui est l'aspect important du film (tout comme dans Signes) mais bel et bien le traitement qu'en apporte le cinéaste. Alors que Signes s'imposait comme un témoignage de terreur pure, Le village est une analyse de ce qu'engendre la peur et de ses moyens d'y parvenir. Le mot manipulation est en fait le sujet principal du film.

D'un point de vue cinématographique, le film est un pur régal. La mise en scène de Shyamalan , d'un classissisme absolu, est une fois de plus réglée au cordeau. La préparation intense et les storyboards montrent bien que rien n'est laissé au hasard. Chaque plan est composé de manière magistrale et le cinéaste ne cède jamais aux effets de mode, bien au  contraire. Ce qui n'est pas synonyme de lourdeur : les plans en contre plongée et les vues aériennes abondent. Ils ne sont pas là pour faire de l'esbrouffe mais pour faire avancer l'action et le propos. Ainsi la découverte du village ou de sa haie de torches bordant la forêt se fera à la manière d'un oiseau qui découvrirait l'endroit. La première apparition des créatures sera en hauteur car le personnage qui la voit est juché sur une plate-forme. Bref, une mise en scène en adéquation avec le sujet et qui montre que Shyamalan est réellement l'un des plus grands metteurs en scène actuels.

Mais cet rigueur ne serait rien sans les deux autres piliers du film : une interprétation sans faille et une histoire où chaque détail a été pensé, le scénario se permettant même deux retournements brutaux et un changement de héros en cours de film, chose relativement rare dans le cinéma actuel. Interprétation avec des acteurs en totale adéquation avec leur personnage et l'histoire. Certes, il est clair que des pointures comme Signourey Weaver , William Hurt ou Adrian Body ne peuvent pas décevoir mais en prenant des acteurs dits "sérieux" et en les projetant dans un univers fantastique, Shyamalan profite du meilleur des deux mondes. En ne misant pas sur des vedettes ultra renommées , il permet au suspens de s'installer et au spectateur une meilleur identification. Joaquim Phoenix y est également extraordinaire et la puissance de son jeu, qui passe quasiment par son seul regard emmène le film très loin. Mais c'est la jeune Bryce Dallas Howard (la fille de Ron Howard) qui s'impose dans un rôle d'une jeune aveugle . Non seulement , elle illumine le film de sa présence mais surtout elle habite totalement le sujet , permettant au Village de ne pas être un simple film de terreur.

Car ceux qui espéraient un nouveau Signes ne pourront qu'être déçus. Car loin de susciter la même angoisse , Le Village s'attache surtout à decrypter la manipulation engendrée par la peur. Mais comme Signes , ce nouvel opus s'axe sur la notion de foi.  Pas une foi religieuse mais une foi supersticieuse , une foi basée sur l'interdit, sur la peur, voire sur le rejet. Car les habitants vivent hors du monde, hors du temps presque et font parfois penser à ces communautés très croyantes de l'Utah . Difficile donc pour eux d'admettre qu'il existe autre chose que leur univers. Et la façon qu'ont les jeunes garçons de vouloir braver les interdits donne surtout la vision d'un monde replié sur lui même mais en même temps qui se suffit à lui même. Il est clair que le réalisateur éprouve une certaine nostalgie pour cette période où la vie semblait plus simple, les gens plus solidaires et où la communauté de base était la famille et le voisinage. L'héritage hindou est bel et bien là.

L'un des aspects du film est cette volonté de briser le carcan  qui entraînera les héros et les spectateurs dans une direction qu'ils n'ont pas prévu. Ceux qui ont vu le film savent de quoi il retourne mais l'important n'est pas cette succession de coups de théâtre mais bel et bien les paroles de William Hurt, le chef du Village. Car son soucis (que je ne peux dévoiler ici) rejoint finalement le soucis de beaucoup : vivre en sécurité mais en sacrifiant une partie de sa liberté . La communauté est libre mais soumise à des carcans qu'elle s'impose elle même. Or, ces carcans sont aussi le garant de sa sécurité. Sacré paradoxe qui doit ammener à réfléchir sur sa propre notion de la liberté.

M.Night Shyamalan ne fait pas que signer un très grand film fantastique, il signe surtout un conte philosophique dont la portée dépasse de très loin ceux que l'on peut attendre du cinéma. Or, la majorité de la critique (et peut être du public) n'a pas retenu cet aspect, cherchant en fait un simple rollercoaster de peur, un Signes 2. Par sa culture indienne et occidentale, Shyamalan est nettement bien placé pour nous lancer vers de nouvelles pistes de reflexions. Sa maîtrise technique et la justesse de sa vision ne devraient pas être  l'arbre qui cache la forêt de la profondeur de ses thèmes. Si 6eme sens parlait de notre mort , si Incassable parlait de notre vision de la justice, si Signes nous montrait que le hasard n'existe pas, Le Village nous dit simplement : et si nous n'étions libres que dans les règles ? Le village nous parle de notre société, de nos choix de vie, de notre aveuglement peut être. En aucun cas, il ne devrait laisser indifférent, en aucun cas il ne devrait être pris comme un simple "divertissement".

Dommage donc que les magazines soient quasiment tous passé à côté du film. Ceux qui reprochaient hier à Shyamalan de toujours faire la même chose (ce qui était faux !!) crient à la trahison. Mad Movies accuse même le réalisateur de cracher dans la soupe. Le village est sans doute trop sophistiqué pour des critiques habitués, quoiqu'ils en disent , à des formules toutes faites et à aucune remise en question de "leur" vision du cinéma.
Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Salla Obscursium Invocat
  • : BO US, BO France, BO Mondial, chroniques ciné, Chroniques DVD..... Toujours sans concessions et politiquement incorrect !!
  • Contact

  • Dave
  • Enseignant, fan de cinéma et de métal, chanteur dans différents groupe de métal, collectionneur de tout ce qui touche à Star Wars... what else ?
  • Enseignant, fan de cinéma et de métal, chanteur dans différents groupe de métal, collectionneur de tout ce qui touche à Star Wars... what else ?

La côte

***** Chef d'oeuvre !!

**** Très bon, allez y vite !!

*** 1/2 * Entre le bon et très bon, quoi...

*** Un bon film

** Moyen, attendez la vidéo

* Comment ai-je pu aller voir ça ??

L'affiche du moment