15 juin 2009
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Le pitch : l'histoire
des 6 marines qui , plantant la bannière étoilée sur l'île de Iwo Jima, provoquèrent un regain de patriotisme dans tout le pays. Mais seul 3 survivants pourront "profiter" d'une gloire qu'ils
n'avaient pas vraiment recherchée.
2006 : l'année Warner ? Après le choc du chef d'oeuvre absolu de Bryan Singer , Superman Returns, la major (associée à Dreamworks)
nous offre le 2eme meilleur film de l'année, un métrage d'une puissance incroyable , véritable concentré de ce que le cinéma américain peut produire de mieux et sans doute le meilleur film de
guerre depuis Il faut sauver le soldat Ryan....
Certes la construction du film pourra déconcerter. Alternant scènes de la bataille et scènes de la vie en tournée des 3 soldats,
Eastwood parvient à créer un attachement aux personnages mais aussi à mieux faire comprendre leurs malaises. Car comment se sentir bien quand on est cocooné par l'armée tandis que les camarades
continuent à se faire massacrer dans le Pacifique (rappelons que cette bataille fut l'une des plus sanglantes de la guerre entre les USA et le Japon). Plutôt que d'opter pour une chronologie
simple (débarquement, bataille, drapeau, rappel aux USA, tournée, fin de la guerre), Eastwood se met d'emblée en danger en donnant immédiatement l'enjeu du film et du symbole de l'image : la
photo doit être un instrument qui permettra de gagner la guerre. Elle doit rappeler aux Américains que le conflit n'est pas fini, qu'il ne faut pas baisser les bras et que , malgré les
difficultés, il faut aller jusqu'au bout. Toute ressemblance avec une situation actuelle est bien entendue voulue par le grand Clint qui, du coup, n'a pas vraiment trouvé d'échos parmi les
critiques d'Hollywood , plus habituées à des films dénonçant la guerre.
Attention, Eastwood ne glorifie absolument pas le conflit. Il en montre les aspects les plus crus, les plus rudes mais il montre aussi
qu'elle est faite par des gamins de 20 ans, des jeunes prêt à mourir pour un bout d'île. L'héroïsme, le vrai, est ici. Pas dans le fait de planter un drapeau devant une caméra mais dans le fait
d'avancer coûte que coûte , alors qu'on est harcelé par un ennemi invisible. Les soldats japonais sont quasi absents du film et pour cause, le réalisateur leur a consacré un 2eme film , Lettres
d'Iwo Jima, qui racontera la bataille du point de vue japonais. Une attitude qui ne peut que l'honorer.
Réalisateur depuis bientôt 30 ans, et ayant touché à pas mal de genre (western, policier , drame, aventures et même SF avec Space
Cowboys), Eastwood a donc mis toute sa science et toute son expérience au service de ce film. Il est clair qu'il le porte dans son coeur et qu'il a voulu nous transmettre sa façon de voir la
guerre via cette histoire.
Jamais il ne se moque de ses personnages, jamais il ne fait dans le cynisme , jamais il ne respecte pas son histoire. En reconstituant
la bataille aux moyens des techniques les plus modernes, il ne cherche pas à faire de l'esbroufe mais à faire toucher du doigt l'ampleur du conflit. Le film est d'ailleurs étonnamment monochrome
sur Iwo Jima, les noirs et les marrons étant omniprésents. Une façons comme une autre de montrer l'atmosphère étouffante et dangereux d'une bataille où le danger venait de partout. On pourra
reprocher à Eastwood son absence d'enjeux tactiques (mais c'est un lot commun à pas mal de films de guerre où la stratégie est rarement expliquée) et une certaine confusion dans le déroulement de
la bataille (là aussi, la dé construction chronologique est de rigueur) mais qu'importe : le sentiment de danger est constant. Les scènes de nuits rendent totalement justice à une situation
ubuesque où la mort peut venir de partout, éclairée par des fusées d'alarmes qui, loin d'aider les soldats, les exposent aux tirs japonais.
Enfin , le réalisateur n'élude pas le caractère jusqu'au boutiste de l'armée impériale , notamment dans une scène où les Marines
parviennent à entrer dans un des bunkers et y découvrir le suicide des officiers.
La tournée des soldats peut paraître fade à côté de la bataille mais au contraire, elle enracine l'histoire dans un terreau
humain. En montrant l'absurdité de la situation (reconstituer un évènement guerrier pour récolter des fonds) mais en ne le dénonçant pas, Eastwood veut surtout montrer le rôle des médias dans une
guerre. Un des personnages devenus vieux dit "l'image de cet officier sud-vietnamien abatant à bout portant un Viet-Cong nous a fait perdre la guerre". Récemment, le conflit Israël-Hezbollah a
tourné en faveur de ses derniers, pourtant battus militairement mais sortant vainqueurs de la bataille des images.
L'enjeu autour de la photo et de son exploitation devient donc le thème central et justifie le titre US (les drapeaux de nos pères) du
film. Mais Eastwood n'hésite pas à montrer le destin de ces "héros" d'un jour , abandonnés aux lendemains du conflit après avoir goûté à la gloire, la destinée la plus tragique étant
incarnée dans les remords du soldat amérindien(Adam Beach), ainsi que son impossibilité à trouver sa place (rejeté par les siens, il est en butte à un certain racisme des WASP) . Cette dernière
partie triste et mélancolique achève de faire de Mémoires de nos pères , un très grand film.
A grand film, grands acteurs. Si Ryan Philippe , Jesse Bradford et Adam Beach sont excellents dans leur rôle torturé, les seconds
rôles ne sont pas en reste. Barry Pepper (déjà présent dans Il faut sauver le soldat Ryan) est fabuleux en meneur d'hommes et son visage taillé à la serpe en font le candidat idéal pour ce type
de rôle. Il évoque le Jack Pallance de la grande époque. Robert Patrick retrouve aussi un rôle à la mesure de son talent, en organisant cette tournée à laquelle il ne croit pas vraiment. En fait,
il sait qu'il y a une manipulation mais il entend la faire pour la bonne cause : trouver l'argent qui permettra de gagner la guerre.
Notons aussi David Patrick Kelly dans le rôle du président Truman. Comme le fait remarquer Mojo (un intervenant de l'excellent
forum Dvdvision.Café), Kelly qui joua autrefois l'un des voyous du film de Walter Hill, Les guerriers de la nuit, se voit ainsi spectaculairement réhabilité socialement !!
Mémoires de nos pères et donc le choc de cette fin d'année. Un film extraordinaire doublée d'une mise en scène d'une grande rigueur.
Et qu'importe si le succès n'est pas au rendez vous, le cinéma est empli de films qui ne furent pas compris à leur sortie.