Bond 25, Wonder Woman, Dune, Fast & Furious 9, The Batman, West side Story, Black Widow... Tous des blockbusters, tous des films à très gros budget, tous reportés...
Apparemment , certains découvrent que les studios ne font pas des films avec de l'amour et de l'eau fraiche, mais avec de l'argent sonnante et trébuchante. Et quand on investit 250 millions de dollars (c'est le budget officieux de Mourir peut attendre, sans compter la promo), il est évident que l'on espère rentrer au minimum dans ses frais.
Or, à l'heure actuelle, les mesures de distanciation, la peur du Covid (quoiqu'en disent certains, le virus est toujours présent et il tue encore), la fermeture prolongée des salles dans certaines parties du monde , tout cela fait que le public ne se rend plus au cinéma ou très peu.
Un exemple personnel, j'ai vu Tenet (avec mon épouse) dans une salle prévue pour 300 personnes et où devaient être assises vingt personnes à tout casser. Hier, une de mes filles est allée voir Petit pays : 4 personnes dans la salle. A ce rythme, les cinémas fonctionnent sans doute à perte.
Certains se réjouissent de l'absence de gros films, estimant que c'est une chance pour les petits budgets. Mais quand on regarde les chiffres, ces films font encore moins d'entrées que lorsqu'ils sont confrontés à une rude concurrence.
Effectivement, on pourrait penser que le public, frustré d'images depuis mars, se ruerait sur le reste de la production. Mais il n'en est rien. Sinon, comment expliquer pourquoi seul Tenet, film à voir absolument sur grand écran, a été le seul film depuis mars à dépasser les 250 millions de dollars de recettes mondiales ?
En fait, le mélange blockbusters/petits budgets est, généralement profitables à tous. Le fan de Marvel/DC/Disney/Star Wars et autres veut de toutes façons voir son film sur un grand écran. Et s'il n'y a plus de place, il peut se rabattre sur un autre film, moins exposé.
Mais les amateurs de films à plus petit budget semblent avoir du mal à faire le pas. Et cela ne date pas du Covid. Dans les années 80, on se scandalisait que le dernier Belmondo écrase par ses entrées Une chambre en ville. En 93, le raz de marée Jurassic Park avait été accompagné par des commentaires absolument terrifiants sur le cinéma américain, accusé de lobotomiser la planète entière.
Et encore l'an dernier, d'aucuns hurlaient que les films Marvel tuaient le cinéma en drainant la majorité des entrées.
On a, depuis 7 mois, la preuve que le public n'a pas forcément envie de voir des films à petit budget. Sinon, Antoinette dans les Cévennes ou La Daronne (pour citer des films récents et grand public) auraient déjà été millionnaire. Et pour les métrages moins faciles d'accès, le constat est encore plus sévère : aucun n'a tiré son épingle du jeu. Pourtant, il y avait de la place pour eux.
Comment expliquer cela ? On pourrait accuser Netflix et autres Disney + de détourner les gens des salles. Si pendant le confinement, ces géants du streaming restaient une des rares alternatives pour voir du cinéma chez soi, cela ne peut plus être vrai depuis la ré-ouverture des salles en juin dernier.
En fait, le comportement des gens n'a pas tant changé : même si pas mal de gens ne vont plus au cinéma de peur de tomber malade, ceux qui y vont veulent surtout voir des films faits pour le grand écran. Et comme il n'y en a pas vraiment , à part Tenet, la fréquentation reste basse. On devrait d'ailleurs remercier de façon plus massive Christopher Nolan dont l'opiniâtreté a payé : en insistant pour que son film sorte en salle, il a d'une part obtenu un succès mondial, ce qui n'était pas assuré en ces temps incertains, et d'autre part, prouvé que oui, le public est au rendez vous quand on lui propose un vrai spectacle. Sans faire de savants calculs, on peut dire que 90% des recettes engrangées dans le monde depuis 5 semaines sont du fait de Tenet. Les exploitants de salle ont donc trouvé là une vraie bouffée d'oxygène !
Durant les vacances, seuls Les blagues de Toto et Scooby-Do ont vraiment fonctionné. Pas vraiment des blockbusters, mais des films pour toute la famille. Preuve supplémentaire que le spectateur en veut "pour son argent". Ce qui est dommage car même un film modeste prend une autre dimension sur un grand écran.
Le cinéma reste un loisir onéreux quand il est occasionnel. Quelqu'un qui possède une carte d'abonnement ne le verra pas ainsi, mais si vous sortez en famille un samedi soir pour aller au cinoche, c'est 10-11 euros par personne (je ne compte pas l'essence pour le déplacement, le pop corn...). Acheter un Blu-ray ou un DVD, le regarder chez soi sur des téléviseurs (ou des vidéo-projecteurs- de plus en plus performants est une alternative désormais sérieuse.
On le voit, l'avenir des salles reste sombre. Les pouvoirs publics n'accompagnent pas vraiment les exploitants (c'est en tout cas l'impression donnée) et on peut craindre des faillites futures. Or, moins de salles de cinéma, c'est une menace supplémentaire. A l'heure où certains studios sortent leurs films directement en VOD, on peut sérieusement se poser la question si le cinéma survivra à son deuxième siècle d'existence.