Le pitch : Un cowboy se réveille amnésique, au milieu de nulle part. Il porte un étrange bracelet à son poignet. Alors qu'il cherche à découvrir qui il est dans une ville dirigée d'une poigne de fer par un riche fermier, il va se trouver confronter à l'inimaginable !!
Décidement, cet été 2011 est devrait rester dans les annales ! Outre la fabuleuse fin de la série Harry Potter et l'orgie de destruction massive que fut Transformers 3, nous avons eu droit à une extraordinaire préquelle à la planète des singes, une confirmation que Marvel Studios avait la pêche grâce à un excellent Captain América et pour finir en beauté, ce très bon Cowboys vs Envahisseurs !!
Pourtant si projet casse-gueule il y avait, c'était bien celui-là. Mettre un environnement SF dans un monde western, Barry Sonnerfeld avait déjà tenté le coup il y a 12 ans avec Wild Wild West, enrôlant Will Smith dans l'aventure. Mais le public n'avait pas vraiment suivi (même si 222 millions de dollars de recettes, ce n'est quand même pas si mal) et la critique était assassine. WWW avait pourtant la caractéristique d'être une adaptation d'une série très populaire.
Cowboys Vs Envahisseurs est adapté d'un Comics quelque peu confidentiel (il vient d'être réédité en France avec une nouvelle couverture) mais ayant une excellente réputation. Cela faisait des années que le projet était en développement, mais toutes les tentatives d'adaptation échouaient. Il est vrai que mixer l'ouest sauvage et la technologie extra-terrestre est sans aucun doute un cauchemar de scénariste. Ce qui passe dans une BD, où l'élipse permet beaucoup plus qu'au cinéma, devient bien plus compliqué quand il s'agit de le mettre en image, qui plus est en live !!
Jon Favreau a donc relevé le défi, aidé en cela par 5 scénaristes et d'une armée de producteurs (dont Spielberg et Howard). On pouvait donc craindre que ce projet en développement depuis des années et sur lequel tout Hollywood semble avoir travaillé soit au final un patchwork d'influences voire un aglomérat mal dégrossi d'idées et de séquences partant dans tous les sens.
Et voilà donc la vraie surprise : au delà de son pitch casse gueule, Cowboys Vs Envahisseurs est un vrai film, doté d'une histoire suffisamment intrigante et remplie de surprise pour allécher le spectateurs et dont l'uniité n'est pas prise en défaut. Mieux encore, le mélange western et SF prend à plein car aucun des deux aspects ne tente de phagocyter l'autre ! Les magnifiques scènes d'ouverture renvoient directement aux chefs d'oeuvre de John Ford et le film utilise de manière intelligente et sans jamais les parodier les "clichés" des films consacrés à la conquête de l'Ouest : la ville tenue par un homme cynique, l'hors-la-loi habile au flingue, les immenses décors naturels, les saloons et les indiens. On reste donc en terrain connus et la seule anomalie est le bracelet que porte le héros !
Et quand le film bascule dans la SF, cela ce fait naturellement tout d'abord par une scène d'agression où tout est suggéré et qui entretient donc le mystère, puis dans une attaque brutale se déroulant la nuit et cachant encore pour quelque temps la nature réelle du mal et enfin une mise au point au grand jour de la menace !! Inutile de dire qu'avec 160 millions de budget, les génies d'ILM (entre autres sociétés d'effets visuels) s'en sont donnés à coeur joie :le design des Aliens est odieux à souhait et leur technologie totalement inédite !! Quand à leur vaisseau, là aussi, il est totalement intégré à l'esprit du film. Une réussite totale donc d'un point de vue visuel : on en prend plein la vue et on reste pantois devant ce que l'on peut faire de nos jours au cinéma.
Mais Jon Favreau est l'homme qui a réussi à rendre sympathique à toute la planète un milliardaire cynique en armure. C'est dire qu'il porte une attention toute particulière à son casting. Et là, il tire la quintessence d'acteurs particulièrement doués et dont l'opposition entre le fougueux Daniel Craig et le cynique Harrisson Ford (qui interprète un personnage bien moins lisse que ce qu'il a l'habitude de nous montrer) est le point d'orgue. On pourra arguer que le personnage féminin interprété par Olivia Wilde tranche un peu (il est vrai que, excepté le génial Johnny Guitar, les westerns classiques ne faisaient pas la part belle au "sexe faible") et qu'il s'inscrit de manière un peu artificielle dans le film (mais collant à contrario à l'évolution de notre société actuelle). Cependant, c'est bel et bien l'élément humain qui est le moteur du film : en rendant le héros amnésique, Favreau le met au même niveau que les spectateurs et peut jouer sur la menace invisible.
La mise en scène participe de la réussite du film. En choisissant de ne pas surdécouper son film (une erreur qui plombait un peu Iron Man 2), Favreau rend les batailles entre humains et aliens particulièrement lisibles et la succession de révélations, de décors baroques et d'invention technologiques délirantes est particulièrement bien rendue ! Il est clair que le réalisateur a pris grand plaisir à faire ce film et que les pressions qu'il avait subies sur Iron Man 2 (un comble quand on sait que sans Favreau, le vengeur doré n'aurait pas fait cette carrière) sont désormais loin derrière. Certes, le budget est à nouveau énorme mais l'argent est à l'écran ! De plus, certaines scènes ne font pas dans la dentelle et lorgne même vers l'horreur pure et dure ! C'est peut-être cet aspect des choses qui en a rebuté quelques uns.
Au delà de la reussite du mixage western et SF (je le répète, le film gagne sur les deux tableaux), c'est surtout le fait de voir deux monstres du cinéma s'affronter puis s'associer dans la plus grande tradition des buddy movies. Le film ressemble furieusement à un passage de témoin, Daniel Craig , déjà associé à James Bond, pourrait bien devenir la star de l'action que fut Ford durant les années 80 et 90 ! Harrison Ford qui n'a que rarement été "fragile" au cinéma (à part peut être Mosquito Coast) révèle ici une série de félures et ose afficher son âge. Emouvant et haïssable à la fois, Ford ne pouvait rêver mieux pour clôre un chapitre de sa vie cinématographique.
On peut évidemment regretter que le succès public ne soit pas au rendez vous (début septembre, le film n'avait engrangé que 150 millions de dollars sur toute la planète), mais on le sait, qualité et succès ne sont pas toujours synonymes.
Reste donc un spectacle à la fois divertissant, intelligent, parfois violent, jamais ennuyeux et réalisé de main de maître par un homme qui a mis tout son coeur dans ce film. C'est déjà énorme et c'est ce que l'on demande au cinéma : émouvoir, effrayer, divertir.