Les animaux fantastiques : Les crimes de Grindenwald (****)
Le pitch : comme il l'avait promis, Grindenwald parvient à s'échapper à ses gardiens et se met en quête du jeune Croyance. Norbert Dragonneau et ses amis devront alors choisir leur camp.
Après un premier épisode sympathique, mais tout de même mineur vis à vis de la saga Harry Potter, un peu trop axé, à mon goût, sur les créatures magiques (même si, logiquement, c'était le but vu le titre), JK Rowlings a donc pris une direction inattendu avec un nouvel opus moins spectaculaire et moins riche en bestiaire, mais à la dramaturgie bien plus élevée.
Le ton est déjà bien plus sombre, les personnages étant connus, l'auteure peut donc commencer à lancer des ponts vers la saga de sa vie. Des petites touches (on connait donc l'origine de Nagini, le serpent de Voldemort, on rencontre Nicolas Flamel) et des grandes (la première apparition officielle de Dumbledore) forment donc l'ossature du film, dont la principale est donc les flashbacks se déroulant à Poudlard. Mais ce qui aurait pu apparaître comme du fan service (après tout, c'est ce que l'on a reproché à Lucas pour sa prélogique) est au service d'une histoire où Grindenwald est le nouvel ennemi principal et où sa méchanceté (lui et ses partisans massacrent toute une famille de Moldu pour s'emparer de leur appartement) ne laisse aucun doute.
Cependant, et c'est là le génie de Rowling, le sorcier , bien campé par un Johnny Deep tout en sobriété, séduit suffisamment dans le propre camp du "bien" pour ne pas être qu'un simple méchant de carnaval. Certains alliés de Norbert n'hésiteront d'ailleurs pas à le rejoindre et la cassure dans le monde magique n'en sera que plus évidente.
A aucun moment, d'ailleurs, Les animaux fantastiques 2 cherchent une quelconque tentative de séduction du très grand public. Il faut impérativement avoir vu le premier opus pour comprendre tous les tenants et aboutissants de l'histoire et rester concentré durant tout le métrage sous peine de se perdre. On sait que Rowling est une écrivain exigeante et douée (sa trilogie policière, basée sur le personnage de Cormoran Strike, le montre à chaque page) et que si elle s'est lancée dans ce nouveau défi, ce n'est pas que pour faire plaisir à la Warner qui désirait prolonger le triomphe d'Harry Potter. Certes, il y a des raisons commerciales derrière, mais elle en a profité pour donner au spectateur une histoire solide, pleine de ramifications et très ambitieuse. Et cet épisode de transition, à l'image de L'empire contre attaque, pose donc les véritables bases de l'histoire à venir.
Du coup, Norbert Dragonneau perd un peu de son leadership, même s'il reste clairement le héros de l'histoire. Même "punition" pour Tina, désormais Auror. Rowling se permet même de ne pas intensifier les sentiments entre les deux personnages, alors que la logique (et les fans) auraient voulu qu'ils aillent logiquement plus loin. Mais l'heure n'est plus à l'amusement.
Le personnage de Jacob subit également une surprenant évolution, même si les raisons de son retour sont un peu trop vite expédiées (quelques lignes de dialogue et hop, le revoilà) et on ne serait pas étonné de le voir prendre un rôle plus important encore dans le 3e opus. Quant à Queenie, là aussi, son évolution ne pourra que surprendre.
En voulant faire rejoindre les deux sagas, JK Rowlings et David Yates (dont la mise en scène est toujours impeccable) prennent le risque de perdre les néophytes, mais comme je l'ai dit, on est largement au delà du simple produit dérivé commercial. Cependant, le public américain semble moins adhérer à ce "crossover" et les résultats financiers seront moindres. Cela ne devrait pas handicaper la suite des événements : après tout, le 3e Harry Potter avait aussi connu un succès moins important aux USA avant de rebondir et battre records sur records jusqu'à la 8e partie.
David Yates connait l'univers par coeur : après tout, c'est le 6e film qu'il réalise. Cette fois ci, l'histoire se concentre en partie à Paris, occasion pour lui de reconstituer la ville lumière des années folles. La partie "historique" rappelle d'ailleurs le travail qu'il avait fait sur son Tarzan, très sous-estimé, mais empreint lui aussi d'un gros travail sur la reconstitution d'un lieu et d'une époque. La photographie se veut également plus sombre que le premier film, ton dramatique oblige et sa mise en scène se veut toujours au service de ses personnages. Seule l'évasion de Grindenwald détonne un peu, quelque peu brouillonne , au montage trop abrupte et un peu trop numérique. Mais pour le reste, Yates réussit un sans faute, multipliant les scènes spectaculaires revisitant des lieux cultes de la saga, mais n'oubliant pas les passages plus intimes et les doutes de ses personnages.
Car cet épisode est bien basé sur le doute : chacun devra choisir sa voie et son camp, sortir de sa zone de confort et de ses préjugés. C'est sans doute ce flou qui a dérangé une partie des spectateurs. C'est bien dommage car, après tout, les films qui osent aller dans des directions pas forcément attendues sont devenus rare, surtout dans une franchise aussi énorme que Potter.
On attend donc désormais la suite avec impatience, voir où l'histoire va nous emmener et comment les personnages vont évoluer. Et la fin ouverte, ainsi que la promesse d'un affrontement entre Dumbledore et Grindenwald ne peut qu'être excitante à tout point de vue ! Rendez vous en 2020 avec , dit-on, la première apparition d'Hagrid.