Le pitch : victime d'un grave accident et confronté à la montée en puissance de concurrents plus high tech que lui, Flash Mc Queen entreprend de se reconstruire sans vouloir renoncer à ses rêves de courses.
Décidément, la franchise Cars est étonnante. Après un deuxième épisode qui lorgnait sur le film d'espionnage et qui se centrait sur Martin (un épisode que j'avais trouvé très réussi) et un opus originel plus convenu (la personne arrogante qui découvre une vie plus simple chez des gens qu'il aurait méprisé), les nouvelles aventures des voitures parlantes se focalisent à nouveau sur Flash McQueen mais sans être un remake du premier épisode.
En fait, à l'instar de Toy Story 3, Pixar a décidé de faire "vieillir" ses personnages. Ainsi, Flash n'est plus la voiture performante des épisodes précédents et l'accident dont il est victime va l'obliger à accepter que le temps a passé et que s'il veut rester dans la roue des jeunes coureurs, il va devoir se faire violence et oublier une partie de ses acquis, se délester de ses vérités.
Du coup, la ré-éducation de Flash va se doubler d'un voyage nostalgique où la vieillesse, le passé, le temps d'avant sont à l'honneur. Ce parti-pris audacieux explique peut être le semi-échec du film, même si la franchise n'a jamais connu le triomphe des autres dessins animés Pixar, car il s'adresse nettement plus aux adultes qu'aux enfants. Certes, les gags visuels et les scènes délirantes (comme celle où Flash et son coach participent à une course de stock car dans la boue) ne manquent pas, mais on parle bien ici de lutte entre jeunes loups arrivistes et vieilles gloires tentant de survivre mais qui se tenaient les coudes. Pas très glamour comme concept. En fait Cars 3 emprunte une grande partie de sa thématique aux derniers épisodes de Rocky, quand l'étalon italien comprenait qu'il ne serait plus jamais le boxeur qu'il fut. Et il n'y a pas que Flash qui vieillit : des amis disparaissent, d'autres prennent leur retraite et vendent leur entreprise à des jeunes golden boy pressés de faire de l'argent , d'autres enfin vivent dans leur passé.
L'autre thème développé est celui de la poursuite de ses rêves. Cruz Ramirez la coach de Flash les a tous mis sous le boisseau , terrassé par un échec et si elle tente de faire diversion, son attitude montre bien qu'elle n'est pas si heureuse dans son travail. Et si la conclusion du métrage la remettra dans le chemin qu'elle n'aurait jamais du quitter, il lui faudra également faire un énorme travail sur elle même.
De manière étonnante, Cars 3 est sorti une année où les femmes ont été bien plus au centre de la planète cinéma, que cela soit par les films se reposant sur une héroïne, soit par le plus gros succès obtenu par une réalisatrice (Wonder Woman, de Patty Jenkins qui a enfoncé les films de Katryn Bigelow des tablettes) ou par la triste affaire Weinstein (qui est en train de tourner au n'importe quoi). Or, par un subtil basculement scénaristique, Cruz va reléguer Flash au second plan dans le tout dernier acte du film, une idée brillante et surprenant, d'autant plus qu'elle est bien amenée comme le montre une deuxième vision du film.
Visuellement, les progrès de l'infographie made in Pixar ont permis un univers encore plus riche, avec plus de textures et de détails, comme ces bouts de gomme de pneus qui jaillissent à l'écran quand la caméra virtuelle serre de très près les roues des véhicules lors des courses. Les couleurs également sont sublimes, parfois très flashy, parfois aussi douces qu'un pastel. L'énorme travail sur cette palette laisse pantois.
Présentant toujours plus de paysages américaines sublimes, après le tour du monde réussi du 2e opus, Cars 3 rend hommage à la ruralité et une Amérique dite profonde, trop souvent méprisée par une certaine forme de cinéma. Depuis le premiers Cars, Lasseter et son équipe ont voulu mettre à l'honneur la route 66, les petites villes, les préoccupations simples des gens vivant loin des mégalopoles. Pour avoir traversé une partie de l'Amérique (conduisant de New York à Supérior, une bourgade de 26 000 habitants du Wisconsin et traversant des états comme la Pennsylvanie, l'Ohio, le Michigan ou longeant les grands lacs), j'ai pu voir de visu cette Amérique des grandes routes, des paysages grandioses et des toutes petites villes avec leur main street si caractéristique.
Car 3 ne déroge donc pas à la règle et le voyage de Flash Mc Queen jusqu'en Floride puis à la recherche de origines de Doc, son mentor disparu, se double donc de visions extraordinaires de ces grands paysages américains.
Bien plus riche thématiquement qu'on pourrait le croire au premier abord , Cars 3 est donc une réussite de plus, mais une réussite douce amère, où le cheminement du héros ne s'achève pas forcément là où on le pensait. La série va sans doute s'arrêter ici, mais à la différence d'autres studios, Pixar aura eu l'immense intelligence de refuser de se répéter et d'empreindre cet ultime opus d'une réflexion poussée. Certains diront que ce film n'est qu'une oeuvre mineure pour le studio qui a révolutionné le cinéma d'animation avec Toy Story il y a plus de 20 ans, mais à l'instar du Voyage d'Arlo, métrage également très sous-estimé, Cars 3 offre bien plus que la majeure partie des films prétendus pour "enfant".