Le pitch : un groupe de scientifique cherche à perce le secret d’un mystérieux cylindre qui contiendrait l’anti-dieu, le mal en personne !!
En 1987, Carpenter est dans une mauvaise passe. Malgré toutes ses qualités Jack Burton dans les griffes du Mandarin a été un échec terrible. Le réalisateur qui accumulait les succès publics au début de sa carrière (longtemps Halloween a été le film le plus rentable de l’histoire du cinéma) ne parvient plus à attirer sur son nom. The Thing et Starman n’ont pas fonctionné et Christine fait plus penser à un travail de commande qu’à une œuvre personnelle. Le réalisateur décide donc de revenir à ses bases et n’ayant plus rien à perdre, doté d’un budget microscopique de 2 millions de dollars, offre à ses fans un film d’épouvante sans concession, totalement hors mode (pas d’adolescents poursuivis par un tueur masqué, aucun humour) et surtout totalement maîtrisé !
Le prince des Ténèbres est un film froid, glacial même où l’horreur s’invite dans le monde réel via un mystérieux conteneur rempli d’un liquide vert. Carpenter ne prend pas de gants avec son casting et le sacrifie, le démembre, le transforme en zombie, le tout dans un déluge de scènes chocs et parfois gore ! Ne laissant aucun répit au spectateur, le film progresse paradoxalement très lentement et tel un rouleau compresseur, se dirige vers une fin totalement imprévisible et d’un pessimisme noir ! On sent que Carpenter dépité par les déboires qu’il a connus dans sa carrière récente n’a pas du tout envie de faire plaisir aux spectateurs ! Pas de bons mots, pas d’explications superflues (certains aspects du film comme la présence de ces clochards resteront dans l’ombre), pas de clin d’œil. La seule petite concession réside en la présence d’un personnage asiatique un peu moins sérieux, mais c’est une goutte d’eau dans un océan de noirceur !
Pour ne pas exploser un budget ridicule, Carpenter opte pour une unité de lieu (une église désaffectée) et un casting dont les seuls visages connus sont Donald Pleasance (vieux complice du cinéaste sur Halloween et NY 97) est celui d’Alice Cooper . La rock star incarne le leader d’une bande clochards meurtriers, visiblement possédés par le liquide et qui empêchera toute personne de sortir de l’église. Sans prononcer une parole, Cooper impose une présence inquiétante mais que ne justifiera jamais le scénario. Carpenter balance à la face du spectateur un mal invisible qui contamine tous les protagonistes. Mais le fait que ce soit des sans-abri qui soient le bras armé du mal à l’état pur en dit long sur son ressentiment envers l’Amérique des années 80, coupable à ses yeux de laisser des milliers de laisser pour compte errer dans les rues sans but. Il poussera cette métaphore bien plus loin avec Invasion Los Angeles ! Ici, le clochard se venge d’une société qui l’ignore et qui le méprise.
Malgré l’étroitesse du budget, Carpenter n’entend pas limiter son visuel et les effets de maquillage. Certains effets spéciaux sentent le bricolage (comme le liquide qui s’écoule vers le haut, filmé en fait avec une caméra la tête en bas) et les conditions spartiates de tournage du film décuple son ingéniosité, comme sur ses tous premiers métrages.
Prince des ténèbres est une œuvre totalement maîtrisée par Carpenter : le cinéaste en signe le scénario sous le nom Alan Quatermass et il en a supervisé tous les aspects de la production.
Mais alors que l’histoire s’avance vers un fin apocalyptique, Carpenter ose sacrifier le seul personnage vraiment sympathique et renvoie l’anti-dieu dans les ténèbres ! Une fin d’anthologie qui choqua énormément et qui continue de faire débat ! Tout autant que les ultimes images du film qui nous remettent en question une bonne partie de ce que nous venons de voir, assorti d’un effet choc qui sera repris quasiment au plan près dans L’antre de la folie (rappelez vous le premier cauchemar de Neil).
Prince des ténèbres est une pierre angulaire de l’œuvre du cinéaste le plus sous-estimé de l’histoire, un joyau noir et brutal sans concession qui, près de 25 ans après sa sortie, continue d’éblouir le cinéphile épris de fantastique !