Le pitch : Alors que la bête continue de sévir à Philadelphie, David Dunn part à sa recherche. Il ne sait pas encore que la confrontation avec l'homme qui casse est également très proche.
Glass est un miracle ! Un miracle juridique déjà car faisant la synthèse de deux films appartenant à deux studios différents, à savoir Disney et Universal. Si les deux mastodontes ont laissé faire, c'est d'une part parce que le film ne coutait pas très cher (20 millions) et que d'autre part, M.Night Shyamalan est en pleine renaissance.
Mais c'est aussi un miracle d'écriture qui parvient donc à conclure deux oeuvres cultes, le fabuleux Incassable, sans doute l'un des meilleurs films de super héros jamais écrits et Split, oeuvre dont la complexité et l'interprétation extraordinaire de James McAvoy en font l'un des films les plus brillants de 2017.
Glass transcende son idée de départ (les surhumains sont parmi nous) en nous soumettant un postulat simple : comment visualiser une vérité enfouie ?
On le sait depuis Signs, M.Night Shyamalan aime disserter sur le pouvoir de l'image. Avec Signs, il ne montrait quasiment jamais les créatures extra-terrestres, reprenant en cela la méthode de Spielberg pour Les dents de la mer ou Scott pour Aliens, mais effrayait bien plus que n'importe quel film où tout est "visible". Son film suivant, le très sous-estimé Le village, se focalisait sur la façon dont on créait la peur, les artifices utilisés et comment la rendre la plus efficace possible.
Dans Glass, il doit désormais faire entrer ses "héros", David Dunn l'être incassable et Kevin, l'homme aux multiples personnalités dans la lumière. Car Incassable et Split étaient construit de la même façon : la lente mise à jour de deux êtres extraordinaires, chacun étant manipulé par une troisième personne. Pour David, c'est bien entendu Elijah Preece, directement responsable de sa "naissance" en tant que super héros. Pour Kevin, ce sont toutes ses personnalités qui vont lui faire naitre la bête. Et si le monde restait dans l'ignorance des pouvoirs de David à la fin d'Incassable, il découvrait l'existence de la bête, même si celle-ci n'était pas encore connue de tous.
Reprenant les événements d'Incassable 18 ans après et ceux de Split quelques semaines plus tard, Glass fait donc la synthèse brillante de deux univers. Kevin continue à enlever des jeunes filles pour les offrir en sacrifice à la bête tandis que David Dunn, aidé par son fils Joseph (toujours interprété par Spencer Treat Clark, une idée de génie de la part du réalisateur) qui, dans un rôle à la Professeur X, guide son père derrière les ordinateurs dans sa croisade contre le mal.
Mais si la bête est connue, David commence à devenir autre chose qu'une légende urbaine. La police le traque car elle n'apprécie pas ses méthodes. Et dans l'ombre, une autre force le guette.
Quand à Elijah, il croupit dans un hôpital psychiatrique depuis que David l'a dénoncé. Son rôle dans l'histoire semble mineur. Et pourtant...
La force des films de Shyamalan réside dans ses twists finaux. Ici, le premier intervient à une heure de métrage et laisse le spectateur pantois, car il résout une bonne partie des questions que l'on se posait. D'autant plus que le scénario commence par l'affrontement entre David et la Dunn, très violent graphiquement et magistralement filmé, avant de faire une longue pause dans l'hôpital psychiatrique où les trois protagonistes se retrouvent enfermés, à la merci d'une médecin qui connait leurs faiblesses et entend les guérir de leur "mythomanie".
Pour cela, elle n'hésite pas à utiliser les personnes les plus proches de ces patients : le fils de David, la mère d'Elijah, la jeune fille survivante du carnage de Split. Or, ces trois personnages "secondaires" sont les seuls témoins des capacités surhumaines des prisonniers. En contrôlant tout ce petit monde, la psychiatre pense exercer son pouvoir en toute quiétude. Evidemment, tout ne va pas se passer comme elle l'entend et l'émergence de M.Glass va faire capoter son plan très bien huilé !
La partie dans l'hôpital évoque évidemment Vol au dessus d'un nid de coucou. Elle prend son temps, donne la part belle à James Mc Avoy (crédité en premier au générique d'ailleurs) qui prolonge son interprétation de Split avec brio, mais cette "lenteur" est nécessaire à la mise en place de la dernière partie et de ses (nombreux) coups de théâtre.
Et quand l'action reprend alors le dessus (la bête affronte à nouveau David qui peut laisser éclater ses pouvoirs sans crainte), on est à nouveau dans le Comics cher à Incassable. Le film reprend les codes des super héros de papier et les transcende, mais sans tomber dans un déluge de CGI. Après tout, le cinéaste n'est jamais aussi bon que lorsqu'il dispose de peu d'argent.
Mais il ne se moque pas de son spectateur et lui offre donc ce qu'il est venu voir : l'affrontement entre les trois protagonistes autrement que sur un plan mental. A nouveau, les coups font mal et le destin des personnages n'en sera que plus douloureux.
En concluant deux de ses oeuvres phares, M.Night Shyamalan montre à nouveau toute l'étendue de son talent , son incroyable capacité à écrire des films forts, allant très loin dans la tête des personnages et ne prenant jamais le spectateur pour un gogo. En lui donnant à réfléchir, en faisant de ces différents protagonistes des êtres de chair et de sang, et non de simples silhouettes, il parvient à créer une mythologie digne des meilleurs Comics. On excusera alors quelques dialogues un peu trop théâtrales, surtout dans la bouche d'Elijah, mais ce défaut mineur s'inscrit en fait dans la logique de l'histoire.
Glass est donc un nouveau chef d'oeuvre de l'auteur de 6e sens et Incassable. Espérons que son succès sera vraiment massif afin de prouver au studio qu'un sujet peut également être autre chose qu'un remake, un reboot, une séquelle, une préquelle, même si, et c'est bien là le paradoxe, Glass est à la fois un peu tout ceci.