Le pitch : pour prouver son amour, Samy, un jeune habitant d'une cité sensible décide d'aller escalader l'Everest. Problème : il n'a jamais fait d'alpinisme.
Evacuons tout de suite le point noir (si j'ose dire) du film. Comme pour Intouchables, les producteurs ont pensé qu'un acteur maghrébin passerait moins bien qu'un acteur noir. Du coup, c'est le très bon Ahmed Sylla qui a le rôle principal. Mais soyons honnête : en quoi modifier l'histoire originale (c'est un Franco-Algérien qui est à la base de cette histoire vraie, comme le montre la toute dernière image du film) était à ce point important ? Notre pays ne compte-il pas d'acteurs talentueux issus du Maghreb ? issus de la deuxième , la troisième génération d'immigrés ? Je pense sincèrement que, comme pour Intouchables, une belle occasion de mettre en avant un acteur franco-algérien autre que pour un rôle de dealer-voyou-faire valoir (rayez la mention inutile) a été loupée.
Fermons cette parenthèse.
L'intérêt de ce film, vendu comme une comédie par la bande annonce (fort réussie) se trouve ailleurs. Non pas que L'ascension ne comporte pas de passages drôles, bien au contraire. L'humour n'y est jamais vulgaire et nait toujours des situations, de leurs décalages (le matériel inadapté, les mensonges de Samy). Les dialogues ne sont pas en reste et, sans éviter certains clichés (les 3 jeunes qui cherchent où se trouve l'Everest), ils sont suffisamment amusants pour que l'on rit régulièrement.
Non, le plus important dans L'ascension est le dépassement de soi. Conçu au départ comme une boutade (c'est du moins ce que croit Nadia, la dulcinée du héros, bien campée par Alice Belaidi, même si son rôle se borne à attendre d'avoir des nouvelles de Samy), l'aventure va vite se transformer en un chemin initiatique. Samy va comprendre que ce qu'il entreprend est plus compliqué que prévu, qu'il devra puiser dans ses réserves pour l'accomplir. Mais que surtout, il ne pourra le faire seul et qu'il devra faire confiance aux autres, que cela soit son guide Jeff (dans le classique mentor qui, petit à petit, va adopter le vilain petit canard) ou son sherpa à qui Samy lira un roman à l'eau de rose en échange de son aide.
Et c'est bien là que se trouve l'aspect le plus important du film : la découverte de l'autre, d'une autre culture, d'une autre façon de vivre, d'une nouvelle langue. Mais cela marche dans les deux sens : ainsi cette scène magnifique où le jeune sherpa demande à Samy "Je peux toucher ?" car il n'a jamais vu de personnes noires. Puis il ajoute "c'est beau". Les barrières entre les races, cultures, langues tombent et de petite comédie facile, L'ascension devient une superbe parabole sur l'amitié, la difficulté, la volonté d'aller au bout.
Superbement filmé dans des paysages népalais, mais aussi du massif du Mont Blanc (où ont été reconstitués les camps intermédiaires), le film se garde aussi d'être juste un catalogue de belles images. Et si les décors naturelles sont vraiment bien mis en valeur, il n'y a pas d'esbroufes de mise en scène. Le montage relativement calme aide également. En fait, Ludovic Bernard a su, pour son premier film, éviter tous les pièges que le sujet lui tendait. Avoir été l'assistant de Kassovitz ou Canet a du bon. Il aurait été si facile de faire "la banlieue à la neige" . Peut être plus vendeur aussi (après tout, malgré ses qualités, le film a du mal à passer le million pour le moment), mais en refusant de céder, le scénario permet de mettre autre chose que de la bouffonnerie à l'écran. On est bel et bien dans une aventure humaine, avec tous ses aspects.
Bien entendu, on sait dès le début que Samy va réussir. Mais ce qui est intéressant, c'est la façon dont il abat les obstacles les uns après les autres. En surmontant sa peur, en acceptant ses angoisses, en se servant de l'aide des autres. Et quand la récompense finale arrive, on ne peut que se réjouir.
Il existe des films qui vous rendent heureux quand vous les regardez. L'Ascension en fait partie. Tentez l'aventure, vous ne serez pas déçu.