Pour ce retour dans le passé, honorons le grand McTierman qui vient hélas de commencer son année de prison en remettant en ligne la chronique de son dernier film en date , Basic. Un superbe thriller militaire dont les multiples conclusions sont une succession de chocs narratifs et visuels !!
Revenons en 1993. McT vient de tourner l'un des meilleurs films d'action de tous les temps mais personne ne le sait. Personne ? Sauf la poignée de fanatiques du maître qui n'ont pas oublié que c'est le grand John qui a sorti le genre de l'ornière avec Die Hard . McT c'est l'homme qui peut donner une carrure divine à Schwarzie (seul Cameron y parviendra), l'homme qui parvient à tromper Joël Silver sur son terrain, l'homme qui insuffle le suspens dans un livre de Tom Clancy. En 93 , McT c'est tout cela : le directeur , le visionnaire, le génie de l'image, le cadreur. Mais c'est aussi, hélas, le pire politique qui soit : celui qui ne sait pas se vendre. Au moment où son ami Cameron (ils sont concurrents mais , comme tous les grands, ils s'estiment) sait dire "Fuck You" aux suits et autre parasites de studio, McT ne parvient plus à imposer ses idées géniales. Last Action Hero restera comme un échec (alors qu'il rembourse son budget de 80 millions de dollars) et sonne comme une victoire des studios sur les artistes. Deux ans plus tard, Disney oblige le cinéaste à changer la fin de Die Hard III. Encore 4 ans et Michael Crichton massacre Le treizième guerrier. Quelques semaines plus tard, la critique accueille avec politesse Thomas Crown, pourtant 1000 fois supérieur à l'original . Et cette année, c'est Ocean's Eleven qui raflera la mise en mélangeant le cool et le groove. Mais bon, Clooney a moins de classe que Brosnan, non ? Et le pire arrive en 2002 : Rollerball est un échec noir, malgré des qualités impressionnantes, celui qui peut plomber la vie d'un cinéaste pour des années, La porte du paradis de McT. Que le film soit sans doute le plus accompli de sa filmo ne change rien à l'affaire. Ce n'est pas nous qui décidons. McT est à terre, sa réputation est en ruine, ses fans mêmes se divisent , voire l'insultent. La fin est proche.
Et voilà qu'arrive Basic : un putain de bon film, avec des acteurs aux postures toutes mactiermaniennes. Voir Travolta, les muscles huileux et le cigare vissé dans la bouche redonne toute crédibilité à la Fièvre du samedi soir. Idem pour Samuel Jackson. Mac Tierman iconise instantanément ses acteurs, les propulse vers un ailleurs . Il l'a fait pour Schwarzie et Willis. Il l'a fait pour Banderas et Brosnan. Il l'a fait pour Connery et Russo. Il l'aurait même pu le faire pour Baldwin si ce dernier avait fait un effort. Mc T aime les acteurs, sait les filmer. Sait les cadrer. Sait les monter. Sa monstrueuse technique est intacte et ça c'est une bonne nouvelle, pals !!
Mais Basic , c'est aussi une histoire pleine de rebondissements et de redites effectuées sous un autre angle. Trop, sans doute. Le film s'épuise à nous égarer alors que nous ne désirions que voir un truc de ouf, peut être plus linéaire, mais où la maestria ne serait que là pour enfiler les scènes démentielles. Ici, bien sûr il y a ces interrogatoires menés comme des corridas, à la fois fins et bourrins mais on sent que John s'est bridé, qu'il est conscient de devoir remonter l'échelle, de refaire ses preuves. Par la faute d'incultes et d'incapables, il doit tout recommencer. Imaginez De Vinci devoir ré-apprendre à mélanger des couleurs , où plutôt à faire croire qu'il ré-apprend. Quelle ironie de voir nos derniers génies traînés dans la boue par une masse de tâcherons, public compris !!
Alors, oui , Basic est un film de convalescent. Un film de mercenaire, peut être. MAIS c'est un film de Mac Tierman, un film de CINÉMA projeté en CINÉMASCOPE. Du solide, du grand, du beau cinéma. Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Car un "petit" Bordeaux sera toujours meilleur qu'un pinard vendu en supermarché. Un "petit" McT sera toujours le haut du panier. Tant pis pour le public, tant pis pour les critiques, tant pis pour ceux qui ne voient dans le cinéma qu'un défilé de modes passagères (la tendance est aux super héros cette saison). Laissons les à leur réalité et honorons nos directors comme ils le doivent : en allant voir leurs films.