2 novembre 2009
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Le pitch : un chauffeur de taxi
rencontre un tueur à gages impitoyable qui va l'obliger à l'assister dans 5 de ses meurtres durant une longue nuit d'enfer à LA.
Colossal !! Le terme ne peut que s'appliquer à Collateral qui prouve , avec brio, que Michael Mann est tout simplement l'un des
meilleurs metteurs en scènes actuels, et que , transcendant un sujet somme toute banal , il peut appliquer un traitement de choc afin d'extirper le meilleur film qui soit.
Collateral commence par une succession de rencontres, toutes vues du point de vue du chauffeur. La nuit est son royaume et la
découverte des activités de son passager constitue à la fois un choc pour lui mais aussi pour le spectateur. Car , on a beau savoir que Cruise est un salaud (dans le film), la façon dont est
amené cet aspect de son personnage est à l'image du film : un corps s'écrase sur le toit du taxi . Brutal, sans fioriture, sans avertissement. En quelques secondes, Collateral bascule du
film intimiste à une oeuvre cruelle où le hasard n'a plus sa place. Et où personne ne sortira indemne.
Utilisant les rebondissements de son scénario pour mieux relancer un pitch somme toute limité, Mann se sert surtout de Los Angeles
comme d'un personnage principal. La ville, tentaculaire, etouffante, immense et inhumaine, déjà dépeinte dans Heat , devient ici une sorte de complice à Cruise, un élément qui englobe le taxi
lors de majesteux plans aériens et qui s'opacifie au fur et à mesure de l'avancée. Tourné en numérique par un virtuose soucieux de pousser son propos le plus loin possible, les images en
deviennent blafardes et totalement soumis à la dictature de l'image artificielle. Les ombres sont dures, les couleurs inexistantes et les actions se fondent dans la nuit. Jamais on n'avait montré
la nuit de cette manière et il est clair que c'est cet aspect qui a poussé Mann vers le scénario.
Car, à l'instar de Cameron ou de Mc Tierman, Mann est un homme de défi qui ne peut se contenter de simplement faire un film. Il doit
se l'approprier, en faire sa chose et surtout le transformer en immense terrain d'expérience. Usage du numérique mais aussi utilisation de faux semblants . La scène où le pauvre Taxi doit se
faire passer pour Vincent , le tueur, afin d'obtenir la suite des victimes est tout simplement hallucinante et constitue le tournant du film : celle où , de la victime collaterale va émerger le
personnage implacable de la 2eme partie. L'univers bascule, le héros devient comparse et celui qui subit va désormais diriger l'action.
Mann est coutumier de ce fait et avait déjà utilisé le procédé dans Revelations et dans Heat (quoique de manière moins claire dans ce
dernier). Renverser la situation, inverser le propos, relancer l'histoire. D'un récit linéaire mais riche en rebondissement brutal, le film devient une sorte de jeu de dupes d'où personne n'est
assuré de survivre. En éliminant brutalement et sans gloire , des protagonistes pourtant finement dépeints, Mann veut montrer que son film s'ancre dans la vraie vie, pas la fiction.
Comme à l'accoutumée, son casting est phénoménal. Peu de choses à dire sur Tom Cruise, époustouflant dans le rôle d'un Vincent
sacarstique et cinyque à souhait qui deviendra, peut être à son corps dépendant la matrice de Jaimie Foxx, parfait dans le rôle du candide qui brutalement va être forcé à réagir. Le reste du
casting est à l'image du film : béton, pro et logiquement huilé. Aucune erreur, aucune fissure. Un sentiment de perfection qui pourrait même irriter s'il n'en n'était pas humble.
Car , Collateral reste un film humble : une histoire simple et directe, une trajectoire logique, des méthodes de série B. Mais un
traitement haut de gamme qui fait réussir Mann là où Finsher échoua avec Panic Room. Sa volonté d'expérimenter , de se dépasser tire tellement le film vers le haut que la médiocrité de pas mal de
films ou séries télé n'en devient que plus éclatante.
En réussisant un polar urbain parfait, Mann nous offre le meilleur de deux mondes : le cinéma sec des 70's et la sophistication des
années 2000. Définitivement l'un des meilleurs films de l'année 2004 (le meilleur ??).