Le pitch : dans un futur indéterminé, l'Amérique est soumise à la dictature du Capitole qui a divisé les survivants d'une guerre en 12 districts. Tous les ans, chaque district doit fournir deux jeunes gens qui vont devoir s'affronter dans un combat à mort appelé Hunger Games. Ces jeux servent à la fois de cohésion sociale et d'outil d'oppression. Mais pour ces 74e jeux, rien ne va se passer comme prévu.
L'annonce de l'adaptation du roman de Suzanne Collins avait fait grand bruit. Comment rendre la brutalité rampante d'un livre où des jeunes gens se battaient à mort sous les yeux de caméras voyeuristes dans un univers fort différents du nôtre sans tomber dans le cynisme, la violence gratuite ou tout simplement le ridicule.
Disons le tout de suite, Gary Ross (Pleasantville, Big, Pur Sang) évite tous ces écueils, même si son film met sacrément mal à l'aise. Car en faisant le pari d'une adaptation sans filtre déformant, en jouant sur la fidélité au récit et en enlevant l'aide de la voix off (les romans sont racontés à la 1er personne par Katniss, l'héroïne), le réalisateur se tire plusieurs balles dans le pied et prenait l'énorme risque de traumatiser son public ou de sombrer dans l'horreur.
Le roman est d'ailleurs une sorte de petit miracle car il permet de voir à travers les yeux de son personnage principal comment une dictature impose sa loi via la télévision et comment la volonté d'une jeune femme va la faire vaciller. Le premier roman met en place cet univers atemporel, ses codes, ses lois, ses injustices. Les deux autres empruntent une direction plus révolutionnaire et le 3e est carrément un retournement de situation assez incroyable. La trilogie Hunger Games n'a rien à voir avec les nombreux romans pour ados post Harry Potter ou Twilight qui ont envahi les librairies ces derniers temps. C'est bien plus profond, plus dérangeant, plus réfléchi et même si la romance n'y est pas absence, y compris le triangle amoureux classique, c'est bien la violence et un sentiment d'injustice et de colère qui domine.
Gary Ross a donc filmé au premier degré. A une première partie assez classique qui décrit l'arrivée de Katniss au capitole succède une deuxième partie brut de décoffrage décrivant les jeux. Pas de violence asseptisée ou de glorification hollywoodienne. Ici, la mort fait mal, les personnages tombent à terre sans avoir même pas eu le droit de se défendre (la scène du début des jeux est un modèle du genre) et la brutalité affichée de certains participants n'est pas voilée. Et si un tâcheron aurait édulcoré les actions de Katniss, Gary Ross montre bien comment elle va, elle aussi, devenir une meurtrière, même si son humanité l'empêchera de sombrer dans la violence aveugle.
Il y a bien entendu quelques différences avec le roman. La vie de Katniss dans le discrict 12 est à peine esquissée, ainsi que ses rapports avec Gale, ce personnage masculin étant bien présent dans le livre. A l'inverse, la salle de contrôle des jeux, absente du roman, est ici montrée avec un luxe de détail et le Capitole bénificie d'un univers très riche visuellement, même si pas mal de détails le définissent dans le livre.
Mais c'est surtout sur son casting que se base la réussite du film. Jennifer Lawrence (la Mystique de X-Men au commencement) est absolument fabuleuse ! Elle incarne à merveille toute l'innocence massacrée du roman, sa lente progression vers un réalisme froid et sa détermination à sauver, coûte que coûte, sa soeur ! A côté d'elle, Josh Hutcherson fait un peu pâle figure, mais tout comme dans le roman. Son rôle n'est pas encore assez important (il le deviendra par la suite) et, à la différence de Twilight, ne vous attendez pas à un chassé-croisé amoureux, les romans de Suzanne Collins sont bien différents. Enfin, à côté de ces deux rôles, Gary Ross a choisi des gens solides comme Woody Harrelson, Donald Sutherland ou Lenny Kravitz (aussi bon acteur que musicien, mais se montrant très humble dans ce nouveau "travail").
Nanti d'un budget de 78 millions (mais le film parait en avoir coûté le double), Gary Ross a donc largement réussi cette première étape dans les jeux sanglants de Panem. Et même si on pourra toujours se poser la question sur l'intérêt de représenter la violence au cinéma, Hunger Games n'est en aucun cas un spectacle confortable. Il dérange autant que le livre pouvait déranger le lecteur, mais ne sombre jamais dans l'apologie de la violence. Au contraire, il interroge le spectateur sur ce les jeux modernes que nous subissons à la télévision, là où la violence n'est (encore) que psychologique. Mais demain, en sera-t-il encore ainsi ?
Le succès du film est à la hauteur du succès des romans. Mais c'est bel et bien ce questionnement sur nos sociétés voyeuses qui a permis un tel triomphe ! Gary Ross a parfaitement compris la mécanique des livres et l'a transposé au cinéma en gommant les défauts inhérents à un récit fait à la première personne. La réussite du film était à ce prix. Espérons que les deux autres romans, bien plus subversifs, seront aussi bien traités. Ils le méritent amplement.