Le pitch : depuis son enfance, Ellie scrute le ciel et les ondes radios. Devenue adulte et astronome, elle va capter un signal venu de l’espace qui va changer sa vie.
3 ans après Forrest Gump, Robert Zemeckis se tournait vers le roman-fleuve de Carl Sagan et en tirait un film magnifique, à la hauteur du livre et d’un humanisme confondant. Quelque peu ignoré par la critique et en partie par le public (100 millions aux USA, 70 dans le reste du monde. On est très loin des chiffres de Gump ou Roger Rabbit), Contact est un film à redécouvrir d’urgence. Non seulement parce que c’est sans doute l’un des plus beaux films de Zemeckis, mais parce que son message reste d’une brûlante actualité.
À la base, il y a donc un roman très touffu et très technique signé Carl Sagan et écrit en 1986. Carl Sagan était un astronome à qui l’on doit la plaque de la sonde Pioneer et une fabuleuse série de vulgarisation scientifique, Cosmos (dont je ne sais s’il existe une édition vidéo). Dans son livre, il promène le lecteur d’un bout à l’autre de la planète et l’envoie au fin fond de la voie lactée. D’un sérieux très rigoureux, Contact n’a rien à voir avec de la SF classique. Ici, tout se veut réaliste, basé sur des faits, mais nulle sécheresse ne vient plomber l’histoire.
Il était donc naturel que Robert Zemeckis qui n’aime rien de moins que les défis décide de porter en image ces centaines de pages. Hélas, Carl Sagan n’aura pas l’occasion de voir son œuvre à l’écran car il décèdera en 1996, un an avant la sortie cinéma de Contact.
Tandis que le scénariste Michael Goldenberg (qui a écrit Harry Potter et l’ordre du Phénix) s’atèle à porter l’histoire afin que Zemeckis la filme, ce dernier se met en recherche de deux acteurs phares. Son choix se portera sur Jodie Foster, un choix judicieux tant l’actrice respire à la fois la candeur (elle n’a jamais été aussi rayonnante) et la rigueur scientifique. Mais c’est surtout l’évolution de son personnage dans la dernière partie du film qui est bouleversante. L’autre choix, c’est Matthew McConaughey qui, dans le rôle plus ingrat de Palmer Joss, incarne l’autre versant de la pensée humaine, une pensée tournée vers la religion et non la science. Au final, le couple n’a que peu de scènes communes à l’écran, mais elles illuminent l’histoire et lui donnent les indispensables ressorts pour avancer. La réplique finale de McConaughey résume à elle seule tout le propos du film «Moi, je la crois » !
Car Contact n’est pas qu’un film scientifique. Ce n’est pas qu’une réussite en matière d’effets visuels ou d’incrustation d’acteurs dans des scènes tirées de la vie réelle, notamment avec Bill Clinton. Ce n’est pas qu’un film où Ellie va devoir surmonter tous les obstacles pour vivre l’aventure de sa vie. Ce n’est pas qu’une merveilleuse histoire d’amour, entre un père et sa fille, entre Ellie et Palmer, c’est surtout une réflexion profonde sur la foi et sur les croyances.
Le film commence par un travelling impressionnant qui part de la Terre pour aller se perdre dans l’infini. Au fur et à mesure que la distance augmente, les sons venant de la Terre se font plus faibles puis disparaissent. Une oreille attentive percevra le son illustrant l’image que captera Ellie. Puis les étoiles se fondent et apparaît l’iris d’une fillette penchée sur sa radio-amateur. En quelques minutes, Robert Zemeckis affirme ses ambitions. Contact ne sera pas un film de SF belliqueux ou un conte à la Rencontre du 3e type, mais bien une réflexion profonde sur le verbe croire !
Et tandis que se déroule l’histoire, qu’Ellie reçoit le message, le décode, avec l’aide d’un riche industriel, Hadden, se fait voler sa découverte avant de revenir en grâce et enfin partir vers Véga, Zemeckis avance petit à petit ses pions. Certes, il ne se lasse pas de certains tours techniques, comme la fuite d’Ellie dans la maison lors de la mort de son père, filmée dans un miroir ou l’incrustation de foules ou d’acteurs aux côtés de Bill Clinton (un effet directement inspiré de Forrest Gump). Mais ce qui l’intéresse, c’est la détermination sans faille de la jeune femme. Logique, pragmatique, elle va sacrifier sa carrière, sa vie sentimentale à cette passion dévorante qu’est la science. Et elle en exclut tout caractère merveilleux. Ainsi, sa relation avec Palmer cessera à partir du moment où ce dernier lui avouera son scepticisme face à la science. Pour Ellie, le langage mathématique est le seul qui soit réel et elle entraîne tout son monde avec elle. Sa relation tumultueuse avec l’autre scientifique, un arriviste ambitieux pour qui la fin justifie les moyens n’est qu’une façon de montrer sa détermination. Mais jamais, elle ne se mettra en avant, jamais elle n’exigera, jamais elle ne mentira. Et c’est pour cela qu’à la toute fin, on ne peut que la croire.
Certaines critiques ont reproché au film d’avancer par à coup et de laisser certaines parties dans l’ombre. Or, Zemeckis fait confiance à son public. Ainsi, Ellie est parfois traitée comme un personnage secondaire, spécialement quand elle n’a plus les faveurs de la Maison-Blanche. Des ellipses temporelles sont également présentes afin de ne pas alourdir le récit. Quand le film s’accélère, il se focalise sur des petits instants : la découverte du signal, le décodage des images, la rencontre avec M.Hadden ou la destruction de la machine. Contact est traité comme une gigantesque tranche de vie avec quelques focus. Il en profite aussi pour renvoyer dos-à-dos les fondamentalistes religieux, prêts à mourir pour leur cause et les scientifiques malhonnêtes qui n’hésitent pas à jouer sur la corde sensible pour obtenir ce qu’ils veulent. Dans les deux cas, ils ne font aucun cas de l’opinion des autres. Au milieu de cela, la candeur et la bonté d’Ellie détonnent. Elle ne croit pas en Dieu, mais respecte ceux qui y croient. Pour elle, la foi n’est qu’une question de point de vue, un point de vue qu’elle ne partage pas. On retrouve ici tout l’humanisme de Carl Sagan, dont le scepticisme est allé grandissant au fil des ans, mais qui n’a jamais insulté ceux qui ne partageaient pas sa vision des choses.
Et quand Ellie s’embarque enfin dans la machine, Zemeckis abandonne la rigueur de son film pour se laisser enfin aller à des images surréalistes voire poétiques. Certains se sont gaussés de la scène sur la plage. Elle est pourtant dans la logique des choses : cette plage évoque la Floride, donc les souvenirs d’enfance et le père d’Ellie. De plus, si les Végans sont une civilisation pacifique, ils veulent mettre leur nouvel hôte à l’aise. Enfin, le cinéaste a bien retenu la leçon de Kubrick : en dire le moins possible, laisser parler les images.
En montrant ce que voit Ellie puis en insinuant le doute dans l’esprit du spectateur quand il montre que la nacelle est tombée directement dans la machine et qu’il ne s’est écoulé qu’une fraction de seconde, Zemeckis atteint son but : faire réfléchir sur la foi.
À un moment du film, Palmer demande à Ellie si elle aimait son père. Celle-ci lui répond par la positive. Palmer lui demande alors de le prouver. C’est la première graine semée dans l’esprit rationnel de la scientifique. Le voyage sera donc l’aboutissement.
Ellie se retrouve alors confrontée aux accusations de mensonges. Elle doit expliquer l’inexplicable et elle n’a que sa bonne foi pour cela ! La scène où elle répond à James Wood, lors de la commission sénatoriale, est le sommet de Contact. Wood lui démontre que tout est sans doute faux, que la machine ne l’a envoyée nulle part, qu’Hadden a tout orchestré et Ellie approuve. Mais quand on lui demande de retirer son témoignage, elle ne peut que dire « je ne peux pas. ». Elle ne peut pas parce qu’elle croit, parce qu’elle soulève un espoir pour les habitants de la Terre, celui de ne pas être seul, celui de se savoir observé, peut-être protégé. La sceptique est devenue croyante et les foules immenses qui l’accueillent lors de sa sortie de la commission lui rendent alors tout cet amour qu’elle a retrouvé lors de son voyage. Ces centaines de milliers de gens la croient et il y en a sans doute des millions sur toute la planète. Et quand Palmer lance aux journalistes « Moi je la crois », Ellie lui prend la main et trouve enfin le bonheur. Elle sait désormais qu’elle n’a rien à prouver, juste à attendre la prochaine étape. Sa vie s’emplit alors d’autre chose que la science.
Le film aurait pu se terminer ainsi. Mais Zemeckis offre au spectateur un dernier élément à analyser : quand Ellie est tombée dans la machine, sa chute n’a duré qu’une seconde. Mais elle a filmé 18 heures de parasites. Ellie est donc bien partie sur Véga. Mais il est clair que le gouvernement veut garder pour lui cette information. Sans doute pour ne pas perdre la face. Mais aussi garder la main sur cette découverte ultime.
Contact se conclut par deux petites scènes : Ellie parlant à des enfants, symbole d’un avenir radieux et Ellie écoutant les étoiles. Zemeckis boucle son chef d’œuvre en s’affirmant aux côtés de son actrice. Les faux-semblants ont été balayés, l’honnêteté a triomphé.
Que les cyniques qui se sont acharnés sur Contact continuent de le faire. Jamais ils ne pourront atteindre un tel degré d’humanisme. Contact est un film à ré-évaluer d’urgence. Dans un monde parfait, il pourrait servir de leçon à pas mal de fondamentaliste. En l’espèce, il ne peut qu’engendrer des réflexions profondes sur ce que nous sommes, sur ce que nous croyons et sur ce que nous voulons vraiment.