Le pitch : 30 ans après les évènements tragique de l'Overlook Hotel, Dan Torance va rencontrer une jeune adolescente dont le shining est encore plus puissant que le sien. Mais dans l'ombre, une bande de vampire psychique , dirigée par Rose , la convoite.
Shining est un des premiers romans de Stephen King (le 3e) et c'est l'un des plus puissants ! L'un des plus autobiographiques aussi - l'addiction passée de l'écrivain à l'alcool est connue de tous - , l'un des plus durs, l'un des meilleurs !
De ce fait, en faire une suite romanesque des années après était un pari énorme et sacrément risqué. Mais rien ne fait peur au King et ce pari il l'avait réussi haut la main ! Doctor Sleep était largement , très largement à la hauteur de Shining, explorant le don de Dan et lui démontrant qu'il est loin d'être le seul - même si cela on le savait dans le premier roman. Mais surtout, Doctor Sleep était un roman cruel, parfois difficile à lire - la secte torturant les enfants pour leur soutirer un maximum de souffrance - mais parfaitement logique dans sa construction et surtout, surtout passionnant jusque dans ces dernières pages !
Qu'allait faire Mike Flaganan d'un tel chef d'oeuvre littéraire, lui qui avait déjà tâter du King avec Jessie ? Simple, une réussite cinématographique sans pareille !
Attention, je vais ici parler de la version longue , présente sur le Blu-ray qui réorganise le film en chapitre et rajoute plusieurs scènes - Dan et Jack avec son père dans les toilettes de l'Overlook, la mère de Violette hurlant le nom de sa fille - tout en prolongeant certaines autres. Bref, les 3 heures de cette nouvelle version respecte encore mieux le roman que le film salle, n'édulcorant en rien la brutalité du roman ! Ainsi, la mort du petit joueur de base-ball est atroce !
Mais ce qui fait la force de Doctor Sleep, au delà de son scénario diabolique et cette abominable secte, dirigée par une sorcière d'une beauté stupéfiante, c'est l'interprétation d'Ewan Mc Gregor qui trouve ici l'un de ses meilleurs rôles qu'il soit dépeint en alcoolique écrasé par son don et sa culpabilité ou en médium cherchant à sauver Abra, la jeune fille dont la puissance excite la secte ! Chacune de ses scènes met la chair de poule et on le sent totalement investi dans un rôle difficile, d'autant plus qu'il n'est finalement pas le héros de cette histoire si l'on y réfléchit à deux fois.
L'autre force du film c'est qu'il prend son temps de présenter ses personnages, ses situations et de donner toutes les clés d'une histoire complexe, alternant le présent et le passé, recréant même certaines scènes de l'oeuvre culte de Stanley Kubrick. Oui, le rythme est lent , oppressant et pourtant il ne laisse pas de répit tant il est parfois malsain. Le roman faisait flipper , le film également. Il ne cherche jamais à édulcorer ou à caresser le spectateur dans le sens du poil. Pas d'humour , pas de clin d'oeil putassier, juste une histoire où la cruauté du monde n'en est que plus évident.
En filmant dans des décors quasiment vides et grandioses, comme l'Amérique sait en offrir, Flanagan augmente encore ce sentiment de solitude devant la mort ou le destin. Il est clair que si Dan est le seul à pouvoir s'opposer à la secte, il ne peut le faire seul et c'est finalement l'Hoverlook, ce lieu maudit qui lui donnera les clés.
Un point qui peut choquer est que la secte se déplace en camping car, comme des nomades morbides et se nourrissant de l'énergie des êtres possédant le shining, évoquant sans tabou les peurs quasi racistes que certains d'entre nous éprouvent en pensant aux gitans, accusés de tous les maux. L'histoire convoque toute la mythologie des gens du voyage : les cheveux longs, le déplacement de lieu en lieu, le côté famille que l'on ne peut pénétrer... Bref, un gros risque du côté du politiquement incorrect.
Divisée en 6 chapitres, cette version prend donc son temps de faire monter la pression , petit à petit, avant l'hallucinant final où le mot sacrifice prend tout son sens. L'avant dernier chapitre donnait déjà un sacré coup d'accélérateur à l'histoire avec le massacre de la secte par Dan et son ami.
Au niveau visuel, là aussi, c'est le sans faute. Les effets spéciaux sont à la fois renversants et poétiques - le voyage astral de Rose est superbe - et les maquillages tapent là où ça fait mal. Et le soin donné aux cadres permet un lustre et un luxe de série A ! On est loin d'une adaptation à la petite semaine faite par une bande opportuniste.
Doctor Sleep est donc une réussite totale, magistrale même, magnifiée par une interprétation hors du commun. Et cette version longue amplifie encore les qualités d'un métrage déjà excellent au cinéma ! Comme quoi, le King, quand il est compris du cinéaste, peut offrir son pendant à l'image d'un chef d'oeuvre de papier. Dommage que le public ne lui ai pas donné sa chance - à peine 72 millions de recette mondiales pour un budget de 45 !