Le pitch : Superman est mort, les vilains se multiplient. Amanda Waller, membre occulte du gouvernement, décide de monter une équipe clandestine uniquement constituée de super-méchants largement sacrifiables afin d’arrêter une menace totalement inédite.
3e étape du DC Cinematic Universe, Suicide Squad était sans doute le projet le plus « casse-gueule » de cette migration du papier vers le grand écran.
Casse-gueule ? Oui , car des personnages, à l’exception du Joker, peu connu grand public ! Un Comics assez glauque et ne parlant qu’aux fans HC de la Distinguée Concurrence, même si sa première version date de 1959 (une version plus proche du film paru de 1987 à 1992) ! Un réalisateur, David Ayer, qui n’a pas encore de « gros » films à son actif (Fury n’était pas un projet à 100 millions de dollars) et des stars, Will Smith et Jared Leto en tête pouvant facilement phagocyter le film.
A l’arrivée ? Un film certes pas parfait mais remplissant totalement son contrat, un festin esthétique (et auditif !! Mâtin, quelle bande originale) et de l’irrévérence comme s’il en pleuvait. Après donc un Man of Steel fondateur, un jouissif Batman vs Superman bourrin à souhait, Suicide Squad permet donc de passer un moment franchement agréable et de s’immerger un peu plus dans un univers bien éloigné de celui de Marvel. Et même si certaines critiques ne l’ont toujours pas compris en France (il est vrai que la chaotique édition de DC chez nous n’aide pas), le fan ne peut que se retrouver dans cette première aventure des super-salopards de Gotham ou Metropolis.
Bien entendu, on n’échappe pas au syndrome « Je mets le maximum de gens dans une cabine téléphonique » ! Il faut gérer l’origine des super-vilains (sauf le Joker), jongler avec les flashbacks, laisser une petite place à Batman et une microscopique à Flash, introduire tout ce qui entoure l’organisation clandestine et ne pas oublier la menace à combattre. Cela dit, l’Enchanteresse est présente très rapidement dès le début du film, même si son statut n’est pas d’une clarté biblique. On gagne un peu de temps car on a que 2 heures pour remplir le cahier des charges.
Du coup, certains personnages sont quelque peu sacrifiés. Une ou deux scènes, voire une ou deux lignes de dialogues et hop, on a un nouveau super-méchant en boîte. Dans la fine équipe, Deadshoot et Harley Quin se taillent évidemment la part du lion. Deadshoot parce que c’est quand même Will Smith (la première scène du film est pour lui, torse nu et étalant sans complexe une musculature impressionnante). Harley parce qu’elle la seule vraie méchante de l’équipe et que son habitude de porter des vêtements très courts ne peut qu’illuminer l’écran. Même le Joker n’a pas le temps d’exposition que son statut mérite, mais à la décharge du studio, il ne fait pas partie du Suicide Squad. Et puis dans les quelques scènes où il apparaît, il crève l’écran et on a évidemment hâte de le revoir plus longuement , sans doute dans le Batman que prépare Ben Affleck.
Au delà de personnages peu connus du grand public (hormis le Joker, on est vraiment dans la culture comics du spécialiste), le film aligne surtout un nombre impressionnant de scènes d’exposition qui, petit à petit, amène au coeur du film : une menace mystique dont on découvrira la vraie nature dans le 2e tiers de l’histoire. A la différence de classique film de super héros, à savoir les origines du héros, du vilain , les premières épreuves puis l’affrontement final, ici tout est quelque peu emmêlé. Après tout, les personnages sont censés exister depuis longtemps dans le monde du film et on sent la volonté du réalisateur d’aller très vite vers l’affrontement entre l’équipe de méchant et la méchante encore plus méchante. Dit comme cela, ça a l’air ridicule, mais c’est tout à fait cela !
D’autant que le film évite tout manichéisme, ce qui constitue un paradoxe tant DC a longtemps eu cette étiquette. Ce n’est plus vrai depuis longtemps, avec des personnages bien plus complexes qu’aux origines de l’éditeur, mais là aussi, DC partait avec un sacré retard sur Marvel qui, dès 1961 et le premier numéro de Fantastic Four a privilégié l’aspect humain de ses héros. Chez DC, on faisait plutôt dans le demi-dieu tombé sur Terre.
Ainsi, chaque « méchant » possède sa part de lumière. Deathshoot cherche à être un bon père pour sa fille, El Diablo ne se pardonne pas d’avoir détruit sa famille, Harley Quin est clairement manipulée par le Joker dans une étrange relation haine/amour, Killer Croc a été victime de préjugés toute sa vie du fait de son apparence… On est effectivement avec une belle bande de psychopathes, mais à l’exemple de Prison Break et de cet épisode qui racontait la vie des évadés avait la prison, on peut dire qu’il dispose de certaines circonstance atténuantes.
La mise en scène de David Ayers est un régal. Ceux qui ont vu Fury ne seront pas surpris, tant son film de guerre ne faisait pas dans la sobriété, mais sans tomber dans l’esbroufe non plus. Je suis un peu étonné de voir que certains critiques ont écrit qu’il avait abdiqué son style et qu’il s’était mis au service du studio. Je ne suis pas d’accord car on retrouve cette façon de filmer très sèche, ces scènes efficaces et surtout cette volonté de ne pas juger le personnage, mais de le présenter dans sa dualité. Dans Fury, Brad Pitt n’était pas le sympathique meneur d’homme que l’on voit habituellement dans les films de guerre sur la seconde guerre mondiale. Ici, chaque personnage, y compris la directrice du programme Suicide Squad, n’est pas éminemment sympathique. Enfin, la puissance des effets visuels - DC fait vraiment un sans faute depuis Man of Steel - donne encore plus de pêche à un film bien destroy.
Bien évidemment, on pourra ergoter sur ces destructions bigger than life qui sont désormais la marque des films de super héros. Pauvre humanité, obligée de subir des affrontements titanesques et devant s’en remettre à des héros pas toujours respectueux de leur environnement pour les défendre. Suicide Squad ne fait pas exception à la règle et on peut se demander combien de temps les citoyens lambdas vont supporter le fait de s’en prendre plein la tronche pour pas un rond. Le futur Ligue de justice apportera peut être un semblant de réponse.
Enfin, on peut parler de l’univers très chatoyant initié par Ayers. Si Man of Steel ou Batman Vs Superman était plutôt monochrome, ici la couleur éclate et déborde de tous les côtés du cadre. Comme dans le comics d’ailleurs.
Projet casse gueule donc, Suicide Squad est à l’arrivée une réussite commerciale avec plus de 720 millions de dollars de recette. On me rétorquera que Marvel fait souvent mieux. Je répondrai que Marvel n’a pas encore osé sortir un film consacré à ses méchants uniquement. Et que, de toutes façons, l’amateur de Comics ne peut que se réjouir de cet affrontement à distance entre les deux géants de l’édition. Chaque film plaçant la barre un peu plus haute, on est certain d’avoir un spectacle d’une qualité visuelle inédite. Maintenant, il est clair que si vous n’êtes pas fan de super héros, vous détesterez Suicide Squad tant le film ne lésine pas sur certains clichés du genre. Un peu comme à l’apogée du western : il est évident que les réfractaires aux chevauchées dans l’Ouest, aux affrontements entre cowboys et indiens devaient sacrément trouver le temps long en attendant que la mode se passe. Elle a quand même duré plus de 40 ans !!
Bref, j’ai aimé Suicide Squad pour ce qu’il est : un film jouissif, décomplexé, parfois brutal, ne reculant devant aucun excès. Et puis soyons honnête, un film où l’un des personnages féminins porte des mini-shorts et des couettes ne peut pas être un mauvais film.