(Sorti en 2003, Les Associés est considéré comme un film mineur de Ridley Scott. Mais à sa sortie, je n'étais pas d'accord. 10 ans après je ne suis toujours pas d'accord.)
Le pitch : Roy est un arnaqueur professionnel qui a sombré dans la névrose depuis que sa femme l'a quitté. Seul son associé, Franck, le rattache de justesse à un monde normal. Mais un jour , sa fille de 14 ans va débarquer dans sa vie, ravie d'avoir un papa hors norme. Rapidement, elle va lui demander de lui apprendre les ficelles de l'arnaque. Mais l'élève va se montrer plus douée que prévu.
Rendons à César ce qui appartient à César. Durant des années, Ridley Scott a alterné les genres (SF, historique, thriller, guerre) sans jamais aller vraiment vers la comédie. Le prodige anglais de la pub , qui a lancé toute une industrie vers la recherche de la belle image a bâti sur sa carrière sur une filmographie où l'on rigole rarement, où l'on meurt dans la souffrance, voire dans l'horreur. Le pessimisme intrasèque de ses films n'avait d'égal que la brutalité de son discours. Rare sont les films de Scott se terminant vraiment bien !! Scott s'attaque donc à la comédie et rendons lui ce qui lui est dû, laisse enfin éclater ce que l'on soupçonnait depuis longtemps : sa direction d'acteur est sans pareil !!
Cela peut paraître étonnant quand on sait que pas mal d'acteurs , comme Harrison Ford , disent de Scott qu'il passe plus de temps à régler son image plutôt qu'à discuter avec ses acteurs mais il est clair que depuis quelques temps, son approche a évolué. Avec Les Associés , débarassé des artifices et de la pression de générer un succès au Box Office, Scott peut enfin se laisser aller à jouer avec ses acteurs , à les diriger. Le résultat en est prodigieux.
Alors que les films de cet été se sont surtout basés sur des formules , parfois sans risques, Les Associés ne fonctionne pas sur un schéma connu. Alors que l'on aurait pu croire que le duo normalité/exentricité pouvait emmener le film vers un Rainman bis, alors qu'il aurait été si facile de tomber dans la vulgarité et la facilité, Ridley Scott, par la force du scénario, évite tous les obstacles et offre non pas une comédie mais bel et bien un drame avec des éléments de comédie. Nuance . En confiant le rôle titre à un Nicolas Cage au sommet de son art, il ne fait que répéter le miracle des ses trois derniers films : prendre des comédiens parfois sous employés mais expérimentés et les mettre dans la lumière, leur offrir un vrai rôle digne de leur talent. Si Cage n'a pas démérité ces dernières années, loin de là (revoyez A tombeau ouvert ou La cité des Anges), force est de reconnaître que l'on attendait un personnage dans la lignée de Castor Troy, un personnage où la folie de l'acteur serait partie intégrante du personnage. Car Cage est le film. Quasiment pas un plan sans lui. Mais quasiment pas de cabotinage non plus là où un tâcheron se la serait joué "actor's studio". Impressionnant, l'acteur tient le film sur ses épaules.
Bien évidement , le reste du casting est à l'avenant et sert merveilleusement son rôle de faire valoir, cela étant dit sans aucun mépris. Car Les Associés n'est pas tant un film d'arnaque mais bel et bien un film de rédemption, qui passera par la plus dure épreuve d'un père : la perte de l'enfant . Le Roy du début du film n'a rien à voir avec celui de la fin. Sam Rockwell est admirable, Alison Lohman, adorable mais jamais ce duo d'acteurs ne parvient à voler la vedette à Cage . Le but n'est pas là, de toutes façons.
Paradoxalement, on est loin du concept hollywoodien du film pour star. Alors que Scott, après ces 3 derniers cartons (pas loin du milliard de dollars au bo mondial !!), aurait pu aller plus loin dans la démesure, il a choisi une saine récréation, un petit film (par le budget ou l'ambition. Quoique) et ne se concentrer que sur des problèmes simples à résoudre. Pas de logistique monstrueuse à la Black Hawk Down ou des effets visuels à la Gladiator. Mais Scott reste Scott et parsème son récit d'accélérations foudroyantes, de décrochage brutale de rythme, bref truffe le métrage de procédé clip et pub. A cela s'ajoute une lumière très froide qui n'a rien à voir avec celle de la comédie mais qui au contraire rajoute un certain malaise à la vision des affres de Roy.
Une comédie réussie se doit d'aligner des gags ou des situations comiques. Ici, l'élément de comédie est diffus, rarement mis en avant. Il ne faut pas s'attendre à rire à gorge déployée mais plutôt à sourire régulièrement des situations. On en rit pas des personnages même si la névrose de Roy est la source de pas mal de choses amusantes. La force du film est bien entendu de ne jamais tomber dans la grosse farce, ce qui serait incompatible avec le talent de Ridley Scott.
Enfin, peut-on vraiment parler de comédie quand la dernière partie vire quasiment au drame, sans avertissement. Mais même sans déflorer la fin , le retournement final des associés change une nouvelle fois la donne et éclaire alors certains aspects de l'histoire. Pas de doute, on est bien ici au centre d'une histoire et non pas d'un concept basé sur des effets visuels ou des personnages de bd, chose de plus en plus rare à l'heure actuelle.
En réalisant Les associés, Scott s'est fait plaisir, a fait un break mais n'en a pas moins offert aux spectateurs un des films les plus touchants de l'année. En refusant la surenchère , en s'attachant à filmer un scénario et à mettre en scène des personnages, il montre , une nouvelle fois, qu'il reste imprévisible et qu'il ne va jamais là où on l'attend. Hélas , le public français aura préféré boudé cette perle d'intelligence . Tant pis pour lui.