Le pitch : A la Nouvelle Orléans, de riches personnages à la recherche de sensations fortes s'adonnent à traquer des SDF dans des chasses organisées par un certain Emil Fouchon.
Premier film américain de John Woo, Chasse à l'homme a récemment été réédité en Blu-Ray. L'occasion idéale de vous parler de ce film quelque peu mal aimé du grand réalisateur de Hong Kong, surtout qu'il est présenté ici dans sa version longue et non censurée.
Conçu comme un véhicule pour Jean Claude Vandamme, Chasse à l'homme (Hard Target en VO) reste, 28 ans après sa sortie, un bon film de la star belge. Car si Woo a clairement été bridé (sans jeu de mots) dans sa mise en scène - Rappelons que son dernier film à HK fut A toute épreuve, chef d'oeuvre absolu du film d'action - et qu'il doit mettre en avant son acteur, il le fait sans trop laisser sa patte dans la jungle des studios US.
Alors, bien évidemment, le scénario n'est pas franchement fou fou et les dialogues sonnent parfois très clichés. Mais qu'importe car le propos n'est pas là. Woo et Vandamme proposent un métrage qui file à 100 à l'heure, truffé de scènes d'action bien frappadingue - ah Vandamme en équilibre sur une moto ou Vandamme massacrant du vilain dans un entrepôt de personnages de carnaval en papier mâché - et qui ne lésine pas sur l'hémoglobine, les morts brutales et le cynisme des méchants.
En divisant le film en deux parties et en inversant les rôles dans la 2e partie, Vandamme devenant le chasseur , Woo permet de découvrir les différents personnages, notamment le duo qui organise les chasses, et de construire une relation plutôt intéressante entre le héros et la jeune femme à la recherche de son frère avant de basculer dans le tout action sans complexe.
Usant de ralentis, de gros plans sur les visages , de colombes et de tous ses "tics" de mise en scène, Woo ne fera pas changer d'avis ses détracteurs, mais , même si ce film est aseptisé par rapport à sa période de Hong Kong, il est faux de dire qu'on lui a totalement rogné les ailes. Bien sûr, tout comme Broken Arrow qui ne sera pas non plus un Woo pur jus - pour cela, il faudra attendre Volte Face - , Chasse à l'homme est clairement une gamme, un exercice d'entrainement, un gage donné au studio avant de partir vers le cinéma plus ambitieux qu'il aime. En fait, il lui fallait clairement passer par là, les studios US n'étant pas si accueillants pour les réalisateurs étrangers. Que cela soit Veroheven, Weir ou un franchie comme Louis Letterier, il faut toujours faire ses preuves avant de revenir à un cinéma plus personnel.
En s'alliant avec Jean Claude Vandamme, John Woo s'est ipso facto compliqué la tâche car on sait la star plutôt capricieuse. Comme il sait bien filmer les arts martiaux également, il permet à Chasse à l'homme d'aligner pas mal de scènes de combats à "pieds" nus. On sent là des concessions à JCVD, mais vu que c'est superbement filmé, ça passe. Et puis, personnellement, je trouve que Vandamme s'en sort plutôt bien , même en VF, Bien sur, les petites pointes d'humour rappellent qu'on est bien dans les années 80, quand les acteurs d'action cherchaient à sortir du cliché machiste et les phrases de Chance font mouche le plus souvent.
Le plus intéressant dans Chasse à l'homme réside , comme souvent, dans son duo de méchants. Lance Henriksen et Arnold Vosloo (qui avait encore quelques cheveux) composent une belle paire de salopards, cyniques et violents, n'hésitant à commettre leurs crimes au grand jour et nettoyant tout derrière eux. Ce sont eux qui portent finalement l'histoire et la font avancer, eux qui organisent les chasses, eux qui matent les "récalcitrants" et eux qui, au final, seront confrontés tour à tour à Chance Goudrau ! Il est intéressant de voir que, très calme tant que les choses se déroulent comme prévues, Henriksen va se transformer en une véritable boule de haine quand elles vont déraper, ce qui va l'amener à commettre l'erreur de sous-estimer le gibier.
Enfin, notons que le seul personnage féminin du film, incarnée par Yancy Butler - je passe sur la policière qui se fait rapidement dézinguée par le gang de Fouchon - va mettre également la main à la pâte et n'est pas la potiche que l'on pouvait craindre au début du film, quand elle recherche son frère et que Vandamme la sauve d'une poignée de voyous. Natasha aura même son heure de gloire quand elle abattra l'un des membres du gang d'une bonne trentaine de balles dans le buffet.
La dernière partie du film ne s'embarrasse plus de scénario, Vandamme éliminant les malfrats un par un, dans un déluge de plomb et de feu. On retrouve là, toute proportion gardée, la scène finale dans l'hôpital de A toute épreuve où des chargeurs inépuisables truffaient des corps uniquement destinés à tressauter sur les balles. L'impact du son est également un facteur essentiel de ces scènes, décuplant cette sensation de violence.
Série B à défaut d'être un grand film, Chasse à l'homme fut donc le parfait véhicule pour Woo aux USA. La version longue donne un aspect plus "classique" à ce que le maestro tournait à Hong Kong et redonne pas mal de lustre à un métrage qui mérite vraiment d'être redécouvert. Ca tombe bien : cette édition Blu-ray est superbe, l'image est très belle, que l'on soit dans les rues de la Nouvelle Orléans ou dans le bayou et les suppléments permettent de redécouvrir également les coulisses de cette première incursion de John Woo sur la "terre promise" du cinéma.