29 septembre 2008
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Le Parrain commence par le visage d’un homme qui raconte ses problèmes à un autre
personnage hors champ et se termine par le visage d’une femme sur laquelle on referme une porte. Elle a tout juste le temps de comprendre que son mari n’est pas forcément celui qu’elle
connaissait.
Entre ces deux scènes, 160 minutes d’un chef d’œuvre absolu, qui plaça Francis Ford Coppola au Panthéon des réalisateurs pour toute la durée des seventies.
Revoir Le Parrain en 2008, ce n’est pas seulement revoir Al Pacino tout jeunot, ou le très grand Marlon Brando, ou James Caan sans ride, ou Robert Duvall avec des cheveux, c’est surtout se replonger dans une saga quasi intemporelle (même si ancrée dans une époque) , une tragédie digne de l’Antiquité, où un homme qui règne de manière invisible va voir son monde changer, va voir un de ses fils mourir tandis que le cadet reprendra son flambeau mais de manière bien plus brutale.
Le Parrain, c’est bien plus qu’une histoire de Mafia, de gangster, c’est une vision d’une Amérique finalement peu connue, celle où l’on achète la paix sociale et où l’on règle ses comptes dans le sang. Vito Corléone règne sur les politiciens, sur les syndicats, le jeu, la prostitution. Mais il reste un sicilien attaché à Dieu et à la famille. Il dirige un monde entier derrière son bureau, où ne pénètre pas la lumière, il tisse une toile dans laquelle s’engluent amis et ennemis.
Mais Don Corléone n’a pas prévu que les choses changeraient, que la drogue apporterait la trahison et la violence. Il n’a pas prévu que son fils choisi pour lui succéder se ferait avoir par son impatience et que ce cadet, si aimé et élevé loin de tout ce « business » deviendrait finalement l’arme de sa rédemption.
Adaptant un roman quelque peu longuet de Mario Puzo (je le sais, je l’ai lu) , Coppola décline astucieusement son film en 3 parties.
La première, la plus courte, présente la famille Corléone, ses membres, ses méthodes d’intimidation (la scène de la tête coupée du cheval) et insiste sur la toute puissance du Parrain, un homme à qui personne ne résiste, à qui l’on ne dit pas « non ». Mélangeant les scènes de fêtes familiales avec celles où le Don reçoit ses obligés, le réalisateur montre la toute puissance d’un homme qui fait la pluie et le beau temps avec une apparente facilité. Par petite touche, le spectateur comprend quelles sont les méthodes de cet homme, découvre ses 3 fils, si différents, et sa fille. Le film ressemblerait presque à une biopic un peu particulière.
Puis arrive Solozo, un truand turc qui veut introduire la drogue à grande échelle. Le film bascule alors dans un thriller un peu plus classique avec ses trahisons, ses retournements de situations, ses coups de théâtre. Vito Corléone, gravement blessé, laisse la place à l’écran à ses deux fils. Sonny devient alors le centre du film mais petit à petit, c’est Michael (Al Pacino sans doute dans son plus grand rôle) qui va s’imposer. Cette partie s’achève avec le séjour de Michael en Sicile et le drame qui va s’y jouer, achevant de transformer le jeune soldat idéaliste en un truand impitoyable. Michael, que son père voulait préserver des affaires de la famille, en faire un politicien honnête mais au service des Corléone, va devenir le seul espoir de Vito. Le meurtre de Sonny, l’héritier promis, trahi par son beau-frère mais aussi par sa propre témérité, va mettre à bas ce que Vito avait prévu. Et c’est aussi la vision de son père agonisant qui va lancer Michael dans cette vendetta et qui va lui donner le respect nécessaire pour régner sur la famille. Cette partie s’achève avec le séjour de Michael en Sicile et le drame qui va s’y jouer, achevant de transformer le jeune soldat idéaliste en un truand impitoyable. Le meurtre de sa femme sicilienne va alors lui faire comprendre que l’on ne peut pas se cacher, que l’on ne peut pas faire marche arrière.
Commence alors la troisième partie de l’histoire où Vito Corléone s’efface complètement et où Michael prend alors totalement le contrôle de l’histoire, de la famille et du film. La mort de son père intervient après que ce dernier lui ait laissé les rênes , tout en le mettant en garde contre ses ennemis.
Ainsi, l’audacieux parallèle où, baptisant son neveu, il renonce à la violence tout en massacrant ses ennemis, permet de démontrer que le parrain est devenu une personne froide, qui ne règne plus pas l’échange de service, mais bel et bien par la violence.
Exemple rare d’une adaptation littéraire qui transcende son matériel d’origine, Le Parrain est plus l’histoire d’une ascension que celle d’une chute. Mais les germes de la désagrégation de l’Empire Corléone sont déjà en germe : là où le père s’attachait les hommes, le fils se fait redouter. Et l’on sait bien que la fidélité acquise par la peur n’est jamais la plus solide.
La mise en scène de Coppola annonce déjà la démesure d’Apocalypse Now : figurants par centaines, décors innombrables, violence baroque, montage percutant. Une certaine idée d’un cinéma adulte qui remporta alors un succès considérable en Amérique du Nord et sur toute la planète.
En réalisant Le Parrain, Coppola a certes inauguré l’une des saga les plus populaires du cinéma, mais surtout, il a donné au film dit de « maffia » ses lettres de noblesses. N’a-t-on pas parlé de American Gangster comme d’un « Parrain » black