Le pitch : alors qu'elles reviennent d'un anniversaire, trois jeunes filles sont enlevées par un homme dont le corps abrite 23 personnalités différentes.
Après des années d'errances, M.Night Shyalaman est donc revenu à ce qui fit le succès de son incroyable succession de chefs d'oeuvre des années 2000 (6 sens, Incassable, Signes, Le village, La jeune fille de l'eau !! Excusez du peu !!) . Si je n'ai pas pu voir The Visit dont on me dit le plus grand bien, je me suis donc régalé avec Split !
Oublié les oeuvres de commande (Le dernier maitre de l'air, After Earth) et place à la suggestion, à l'économie de moyen qui fit la réputation du réalisateur ! Et place au twist tordu, au hors champ qui met bien mal à l'aise, aux images que tu penses avoir vu, mais qui n'ont été que fugaces, bref, place à un cinéma qui fout la trouille, la vraie !
Shyalaman attaque bille en tête avec une scène d'enlèvement où il mêle une agression que personne ne verra (celle du père) et une autre montrée pleine écran (les jeunes filles endormies avec une bombe lacrymogène). A partir de là, l'histoire va se partage entre huis clos (les 3 jeunes filles emprisonnées) et espace ouvert où Kevin tente de refouler cette 24e personnalité qui l'a poussé à ce crime. Mais l'essaye-t-il vraiment ? Entre les dialogues avec sa psychiatre et ses changements incessants de personnalités, ce qui ne peut que déranger ses prisonnières (et le spectateur), Kevin navigue entre désir d'aider et envie d'humilier. Et c'est en déployant un script imprévisible (qui aurait mis la tentative d'évasion si tôt dans l'histoire) que Shyamalan suscite la peur, car on sent confusément que tout peut arriver, tout peut déraper.
Mieux encore, en dotant les 3 jeunes filles de 3 attitudes différentes, il permet à chacun de s'identifier à l'une d'entre elles, même si, clairement, le script donne sa préférence à la "marginale" du groupe, dont les flashbacks d'enfance lui permettront de mieux résister à cette épreuve. Et si elles vont rapidement être séparées (un point crucial pour la "conclusion" de l'histoire, jamais on ne perd de vue chacun des personnages, y compris Kevin qui passe pourtant par toutes ses personnalités. On retrouve l'incroyable qualité d'écriture du réalisateur (qui s'offre un petit caméo, comme d'habitude) et son sens du détail. Rien n'est laissé au hasard et comme souvent, si l'on est attentif, on peut voir dès le départ ce que sera la fin de l'histoire.
Comme dans la plupart de ses films, le twist final est précédé par une série de retournement de situation voire de changement de perspective. Sans aller aussi loin que dans Le village, où à mi-parcours, le métrage changeait de héros (Dallas Howard prenait le relais de Joachim Phoenix quand celui ci était poignardé), Split recèle plusieurs virages à 180° permettant à l'intrigue de se renouveler et d'harponner plus profondément le spectateur. On est clairement dans un script exigeant, mais qui prend soin de ne perdre personne en route. Shyamalan n'est ni snob ni condescendant : il cherche surtout à faire le meilleur film possible, enchaînant les situations, mettant ses personnages à la torture (mine de rien, le fait de faire enlever certaines vêtements aux jeunes filles permet de ressortir leur vulnérabilité) et le spectateur avec.
Et quand cette 24e personnalité apparaît, la bête, il prend bien soin de laisser planer le suspens sur sa nature fantastique : les victimes, apeurées et désorientées, exagèrent-elles cette métamorphose, trompant le spectateur ? ou bien Split plonge-t-il brutalement dans l'horreur fantastique pure ? Le sauvetage de la dernière victime remet en doute tout ce que l'on a vu dans la dernière partie (même la lumière du film redevient crue, comme dans la réalité) mais subitement l'apparition de Bruce Willis et la mention du méchant de Incassable retournent à nouveau le spectateur ! Brillant, vraiment !
On sait désormais que cette scène n'a rien de gratuite et que Shyamalan va enfin donner cette suite à Incassable qu'il promettant en 2000, avant que le succès moindre du film fit que Disney se sentit obligé de remplacer le "A suivre" vu au cinéma par un carton lourdingue et explicatif en vidéo.
Mais quand on sait que Glass sera également la séquelle de Split, on ne peut que ronger son frein en se disant que le maitre absolu du suspens qu'il est (enfin) redevenu va encore nous étonner !!
En attendant, Split est une nouvelle leçon magistrale de cinéma, un film totalement à la hauteur des chefs d'oeuvre passé de son auteur, une promesse et la confirmation que le talent ne meurt jamais , qu'il dort parfois avant de se réveiller encore plus affamé !!