Le ptich : alors qu'elle assiste aux derniers moments d'un ethnologue européen, une jeune doctoresse semble revivre les souvenirs de ce dernier et sa rencontre avec d'étranges nomades urbains.
Le tout premier film de John McTierman, malgré son manque évident de moyens, contient déjà tout le cinéma de l'immense réalisateur de Piège de cristal ! Et au-delà d'un scénario, écrit par le réalisateur, il déroule finalement tout ce qui fera la substance de ce qu'affectionne McT.
Ainsi, ce plan où Pierce Brosnan lance dans le vide un de ses assaillants est le brouillon de la chute d'Alan Rickman dans le premier Die Hard (et parodiée par Arnold Schwarzenneger dans Last action hero).
Ainsi, Jean Charles et Monique Pommier, l'ethnologue européen et sa femme, mélangent allègrement le français et l'anglais. Or, dans la plupart de ses films, McTierman aime à travailler avec d'autres langues : l'allemand dans ses Die Hard, le russe dans A la poursuite d'octobre rouge, la langue des vikings dans Le 13e guerrier. Enfin, Le premier tiers de Rollerball aurait du voir le héros plonger dans un monde où les langues asiatiques règnent en maître, sans qu'il ne puisse comprendre le moindre traitre mot. Le studio avait vite mis le hola, hélas.
Ainsi, la mise en scène , brillamment découpée et impeccablement cadrée, n'a rien à envier avec les sommets qu'il atteindra dans sa grande période 87-95, celle qui le verra égaler James Cameron.
Mais c'est surtout sa direction d'acteur que l'on voit naître ici. Ceux qui connaisent par coeur ses films (votre serviteur par exemple) savent que McTierman aime diriger ses acteurs, les pousser là où ils ont peu l'habitude d'aller.
Avez vous déjà vu Alec Baldwin meilleur que dans A la poursuite d'Octobre rouge ? Antonio Banderas n'a-t-il pas atteint un sommet avec le 13e guerrier ? Schwarzie avait bel et bien trouvé l'un de ses meilleurs rôles dans la dernière partie de Prédator , non ? Travolta ? Revoyez Basic !!! Sean Connery ? Immense dans Octobre rouge et sauvant quasiment Medecine Man, seul film que peut regretter McT.
Quand à Bruce Willis, c'est bel et bien Piège de Cristal qui le lança dans le grand bain et qui en fait la star que l'on sait.
Dans Nomads, McT dirige donc Pierce Brosnan, 10 avant James Bond. Il le retrouvera 13 ans plus tard pour Thomas Crown. Barbu, Brosnan se livre donc à une composition complexe, celle d'un homme qui découvre d'étranges créatures dans Los Angeles. Des fantômes ? des zonnards ? des esprits ? Le scénario ne le dit pas vraiment, même si la scène finale (un pitch qui remet forcément en question tout ce que l'on vient de voir) permet au spectateur de se faire sa propre idée. Après sa mort, c'est donc une doctoresse qui va revivre tout son parcours avant que le film ne bifurque vers une version "heavy metal" d'Assaut !
En filmant Los Angeles la nuit, souvent dans des quartiers délabrés ou des décors naturels Mc Tierman utilise ses maigres moyens au service de sa mise en scène. Les nomades semblent sortis tout droit d'un clip de Motley Crüe et, s'ils font désormais quelque peu cliché de nos jours, l'utilisation de leurs silhouettes emblématiques est merveilleusement bien captée. Je me répète, mais Nomads n'est pas qu'un brouillon de ce sera plus tard le grand McT. C'est bel et bien l'essence de son cinéma. Dans tous ses films, la notion de groupe est importante, que le groupe soit d'un côté du bien (Octobre Rouge, le 13e guerrier, Predator) ou du mal (les malfaiteurs de Die Hard 1&2, le jeu trouble des Marines de Basic). Ici , les nomades se shootent au heavy metal, en adoptent les codes (et la musique, la bande son est un savant mélange de sons électroniques, magnifiés par les riffs tranchants de Ted Nungent, sans doute l'un des plus grands guitaristes du hard rock américain) et errent dans une ville tentaculaire, spectrale en quête d'on ne sait quoi.
Presque 30 ans après sa sortie, il faut impérativement redécouvrir Nomads, que j'avais eu la chance de voir dans une double programmation en 1988. Le film est disponible en DVD , mais une version Blu-ray nantie de quelques bonus vient de sortir aux USA. Et même si je rachète rarement mes disques, je ferais sans doute une exception pour Nomads.
Car après tout, un cinéaste de la trempe de McTierman ne se trouve pas tous les jours. Et au final, il a réalisé tellement moins de film que son immense talent pouvait le laisser espérer...