Le pitch : la
vie de la dernière grande souveraine d’Egypte, successivement maîtresse de Jules César et Marc Antoine, et qui préféra mourir plutôt que de soumettre à la loi d’Octave Auguste.
C’est la sortie en Blu-Ray du chef d’œuvre de Joseph L.Mankiewicz qui motive évidemment cette chronique. Car depuis des années, il fallait nous contenter de rediffusions télés souvent tronquées et la seule édition vraiment valable était un coffret Laserdisc NTSC. Certes le film était disponible dans sa version intégrale en DVD, mais sans les nombreux bonus de cette édition. Et puis, l’image n’était pas vraiment à la hauteur.
Avec cette nouvelle édition (sortie au début de cette année), Cléopâtre s’offre enfin un écrin digne de sa magnificence. Réparti sur deux disques, incluant l’ouverture, l’intermède et le final musical, le film est disponible dans une copie lumineuse et exceptionnelle, y compris dans les nombreuses scènes nocturnes. Quant au son, il est évident qu’il faut préférer une VO bien moins théâtrale que la VF.
Revoir Cléopâtre presque 50 ans après sa sortie calamiteuse (le film faillit couler la Fox) montre que le cinéma, à un moment de son histoire, n’avait pas besoin d’images de synthèse pour représenter des foules immenses ou des décors grandioses. Ici, tout fut fait pour impressionner le spectateur, de la bataille navale d’Actium à l’entrée de la reine dans Rome. Et entre ces moments de bravoure, les dialogues intimistes tracent en creux le portrait d’une femme à la poigne de fer qui tint, un moment, Rome dans sa main en en séduisant les plus puissants personnages.
L’amateur d’histoire est bien entendu passionné par cette biographie sur grand écran, retrouvant les moments les plus attendus de la vie de la Reine telle que nous la racontèrent les anciens, moments tellement connus qu’ils en deviendraient presque des clichés comme l’anecdote du tapis, qui permit à Cléopâtre de connaître Jules César. Et même si quelques ellipses laissent à penser que les 44 millions de dollars de l’époque (en gros, plus cher que Titanic !!) ne furent pas suffisants, les presque 20 ans que parcourent le film sont retranscrits avec un luxe de détail impressionnant !!
Alors on pourra bien sûr reprocher une mise en scène parfois statique ou des dialogues quelque peu pompeux, mais c’est oublier que l’essence du péplum est bien dans ces « défauts ». Et de toutes façons, une grande partie du film passe par les regards. Ainsi, César n’a pas besoin de dire « Tu Quoque Filli » quand il voit Brutus se diriger vers lui l’arme à la main : ses yeux en disent bien bien plus !
On a écrit des milliers de pages sur la passion entre Elisabeth Taylor (lumineuse) et Richard Burton, mais cette passion se voit à l’écran ! Elle est l’essence de la deuxième partie du film, sa lumière et son énergie ! Leur jeu d’acteur se voit totalement investi par cette passion et il est clair que l’aura du film lui doit beaucoup, voire tout. Cela a même tendance à dévaluer le travail de Rex Harrison, pourtant génial en César, l’homme qui fonda l’Empire et qui mourut d’en avoir voulu changer la structure légale.
Pour le reste, le film est largement à la hauteur de sa réputation : grandiose, magnifique visuellement, traversé de fulgurance et d’émotion pure et de scènes comme on n’oserait plus en faire. Pour ma part, je reste toujours bluffé quand César traverse le marché d’Alexandrie au début du film, puis quand il s’effondre presque quand on lui apporte la tête de Pompée. Ce premier choc en appelle tant d’autres et le cinéphile ravi ne peut que se réjouir de pouvoir les revoir à volonté.
S’il n’est pas habité par la passion religieuse des 10 commandements ou de Ben Hur, l’âme de Cléopâtre réside ailleurs : dans le destin d’une femme qui, par amour pour son pays et persuadée de sa propre grandeur, sacrifia tout !
Mille mercis donc à la Fox d’avoir enfin offert ce film maudit aux admirateurs d’un cinéma désormais disparu dans une copie sans défaut ! Cléopâtre est un film exigeant, mais la récompense est tellement grande pour celui qui ose s’y frotter !!