Le pitch : K, un répliquant de nouvelle génération, chargé de traquer les vieux modèles Nexus qui se cachent encore sur Terre depuis 30 ans, découvre une chose qui pourrait changer la face du monde et va, petit à petit, être amené à changer de camp.
Le chef d'oeuvre de Ridley Scott est sans conteste l'un des plus beaux films de toute l'histoire du cinéma ! Une oeuvre parfaite où le visuel grandiose se conjugue à un scénario palpitant et une mise en scène d'anthologie. Et malgré les différentes versions, Blade Runner que cela soit celui de 82, 92 ou 2002, est inscrit au panthéon du cinéma.
Autant dire que la mise en chantier d'une séquelle avait de quoi inquiéter, surtout aussi longtemps après. La nomination (et l'adoubement par Scott) de Denis Villeneuve a tempéré ses inquiétudes. Puis la bande annonce a clairement montré la direction prise et enfin la vision du film a confirmé que Blade Runner 2049 s'inscrivait de manière magistrale dans les pas de son aîné.
Il aurait été tellement facile de massacrer la "franchise" en banalisant le propos, en en faisant un simple film d'action alignant les scènes spectaculaires ou en affadissant le propos. L'intelligence des concepteurs de la séquelle a été de se rappeler ce qu'est Blade Runner, et non pas de le faire à leur sauce.
Qui plus est, on a droit à une véritable suite et non un faux remake. L'histoire parle toujours de ce qu'est un être humain, ce qui le définit, mais la quête de K ajoute une couche supplémentaire : et si l'humain artificiel pouvait dépasser l'homme y compris dans le domaine de la création ?
C'est cette question qui est au centre du film et de la recherche de K. Simple "objet" obéissant aux hommes qui pourtant le méprisent, le répliquant (interprété subtilement par Ryan Gosling) va petit à petit s'émanciper de sa tutelle humaine pour tenter de vivre sa propre existence. Sa quête va l'amener à retrouver Dekkard, toujours en vie après les évènements de 2019. Et si l'ambiguïté du premier film n'est plus de mise (d'entrée, la couleur est annoncée : K est un répliquant), la rencontre entre les deux personnages, outre le fait de créer un pont entre les deux films, permet surtout de rappeler à quelques égarés que Ford est un grand acteur et que son panthéon personnel (Han Solo, Harrison Ford, Dekkard, Richard Kimble ou Jack Ryan) ne sera sans doute jamais égalé. La vieillesse lui va comme un gant et le script joue de cette façon dont l'ancien Blade Runner a évolué, comment il s'est caché après s'être enfui avec Rachel.
Visuellement, le film est également à la hauteur de son aîné. Mais on pourrait dire que c'est la partie la plus facile, vu que les moyens colossaux (150 millions de dollars de budget) ont rendu la partie plus simple. Sauf que lorsqu'on lit les articles sur les SFX, on s'aperçoit que les concepteurs des effets visuels ne se sont pas contentés de simples images de synthèse mais, au contraire, ont utilisé des maquettes, des plateaux réels... A l'instar de Christopher Nolan qui ancre ses effets dans la réalité, Villeneuve a voulu que son Blade Runner 2049 soit physiquement présent et non entièrement issu d'ordinateurs ! La vision pessimiste qu'il propose prolonge évidemment celle de Ridley Scott, même si les lieux visités par ce film sont quasiment vides le plus souvent (le Las Vegas de 2049, les fermes californiennes, la "plage" de la scène finale) alors que ceux du film original grouillait comme des fourmilières. Mais le climat est toujours aussi déréglé, la brume et la pluie omniprésente et même les décors mégalomaniaques de la Wallace Corporation, qui a pris le relais de la Tyrell Corporation, évoque un monde qui n'est plus tout à fait conçu pour l'homme.
A cela s'ajoute des trouvailles exceptionnelles comme ce programme informatique qui permet à K de s'inventer une vie sentimentale et qui va s'avérer bien plus qu'un simple gadget. Les effets visuels permettant la création de la "compagne" sont également extraordinaires. Mais comme pour l'original, ils sont toujours au service du film.
La musique participe également de la réussite. En s'inspirant du score électronique de Vangelis, Hans Zimmer supervise un score tout en élégance et en longues plages planantes. Les deux musiciens à son service n'ont pas non plus cherché à "moderniser" le travail mais bel et bien à rendre hommage. Certaines scènes sont sublimées par la bande originale, notamment les moments où K survole la ville.
Enfin, il faut parler de la mise en scène de Denis Villeneuve. Il s'inscrit dans les pas de Ridley Scott tout en gardant son propre style, ce qui est tout de même exceptionnel ! Jamais il ne cherche à ré-inventer la roue, mais jamais il ne cherche non plus à renier sa façon de faire. En fait, il se met au service de l'histoire tout en faisant son film. Si Scott avait été aux commandes de cette séquelle (on sait qu'il en parle depuis 1995), le film aurait été sans doute différent.
En soi, Blade Runner 2049 est donc, à mes yeux, une réussite totale, qui place la barre très très haute. S'il est encore trop tôt pour savoir si l'aventure continuera (les résultats mondiaux sont corrects, mais sans doute loin des espérances de Sony), contentons nous de ce que nous avons déjà : deux chefs d'oeuvre réalisés à 35 ans de distance par deux visionnaires ! Franchement, c'est déjà exceptionnel !