Solo vient de sortir en Blu-ray et le grand public qui l'a loupé en salle va peut être lui donner une seconde chance.
Car sans atteindre l'intensité de Rogue One, ni les sommets de la saga originelle , Solo donne exactement ce que l'on attend, à savoir qui était Han avant sa rencontre avec Luke, ce que fut le raid sur Kessel, comment il gagna le Faucon millenium au jeu et quelles relations il avait avec Lando.
Si on ajoute quelques éléments venant de l'univers étendu (son engagement dans les troupes impériales, la libération de Chewie alors esclave) et d'autres jamais vu (son amour de jeunesse, l'apparition surprise de Dark Maul), on obtient un film sacrément excitant et répondant totalement aux canons d'un Star Wars.
Mais voilà, Solo n'a pas vraiment fonctionné et ce pour plusieurs raisons que je souhaitais rappeler ici.
Sortir deux films Star Wars à 5 mois d'intervalle constitue la plus grosse erreur de Disney. Là où Lucas mettait un intervalle de 3 ans, la firme de Burbanks a cherché à rentabiliser au plus vite sa nouvelle poule aux oeufs d'or. Or, ce qui fonctionne avec l'univers Marvel (mine de rien, cela fait plusieurs années que le MCU aligne au moins 3 films dans l'année qui dépasse les 600 millions de recette sur toute la planète) ne fonctionne pas avec Star Wars. En effet, ce qui a créé la spécificité de la saga, c'est sa rareté. Et Lucas l'avait bien compris, même quand il lançait des séries "intermédiaires" comme Clone Wars, jamais il ne saturait les médias. L'univers étendu n'intéressait que les fans absolus (comme moi), mais pas le très grand public.
Solo serait sorti en décembre prochain, nul doute que son destin aurait été différent et même si ré-écrire l'histoire est périlleux, on peut logiquement penser que, période de Noël aidant, il aurait dépassé les 300 millions en Amérique du Nord et les 700.
D'autant plus que Solo s'est retrouvé coincé entre Avengers 3 et Jurassic World 2, deux métrages qui étaient bien plus attendus pour des raisons différentes : le premier parce qu'il était le point d'orgue de 10 ans de MCU, le 2e parce que la promesse de quitter - enfin - les îles intriguait. Si on y ajoute que Deadpool 2 et Black Panther avaient également ratiboisé le BO, l'espace pour Solo était très mince.
Enfin, la campagne marketing a été mal faite : les bandes annonces sont arrivées bien tard (le changement de réalisateur n'a pas aidé) et elles ne faisaient pas assez saliver un public qui ne s'était pas encore remis du choc Les derniers Jedi. Qui plus est, la sortie en vidéo de l'épisode VIII, peu de temps avant Solo a encore plus brouillé les pistes et donné un sentiment de saturation. On n'oubliera pas non plus la polémique sur les affiches et l'accusation de plagiat qui plomba un peu plus la promotion.
Les autres raisons de l'échec tiennent à des choses que ne maîtrisent plus les studios à savoir le pouvoir grandissant des internautes.
En effet, certains fans de la saga, déçus par Les derniers Jedi et ses orientations parfois radicales (notamment, le personnage de Luke) se sont vengés sur Solo, en faisant un navet avant même la première vraie bande annonce, alors que les deux films n'ont finalement que le logo Star Wars en commun. Et ce lynchage s'est doublé d'une vaste hypocrisie, notamment après le renvoi deux premiers réalisateurs , que ces mêmes internautes avaient critiqué en raison de leur background de comédie (22 Jump Street, La grande aventure Lego). Alors que Disney avait rectifié le tir (il est évident que, si l'on décrypte les mots des comédiens, Solo était vraiment mal barré) , la nébuleuse du net a fustigé le choix de Ron Howard, pourtant solide artisan et qui s'en est tiré, une fois de plus, avec les honneurs.
Ce qui est cocasse, c'est que les déçus de l'Episode VIII ont boycotté un film qui n'avait donc rien à voir avec la nouvelle trilogie. Et une bonne partie de la critique officielle a relayé ce boycott , toute heureuse de pouvoir se payer à nouveau un Star Wars.
Car le fond du problème ne date pas d'hier. En fait, depuis 1983, la presse n'est jamais tendre avec Star Wars ! Rappelez vous (pour ceux qui y étaient) les critiques envers les Ewoks du Retour du Jedi. Et la prélogie cristallisa encore plus les critiques assassines des fans "historiques" incapables de voir évoluer leur jouet. C'est sans doute pour cela aussi que Lucas a finalement cédé son bébé, même s'il ne l'a jamais dit : voir autant de mauvaise foi autour d'une oeuvre qu'il a voulu achever, en partie à la demande de ce même public , a du sacrément rafraîchir ses ardeurs.
Ce qui est sans doute rageant pour Disney c'est qu'une très grande majorité du public a aimé Solo et y a trouvé son compte - par exemple, 83% de spectateurs satisfaits sur Allociné, et le pourcentage est à peu près identique sur certains sites US.
Cela n'a pas suffit pour inverser la tendance et même les produits dérivés ont été très durs à trouver. A part quelques sets Lego (dont un superbe Lanspeeder avec Han et Qui'ra), une ou deux figurines, le collectionneur compulsif a eu bien du mal à se mettre des trucs sous la dents.
La sortie en Blu-Ray est donc une merveilleuse occasion de découvrir un film Star Wars qui ne méritait absolument pas cet échec et surtout ce lynchage débile qui semble devenir la norme.