La lecture du dernier numéro de Première (dont la nouvelle formule fut prometteuse avant que le magazine ne se fasse rattraper par tous les clichés de la presse cinéma qui se veut au dessus de la "masse") m'a permis de (re)découvrir combien les cinéastes qui se disent "engagés" ne prennent absolument aucun risque et combien les journalistes , de par leur aveuglement idéologique , leur servent la soupe.
Avec Vice qui parle du très méchant Dick Cheney au service du très bête Georges W.Bush et Grâce à Dieu qui parle de ces salauds de prêtres catholiques qui ne font rien qu'à violer des enfants, on a une belle illustration de mon propos.
Vice est réalisé par Adam McKay, un cinéaste de comédie dont les films des années 2000 (Bobby Roi du circuit ou Frangins malgré lui) étaient systématiquement descendus en France et où ils ne faisaient pas des étincelles au BO , à la différence des USA. McKay n'aime pas Dick Cheney, le considère comme un criminel et fait donc un portrait au vitriol, l'accusant de tous les maux de l'Amérique. La presse applaudit, la critique offre le Golden Globe à Christian Bale , mais le grand public ne suit pas trop aux USA (45 millions en 8 semaines). Bien entendu, la presse française emboite le pas. Ainsi Europe 1 parle d'un vice président manipulant un président médiocre (qui a réussi à se faire réélire haut la main, malgré le fait de mener une guerre impopulaire, mais passons) et Première déroule donc le tapis rouge, estimant que Obama avait sifflé la fin de la récréation et redonné du lustre à la présidence aux USA.
On voit bien là le décalage entre les désirs d'une presse bobo et la réalité. Aux USA, Obama a perdu le pouvoir dans les deux chambres au bout de 2 ans, n'a pas convaincu les Américains, n'a en rien aidé la condition des noirs, a continué à mener des guerres et a passé plus de temps sur les terrains de golf qu'à la Maison Blanche. Et surtout, son action politique a été jugée très sévèrement par les Américains.
Hollywood est majoritairement démocrate , à l'exception de quelques acteurs et actrices qui se disent ouvertement républicains (mais qui ont plus de mal à trouver des rôles que les autres). Logique donc que Vice ait pu y voir le jour. Le vrai courage d'un film "engagé" serait de scruter l'arrière cour des années Obama, bien moins reluisantes que les années Bush. Seul Michael Bay a osé s'y frotter avec 13 Hours où il rappelait combien la gentille Clinton a laissé un diplomate américain se faire massacrer en Libye. Et encore, il n'est pas allé au bout de son propos.
Taper sur Cheney, Bush ou Nixon, c'est facile. c'est la promesse d'être adoubé parmi les "résistants" dans un système où, justement, ceux sur lequel on tape sont largement minoritaires. Même Spielberg avec le magistral Pentagon Papers ne résiste pas à terminer son film avec le cambriolage du Watergate, alors que le propos est la manipulation du pouvoir qu'il soit démocrate (Kennedy, Johnson) ou Républicain (Nixon , qui a pourtant été l'artisan du désengagement au Vietnam). Mais bon, taper sur Nixon, c'est toujours bien vu à Hollywood. Dommage, car Spielberg a perdu une belle occasion de remettre la balle au centre.
McKay est évidemment dans son bon droit quand il affiche ses opinions politiques dans ses films et il ne saurait être question de lui reprocher. Mais de là à parler de film "courageux"...
L'autre film est donc Grâce à Dieu qui traite du scandale de pédophilie couverte par la hiérarchie catholique de Lyon. Là aussi, François Ozon ne prend pas de "risques". Cette affaire est suffisamment épouvantable pour que personne n'ose prendre la défense de tels individus, méprisables, qui utilisaient la religion pour assouvir leur vice et leur perversion. Des vies massacrées par des hommes d'église et qui ont dû se battre pour faire reconnaître leurs conditions de victimes.
Mais là aussi, peut-on parler de "courage" quand on sait que la presse, en grande majorité anti-catholique, va adorer en remettre une couche !! Que l'immense majorité des affaires de viols sur enfants se déroulent dans la famille ne pèse rien dans leur balance. Les curés sont forcément tous des pervers au service d'une idéologie totalitaire ! Au passage, les enseignants viennent en 2e car quand on discute de ce genre d'horreur, sachez-le, le moindre instituteur est forcément un prédateur en puissance. Pourtant, sur 100 plaintes enregistrées pour viol sur mineur (garçon ou fille), 97 le sont contre des membres de la famille (père, oncle, frère, cousin, mère, tante...). Mais c'est moins spectaculaire.
Ozon , dont il est vrai que je n'apprécie pas vraiment le cinéma, fait donc un film mais est-il courageux dans le sens où il sait bien que personne ne va défendre les salauds de son film ! Aurait-il osé faire un film dénonçant les viols d'honneur dans certains pays musulmans ? Sans doute non, car il se serait fait taxer de racisme, ce qui n'est jamais bon à l'heure actuelle.
Oserait-il parler de pédophilie dans d'autres cercles (en politique par exemple ou dans les médias) , voire dans d'autres religions ? Des affaires semblables ont touché des rabbins et des imams , preuve que la perversité est oecuménique , mais qui en a cure ? Et que dire du scandale de pédophilie qui a touché l'ONU. Ou des organisations humanitaires ? Moins vendeur, sans doute. Et puis, l'ONU et l'humanitaire, c'est le bien. Alors que l'Eglise , c'est forcément le mal.
Dans un milieu qui continue à excuser Polanski d'avoir alcoolisé une jeune fille de 14 ans pour la sodomiser, ou qui estime que Bryan Singer, accusé de viol par plusieurs jeunes garçons, est victime d'oppression homophobe, il est consternant de voir que les crimes ne sont pas égaux.
Bien sûr, Ozon prend la défense de gens à qui ont l'a refusée pendant des années. Mais je le répète, il ne prend aucun risque médiatique, ne se fâchera avec personne , surtout pas avec ses financiers ou ses soutiens dans la presse.
Oui, ces deux films sont engagés. Non, ils ne sont pas courageux. De la même façon qu'on attend un film qui décrirait le machiavélisme d'un Mitterrand, un autre la sauvagerie de l'extrême gauche italienne ou allemande , au lieu de spectacles la légitimant, un film courageux est celui qui va contre les idées douillettes de la caste médiatique.
Et force est de reconnaître que ces films sont de moins en moins nombreux.