Le pitch : Reed Richards, Johnny et Suzan Storm, et Victor Von doom , 4 jeunes brillants étudiants travaillent depuis des années sur la téléportation. Le jour où ils réussissent enfin à envoyer un être vivant dans une autre dimension, ils décident de faire eux même le voyage, entraînant avec eux un ami d'enfance de Reed, Ben Grimm. Mais tout ne va pas se passer comme prévu.
Une précision : si j'ai pu voir le film, c'est parce qu'il était offert dans le menu d'une célèbre chaine de restauration rapide. Et surprise, malgré les trahisons délirantes du comics, on est loin de la catastrophe décrite par certains, si on passe, évidemement, sur les défauts du film.
Les différences entre le comics de Lee et Kirby et cette nouvelle version cinéma sont tellement nombreuses que l'on a parfois l'impression de regarder quelque chose de totalement différent. Passons sur la jeunesse des personnages, sur le fait que Suzan ait été adoptée par un scientifique noir et que son demi-frère soit (logique) noir aussi. Passons aussi sur la famille très "cassos" de Reed, sur ses déboires scolaires. En fait, dans les 20 premières minutes, la seule ressemblance avec le comics réside dans le fait que Ben et Reed sont amis depuis longtemps. Ca fait peu.
L'arrivée de Victor Von Doom dans l'histoire reprend quelques éléments, non pas du comics, mais du film de 2005. Si il est, comme à l'origine, un étudiant brillant, le scénario laisse entendre qu'il a eu une aventure avec Suzan. Or, dans le film de 2005 (qui était finalement plus proche de l'histoire originale) Doom et Suzan étaient carrément en couple. Pour le reste, on s'éloigne à nouveau avec une équipe de teenagers tentant de téléporter de la matière organique dans une autre dimension. Exit donc la course aux étoiles, les rayons cosmiques, l'accident de Fatalis et la naissance de la super équipe, la première du Marvel Universe de 1961.
A la place, on a donc une machine qui va téléporter Ben, Reed, Johnny et Victor sur une planète inconnue et où ils vont acquérir leur pouvoir, même si Victor en restera prisonnier. Suzan aura les siens lors du retour en catastrophe du trio. La suite s'éloigne encore plus du comics : Reed s'enfuit, Ben et Johnny se mettent au service de l'armée tandis que Suzan travaille ses pouvoirs dans la même base secrète que ses 2 compagnons. En fait, à ce niveau de l'histoire, le seul point commun avec le comics est le pouvoir des 4 fantastiques. Vouloir ré-écrire l'histoire des FF n'était pas une mauvaise chose, mais modifier à ce point la structure d'une histoire universelle ne pouvait que faire hurler les fans. L'amateur éclairé aime qu'on le surprenne, mais que l'on casse son jouet. Marvel Studios a merveilleusement compris ce principe : les origines de ses personnages sont proches de ceux des comics, mais elles se permettent une modernisation discrète. Ainsi, Tony Stark devient Iron Man en Afghanistan et non plus au Viet-Nam. Par contre, l'introduction de Captain America est très proche de la version originale.
Une fois ces couleuvres avalées et cette ré-écriture acceptée (et dont les éléments n'ont absolument aucun point commun avec les 55 ans d'histoire des FF), on assiste cependant à un film plutôt agréable, mais très lent. Il est clair que Josh Trank a cherché à moderniser le récit originel et à l'ancrer dans la réalité. Il est évident aussi qu'il a voulu prendre son temps pour présenter les personnages et le concept (la première scène d'action intervient au bout de 45 minutes). Enfin, je ne pense pas qu'il ait cédé aux sirènes du politiquement correct en modifiant ainsi certains personnages, mais plutôt qu'il s'est laissé séduire par l'idée de donner une nouvelle impulsion à une équipe que tout le monde connait. Le souci est que la mayonnaise prend moyennement et que le côté artificiel des relations est trop apparent. Enfin, le charisme des acteurs laissent un peu à désirer. Si Michael B.Jordan est plutôt convaincant, Kate Mara n'a pas le côté espiègle et innocent de la Suzan que l'on connait. Jamie Bell disparait très vite sous un costume de Motion Capture pour devenir la chose (très réussie d'ailleurs) et Miles Teller ne donne pas non plus une image fidèle du Reed Richards dessiné.
Mais le défaut principal du film réside en fait dans son manque d'ambition et il devient clair que le conflit entre le studio et Josh Trank a laissé des traces. On sait que la Fox a mis en chantier ce film pour ne pas perdre les droits, mais le limogeage du réalisateur a montré que tout ne tournait pas rond. La durée déjà : à peine 1H30. Sachant qu'il faut une bonne heure pour que les éléments entre les FF et Fatalis se mettent en place, il reste très peu de temps pour l'affrontement final. Le film a coûté 120 millions de dollars, mais très honnêtement, on ne les voit pas à l'écran. Il y a peu de décors en durs (le petit making of du DVD montre énormément d'écrans verts), la bataille finale est expédiée en un coup de poing de la chose et on ne peut pas dire qu'il y ait des milliers de figurants à gérer. Les coupes ont dû être drastiques pour arriver à uné longueur aussi courte et la mauvaise communication de la Fox , qui ne croyait plus au film, ont fait le reste : Les 4 fantastiques est un projet vidé d'une partie de son contenu, pas assez emballant pour concurrencer les films Marvel ou DC.
Maintenant, malgré les défauts cités, on ne peut pas dire que l'on soit en face d'un mauvais film. on peut être déçu par les trahisons multiples, le rythme pépère, les raccourcis scénaristiques ou la sobritété de l'action, mais il faut admettre que cette relecture tient plutôt bien la route si on met de côté les 55 ans de Comics. La mise en scène est excellente, prenant le temps de bien présenter ses plans (le montage est à l'image du film : lent, mais très pro) et les personnages secondaires sont plutôt attachants.
L'échec commercial du film (167 millions de recette en tout et pour tout contre 330 et 289 pour les films de Tim Story - qui avait coûté 100 et 130 millions) s'explique aisément et montre qu'il n'est pas si simple de faire un long métrage de super héros, qu'il faut mettre un minimum d'atout de son côté. Paradoxalement, cette version rehausse le souvenir des 2 films de 2005 et 2007 qui n'étaient pas trop mal, plus proche du matériel d'origine, mais plombé par un second degré parfois pesant. Mais dans l'état, ce FF 2015 reste un métrage sympathique, prompt à passer une bonne soirée. Reste que l'échec a condamné définitivement les personnages (et poussé Marvel a supprimé le comics après le crossover Secret Wars, même si l'éditeur s'en défend) et qu'on n'est pas prêt de revoir la famille Storm à l'écran. A moins que, comme pour Spider-Man, Marvel Studios réussit à récupérer les personnages.