Le pitch : pour endiguer une vague de crime à Détroit, un programme industriel décide de lancer un nouveau type de flic : un cyborg mi-humain mi-robot, Robocop !
Alors que la sortie du remake est imminente (et totalement inutile à mon avis), c'est le moment de revenir sur ce chef d'oeuvre de la SF brutal, un film insurpassable et éclaboussé par le talent du génial Rob Bottin , sans doute l'un des plus grands maquilleurs du siècle et dont personne ne sait pourquoi il a abandonné le métier au sommet de sa gloire.
En 1987, Paul Verhoeven signait son premier film de SF sur le sol américain, le premier d’une trilogie officieuse qui se poursuivrait avec Total Recall et Starship Troopers. Et pour ce premier coup d’essai, il signait surtout un coup de maître !!
Violent, politiquement incorrect, cynique, Robocop est tout simplement une vision totalement décalée de l’Amérique des 80’s vue par un Européen. Le thème n’est qu’un prétexte à vilipender les aspects les plus vils des USA, quitte à les exagérer fortement et à surfer sur les figures classiques voire clichesques de cette décennie où argent roi rimait avec vulgarité. Ainsi, les personnages sont bien catégorisés : le jeune cadre aux dents longues, prêt à marcher sur les autres pour réussir et pour qui une soirée réussie ne se conçoit pas sans cocaïne et prostituées, le vieux requin des affaires qui n’hésite pas à éliminer physiquement ses concurrents, le truand sans morale et sa bande d’acolytes tout aussi accro à la violence... Sans oublier la figure du flic héroïque.
Bref, il ne faut pas chercher dans Robocop une quelconque recherche sur les personnalités. Ni un scénario bien complexe. Dès les premières scènes, on comprend comment le film va évoluer et la seule « surprise » vient de l’alliance entre l’homme d’affaire et le truand (une idée d’ailleurs reprise, de manière légèrement différente dans Demolition Man).
Mais là n’est pas le propos. Vu au premier degré, Robocop n’est qu’une tentative réussie d’offrir un film d’anticipation violent et offrant au spectateur son lot d’adrénaline. Et même édulcoré par la censure (une version longue, paru en LD NTSC, offre des scènes bien plus gores, notamment lors de la mort de Murphy), Robocop ne fait pas dans la dentelle : membre arraché à coup de feu, corps rongé par l’acide, impacts de balles sanguinolents, le spectateur en prend pour son grade et le mépris de la vie affiché par certains personnages peut franchement mettre mal à l’aise. Avec un peu de retard, Verhoeven s’inspire ouvertement du premier Mad Max ou de la série Un justicier dans la ville. Pour lui, la violence graphique est un passeport pour attirer le public et faire passer ses idées.
Car au deuxième degré, le film en met plein la figure à l’Amérique. Comme je l’ai dit, Verhoeven n’hésite jamais à forcer le trait, à mettre le spectateur devant ses propres démons. La société consumériste est mise en pièce par des publicités géniales (un concept repris dans Starship Troopers) et tous les personnages ont leur face cachée. L’Amérique est alors montrée comme une société ultra violente, où l’on écrase l’autre avec des armes ou à coup de petites phrases lors d’un conseil d’administration. Une société où l’on profite de la mort d’un cadre innocent pour placer son idée. Une société où les riches pactisent avec le diable pour augmenter leur profit et où l’on sacrifie un policier pour pouvoir lancer son projet. Bref, une vision quasi marxiste de l’Amérique.
Avec la « venue au monde » de Robocop (fabuleuse scène où le spectateur ne le verra que dans le reflet d’un miroir dans un premier temps), le film prend une direction encore plus directe et rentre-dedans. Robocop n’est dans un premier temps qu’une machine aux ordres d’un cartel (et non de la police), puis il décide de se faire justice lui-même quand il comprend qu’il a eu une autre vie. À partir de là, les émotions prennent le pas sur la machine, mais la puissance de feu du cyborg le protège. Reste à trouver une façon satisfaisante d’éliminer le traître et là aussi, Verhoeven ne perd pas de temps : une phrase, un coup de feu et le tour est joué. Le film s’arrête sur un ultime clin d’œil et la preuve que Robocop est redevenu Murphy.
L’un des atouts du film réside dans ses effets visuels, étonnants pour l’époque et utilisant toute la palette des moyens existant avant l’arrivée en masse des images de synthèse. Le maquillage de Rob Bottin est hallucinant et les animations images par images témoignent d’une virtuosité quelque peu désuète, mais toujours aussi réjouissante. Verhoeven sait agencer les effets visuels, en tirer parti et il le prouvera à nouveau avec Total Recall et Starship Troopers. Et même si son budget n’est pas énorme, il sait le presser au maximum et se sert de tous les trucs possibles pour donner l’impression qu’il en a bien plus.
Robocop est bel et bien un monument du 7e art, malgré quelques petites scories de ci de là ! Donc, je repose ma question, quel est l'intérêt de le refaire en 2014 ?