Harry Potter et l’Ordre du Phénix est le plus gros volume de la saga : plus de 1000 pages dans l’édition poche ! Le film est le court des 8 ! On pourrait se dire « Cherchez l’erreur », mais en fait, les scénaristes vont continuer le travail entamé sur le 4e film, à savoir, ne garder que l’essentiel et chasser quasiment toutes les intrigues secondaires. Ainsi des chapitres entiers disparaissent, des péripéties multiples sont réduits à une seule et des personnages secondaires sont écartés sans autre forme de procèes.
En premier lieu, toutes les parties autour du quiditch où Ron est désastreux durant les ¾ du roman et dont Harry a été exclu par Ombrage passent à la trappe. (cet aspect ayant été traité dans les films 1&2, il n’était donc plus nécessaire de s’y attarder), Exit aussi les visites à l’hôpital des sorciers de St Mangouste où Harry rencontre les parents de Neville.
La romance avec Cho est également très très raccourcie (une rencontre, un bisou et c’est tout) et sa conclusion abrupte est différente de celle du livre. Dans le roman, après avoir atteint un pic à Noël (une belle scène du film cependant), elle va s’étioler petit à petit.
La description des épreuves des Buses n’est pas plus dans le film. Elle occupait un chapitre entier, avec notamment, un passage où Harry faisait la démonstration de son habilité à lancer un patronus.
Notons aussi la disparition d’une scène où Harry évoque la possibilité que Sirius puisse revenir d’entre les morts lors d’une discussion avec Nick Quasi sans tête ou les toutes dernières scènes lorsque les membres de l’ordre préviennent la famille adoptive d’Harry qu’ils ne supporteront plus qu’elle le persécute.
Il y a aussi des petits changements : ainsi, c’est Dobby qui donne à Harry la solution de la salle sur demande (et non Neville qui la trouve) ou Hagrid qui explique ce que sont les Sombrals (et non Luna). Le « licenciement » de Dumbledore est légèrement différent.
En fait, énormément de péripéties font l’objet d’une scène unique : par exemple, une seule scène pour résumer les multiples dialogues entre Harry et Sirius (le passage où Harry se rend au QG de l’ordre pour parler à Sirius après qu’il ait vu dans la pensine comment son père humiliait Rogue a disparu). La création de l’Armée de Dumbledore a droit à 3 passages dans le livre contre un seul ici. Ou enfin, le renvoi de Sybille Trewlaney (la professeur de divination), prolongé dans le livre par le centaure Firenze et par toute une partie qui explique l’hostilité des autres centaures à l’égard des humains.
L’arrivée des jeunes sorciers au Ministère est également plus courte : dans le roman, ils errent durant tout un chapitre avant de trouver la bonne porte, traversant toute une série de salles étranges, qui seront également des lieus lors de la bataille contre les Mangemorts.
Le roman marquait une rupture dans la saga et entrait franchement dans un univers bien plus noir, correspondant au retour de Voldemort. La magie de la découverte s’est envolée et tous les personnages sont confrontés à leurs démons. Il fallait donc un cinéaste tout neuf et c’est David Yates qui va emporter le gros lot. En 2007, on ne le sait pas encore, mais c’est lui qui achèvera la saga. Et force est de reconnaître que son style, très pur et très classique, va s’accorder à merveille avec les 3 derniers romans. On lui reprochera juste une utilisation un peu trop systématique d’éclairages très sombres, mais il va non seulement revitaliser la saga (à partir du 5e épisode, les recettes iront croissantes) et surtout préserver l’essence des romans tout en faisant évoluer les personnages. Il est vrai que son matériel littéraire de base était déjà exceptionnel !!
Comme je l’ai écrit plus haut, le film va donc à l’essentiel et se permet quelques écarts. Luna fait dorénavant partie de Gryffondor, alors que dans le roman, elle est à Serdaigle. De même, le caractère brutal de Harry est considérablement adouci. Dans le livre, il est tout le temps en colère et détruit le bureau de Dumbledore après la mort de Sirius. Dans le film, cette colère est bien moins importante, les scénaristes ayant sans doute eu envie de ne pas montrer un personnage trop torturé. Ce qui passe dans des pages ne le fait pas forcément au cinéma. Et puis, il est clair que la Warner ne voulait pas montrer un personnage trop négatif, trop noir sachant que les 2 derniers livres obligeront de toutes façons à plonger dans les ténèbres le spectateur, mieux valait y aller en douceur.
Cependant, cette volonté de trancher dans certaines péripéties n’est pas sans risque. Ainsi, certains personnages secondaires, comme Mondigus n’apparaissent pas. Or, ils sont d’une importance vitale pour la suite des évènements et obligeront donc les scénaristes à les inclure par la suite, ce qui pourrait perdre le néophyte qui n’a pas lu les romans. Il serait d’ailleurs intéressant de recueillir l’avis de quelqu’un qui ne connaît la saga que par les films. En aura-t-il saisi tous les tenants et aboutissants ?
D’autres changements sont assez étonnants, car il modifie quelque peu la teneur du roman. Ainsi, dans le film, c’est Cho qui trahit l’Armée de Dumbledore alors que dans le livre, c’est une amie de Cho. Certes, le scénario dédouane quelque peu Cho quand Rogue dit à Ombrage que les dernières gouttes de Véritaserum ont été utilisées sur la jeune fille. Cette modification a sans doute été faite pour mettre un terme à la romance entre elle et Harry de manière simple.
Mais dans l’état, on peut dire que le scénariste a réussi à tirer l’essentiel du roman. De toutes façons, les coupes ne portent pas trop préjudice à l’histoire en général et il faut désormais aborder les films comme une extension des livres, non plus comme des adaptations fidèles. Le 6e épisode ira encore plus loin dans cet aspect avant que la mise en chantier de deux films pour l’ultime chapitre permettra de retrouver une narration plus fidèle.