Le film étant sorti depuis près de 3 mois, je peux donc publier cette 2e chronique qui contient moults spoilers et qui expliquera mieux les défauts que j’ai trouvés dans Le réveil de la Force. Cela ne change rien à la note (j’ai revu le film en salle), mais il est clair que, contrairement à ce que claironnent Disney et Abrams, on est en deçà du reste des Star Wars.
Si la prélogie avait su aller dans une direction totalement différente de la trilogie classique, au grand dam de certains fans qui n’avaient pas du tout apprécié que Lucas raconte l’histoire d’Anakin et non celle de Dark Vador, cet épisode VII pose les bases d’une nouvelle trilogie moins novatrice.
Et c’est sans doute le principal défaut de ce film : son manque d’ambition narratif et la relative paresse de son intrigue.
Car tout spectaculaire qu’il soit, Le réveil de la force se contente trop souvent de reprendre la trame d’Un nouvel espoir. Ainsi, nous avons droit à un résistant qui cache des informations vitales dans la mémoire d’un droïde sur une planète désertique. On rappellera que dans l’épisode IV, la rebelle Leïa cachait les plans de l’étoile noire dans R2D2 au dessus d’une planète désertique, Tiintouine.
Puis ces informations sont récupérées par une jeune femme, Rey, après qu’elle eut sauvé BB8 d’un trafiquant de matériel. Pour mémoire, Luke récupère R2D2 auprès des Jawas qui faisaient aussi du trafic de robots.
Rey va alors rencontrer un déserteur de l’Empire, Fin et ensemble ils vont réussir à s’échapper de Jaaku dans le faucon millénium. Là, en poussant, on peut faire une analogie entre Han de l’épisode IV, même si Fin est moins roublard que le contrebandier. La bataille de Jaaku renvoie également au moment où le faucon s’échappe de l’étoile noire et que Luke se découvre des facultés exceptionnelles pour détruire des chasseurs TIE. Ici, c’est Fin qui fait office de Luke.
On peut reprendre pas mal d’exemple : Rey qui découvre la force petit à petit, l’attaque de Starkiller, étoile de la mort puissance 10, l’infiltration de cette même base par un petit commando où figure Solo et Chewbacca (là, on convoque Le retour du Jedi), la mort de Solo sous les yeux de ses amis évoque celle d’Obi Wan, le duel entre Tyko Ren et Rey basculant au moment où l’adepte du côté obscur se propose de former Rey, déclenchant sa colère, de la même manière que Luke attaquait violemment son père quand ce dernier se proposait d’entraîner Leïa sur le chemin du côté obsur.
Même les planètes sont fortement inspirées de la trilogie classique ! Jaaku, c’est Tintouine, Starkiller c’est Hoth, le repaire de Maz, c’est la lune forestière d’Endor, la base de la résistance renvoie à Yavin, avec ces bâtiments à moitié enterrés…
JJ Abrams a clairement voulu rendre hommage aux épisodes IV,V,VI et fait une impasse quasi totale sur la prélogie qu’il déteste. Il a plus fait une oeuvre de fan que de cinéaste. On comprend mieux la réaction négative de Georges Lucas à la vision de ce film. Certains ont évoqué la jalousie du cinéaste, mais il faut savoir que la trame générale des épisodes VII, VIII, IX avait été écrite par Lucas (et ce depuis de nombreuses années). Disney, Kasdan et Abrams ont préféré partir d’une page blanche.
Bien entendu, on peut argumenter que, si Lucas ne voulait pas que l’on trahisse son oeuvre, il n’avait qu’à réaliser (ou faire réaliser) cette nouvelle trilogie. Ce n’est pas faux et l’âge n’est pas une excuse. Quand on voit le travail démentiel qu’accomplit Ridley Scott en matière de film épique, Lucas avait les moyens de garder la main sur sa saga.
Maintenant, je pense que la nouvelle équipe créative aurait pu respecter un minimum sa trame. Car il y avait tant à faire de différent , ne serait-ce qu’en piochant dans l’univers étendu. L’idée d’exiler Luke suite au massacre de ses chevaliers est brillante, mais n’est ce pas une redite de Yoda s’exilant sur Dagobah suite au massacre des Jedi sur Coruscant ?
Dans une des rumeurs qui ont parcouru le web avant la sortie du film, Luke était Tyko Ren et c’est lui qui tuait Solo. Cette idée aurait été interprétée comme sacrilège, mais dans une des meilleurs BDs de l’univers étendu, L’empire des ténèbres, Luke se mettait au service du clone de l’Empereur et dirigeait ses armées, avant de le détruire totalement avec l’aide de sa soeur. Cette direction aurait été intéressante à prendre.
De même pourquoi ne pas avoir fait de Leïa une adepte de la force ? C’est une Skywalker et le don de son père est également passé en elle. Dans Le réveil de la force, la seule allusion est sa perception de la mort de Han, tout comme Yoda sentait la mort des Jedi quand il était sur Kasshyx. On peut même pointer une incohérence : Leïa ignore où est son frère, mais elle savait parfaitement où il était quand il était blessé sur Bespin. Pourquoi la force ne l’aide-t-elle pas à retrouver Luke ? A-t-elle rejeté ce don ? Si oui, pourquoi ? Bref, plutôt que de se focaliser sur des pistes qui sont parfois des redites, le script aurait gagné à reprendre des éléments de la trilogie classique que l’univers étendu (rejeté par Disney et ravalé au rang de « légende ») ont osé.
D’un point de vue visuel, l’épisode VII entend renouer avec les effets « classiques » de la trilogie et casser le côté 3D de la prélogie. Mais là aussi, il y a surtout une grosse campagne de communication car, contrairement aux dires de certains, la prélogie contenait bien plus de maquettes que la trilogie. Rien que La menace fantôme en a utilisé plus que les épisodes IV,V,VI. Qui plus est, tous les vaisseaux durant les batailles du Réveil de la force ont été faits en image de synthèse. Comme dans la prélogie. On notera que l’Oscar a échappé à ILM car l’académie a estimé que le film n’apportait rien en matière de nouveautés visuelles.
On a beaucoup parlé du retour des créatures en vrai, du latex et des masques. Mais là aussi, les épisodes I,II,III en contenaient énormément que cela soit les dirigeants de la Fédération, des membres du sénat, des habitants d’Utapau, de certains Jedi, de l’entourage de Palpatine… D’ailleurs, Abrams n’a pas renoncé aux personnages en 3D. Snoke et Mas Tamaz sont des personnages virtuels, même s’ils ont été créés en motion capture et non en animation pure comme Grivious et Jar Jar Binks.
Et là aussi soyons honnête. Lors de la sortie du Retour du Jedi, on avait énormément critiqué la scène du palais de Jabba. Certains estimaient qu’on avait affaire au Muppets show dans l’espace. Dans Le réveil de la force, la scène du tempe de Mas Tamaz est un hommage direct à celle du palais de Jabba. Mais , comme par magie, ce qui était critiquable en 1983 devient formidable en 2015. Pire, on estime que c’est prendre le contre-pied de Lucas.
D’ailleurs la surabondance de créatures donne la même impression que les épisodes I,II,III et VI : il y en a beaucoup, donc on n’a pas vraiment le temps de s’attarder dessus et du coup. On a , comme pour Jedi, l’impression qu’ils servent à meubler certaines scènes. Si on peut être heureux en tant que fan de revoir l’amiral Ackbar ou Nium Dumn, leur présence est-elle vraiment utile ?
On peut aussi ajouter au rayon des déceptions relatives, le sous-emploi de certains personnages. Poe Dameron est présent au début du film à tel point qu’on pourrait penser qu’il est le héros, puis disparait pendant une heure avant de revenir mais dans un rôle assez proche de celui de Luke à la fin d’Un nouvel espoir et dans un contexte similaire à savoir l’attaque d’une base sidérale.
Enfin, l’un des points les plus agaçants du film est le manque d’informations concernant le contexte de l’histoire. Le point fort d’Un nouvel espoir, en 1977, était le fait que le spectateur qui n’avait jamais entendu de l’Empire, de la guerre des Clones, des Jedi, etc.. n’était pas du tout perdu. Idem pour La menace fantôme : la mise en place de l’univers des I,II,III se faisait progressivement au détour de certains dialogues (quelques phrases suffisent pour expliquer le contexte du sénat et de la République) et de plans larges. Dans Le réveil de la force, le spectateur attentif se demande pourquoi des vaisseaux se sont écrasés sur Jaaku, pourquoi la nouvelle République ne combat par le premier ordre et pourquoi la Résistance existe, qui sont ces personnages masqués qui massacrent les Jedi avec Kylo Ren…. Les réponses existent : il y a eu au dessus de Jaaku la dernière bataille entre l’Empire et les Rebelles, la République a préféré devenir pacifique et ne veut pas d’armée, en souvenir de très mauvais usage que Palpatine fit des clones, la Résistance est une armée privée et financée par Leïa, il existe un ordre de chevaliers adeptes du côté obscur appelé Chevalier de Ren…. Ok, mais pour savoir tout ceci, il faut se tourner vers L’encyclopédie du Réveil de la force, un bouquin richement illustré, mais que tout le monde n’aura pas lu.
Or pour moi, un film doit se suffire à lui seul et non pas dépendre de son univers étendu. Bien sur, la majorité des spectateurs ne creusera pas à ce point les trous de l’histoire (mes enfants ne se sont posés aucune question à la vision du film). Quelques lignes dans le déroulant qui apparaît après le titre aurait été judicieuses pour expliquer la situation de la galaxie.
Ce déroulant qui est d’ailleurs très mal écrit tant les répétitions sont nombreuses. Au final, bien peu d’informations alors que ceux des épisodes I à VI en étaient parfois trop saturées.
De toutes façons, ces quelques critiques ne changeront rien : Le réveil de la force a été un immense succès. Et si aux USA, le nombre de tickets vendus n’a pas dépassé Un nouvel espoir, en France, avec plus de 10 millions de spectateurs, on est bien au delà des scores habituels de la saga.
En fait, c’est surtout lors de la sortie de l’épisode VIII que l’on mesurera l’impact du film (je ne pense pas que le spin off - Rogue One sera un aussi gros triomphe). L’attaque des Clones, pourtant supérieur à La menace fantôme, a été un moindre succès parce qu’une partie des fans avait été déçue par le premier épisode de la prélogie. Si l’on passe un peu de temps sur les forums, on voit rapidement que certaines critiques sont bien plus dures que les miennes. Une partie du public a été déçu, ce qui est logique. Tout comme pour l’épisode I, tout le monde s’était imaginé cet épisode VII sans forcément s’y retrouver.
Personnellement, ce que j’ai moins apprécié dans ce reboot, c’est l’arrogance de la production et la façon dont Lucas a été écarté. On peut reprocher un tas de truc au bonhomme, mais c’est oublier que sans ses idées et sa volonté, jamais Star Wars n’aurait vu le jour. Les 6 premiers épisodes n’ont dépendu que de lui, pour le meilleur et pour le pire, mais il y avait une vision. Désormais, Star Wars est passé dans un environnement plus complexe, plus trouble. Il n’y a plus une personne qui dirige ce monde, mais tout un ensemble, ce qui entraîne forcément plus de discussions (ce qui peut être profitable) mais aussi plus de compromis.
Personne ne sait vraiment comment va évoluer la saga d’un point de vue commercial. Si l’on en croit Disney, la trame des épisodes VIII et IX étaient établie dès l’écriture de l’épisode VII. Là aussi, il faut se rappeler que Lucas a eu le courage de corriger son travail en cours de route, tenant compte des réactions des fans (la quasi-disparition de Jar Jar Binks, Jango Fett « père » des clones). Je ne suis pas sûr que Disney ira dans cette direction.
Ce qui ne m’empêche pas d’attendre avec impatience Rogue One et Tales of the Jedi Temple (le titre que pourrait avoir l’épisode VIII).
Après tout, on est fan ou on ne l’est pas !